Quelques notions dÕecclsiologie et
dÕhistoire propos des droits et devoirs historiques, canoniques et
ecclsiologiques du Patriarcat de Constantinople sur la Mtropole de Kiev
Par un vque de la diaspora ukrainienne, le
Mtropolite Michel Laroche.
I Les
notions dÕglise, dÕtat, de nation (ethnos) et de diaspora dans lÕglise
Orthodoxe.
Dans cet article,
nous nous efforcerons de discerner les clefs de la gense de lÕecclsiologie,
cÕest--dire ce qui ds le commencement de lÕglise a manifest son unit
consubstantielle, tout comme ce qui a distingu les unes des autres chacune des
Eglises locales.
Le commencement de
lÕglise ne se situe exclusivement pas la Pentecte lorsque les aptres
reoivent lÕEsprit Saint sous forme de langues de feu et se mettent annoncer
lÕvangile dans toutes les langues. Certes ce temps transfigur de la premire
annonce de lÕvangile par les aptres aux nations prsentes ce jour-l
Jrusalem constitue bien un acte fondateur des prochaines glises locales. Mais
son commencement absolu rside dans ce dernier commandement du Christ
Ressuscit avant son Ascension : Ē De toutes les nations (en
grec ____, thn) faites des disciples, les baptisant au Nom du
Pre, du Fils et du Saint Esprit Č. (Mt XXVIII,19. Le Christ inscrit le baptme des nations
qui constitue la ralit premire de lÕglise dans la Ē monade
trinitaire Č Une seule essence divine et trois hypostases
distinctes : dÕune glise la fois Ē une Č et Ē multiple Č dans ses
hypostases. CÕest lÕicne de la Trinit Sainte dans le mystre ecclsial. Nous
reviendrons dans un autre chapitre sur le mot Ē_____ , thnos Č qui se traduit en franais par nations.
Les Pres de lÕglise,
quÕil nÕest pas ncessaire de citer ici, car leurs commentaires sont connus de tous,
partagent la naissance de lÕglise en trois moments distincts sans que lÕon
puisse en conclure que se seraient l trois tapes de la naissance de lÕglise,
trois ges de lÕglise, ou trois symboles ontologiques de son hypostase.
Les trois actes (je
prfre en grec le mot nergie intraduisible en franais) qui prsident tous
la naissance de lÕglise sont dans lÕordre de leurs apparitions (il nÕexiste
pas entre eux dÕordre hirarchique) les suivants :
Le ct transperc
du nouvel Adam endormi sur Sa Croix, ct duquel lÕglise nat, comme nat Eve de la ct prleve dÕAdam dans
le sommeil de celui-ci.
Le dernier
commandement du Christ ressuscit : Ē De toutes les nations
faites des disciples, les baptisant au Nom du Pre, du Fils et du Saint Esprit Č.
LÕannonce faite de
lÕvangile par les aptres lors de la Pentecte aprs la descente sous formes
de langues de feu de lÕEsprit Saint. (Act II,
1-47)
Ajoutons un
quatrime moment, qui est au cĻur de la signification et de la nature mme de
lÕglise : lÕinstitution de lÕEucharistie. LÕEcclsia, assemble, rassemble tous
les baptiss partir et dans le Corps du Christ. Nous dcouvrirons cet aspect
primordial du mystre de lÕIncarnation : lÕEucharistie clbre dans un
lieu prcis par lÕvque local attach ce lieu, comme lÕpoux lÕpouse, ce
qui y inclut tous les croyants qui y rsident, quelle que soit leur
appartenance nationale.
LÕglise ternellement
unie au Christ est lÕglise du fait mme de son union ontologique avec le
Christ. On ne peut pas placer un cheveu entre lÕEglise et le Christ. LÕEglise
est tout entire Corps du Christ. Le Christ Eucharistique est la vie de
lÕEglise. LÕEucharistie est la manifestation parfaite de lÕEglise.
Dans ce mystre de
lÕEucharistie est prsente la divino-humanit de lÕglise.
Lorsque le Christ
prononce les paroles de lÕinstitution il dit : Ē Ceci est mon corps
livr pour vous. Ceci est mon sang vers pour vous. Č La crucifixion et la
rsurrection qui expliquent et justifient ces paroles ne se sont pourtant pas
encore produites dans le temps chronologique, cÕest--dire le temps dchu de ce
monde. Une vrit laquelle nous croyons tous sÕimpose pourtant : le
Christ donne bien ses aptres et disciples Son Corps Crucifi et Ressuscit
et son Sang vers. Evnements qui ne se produiront pourtant que plus tard !
Le Christ se livre dans Sa proto-liturgie, fondatrice de toutes les liturgies
qui se poursuivront et insparable de celles-ci. Chaque nouvelle liturgie est
le prolongement de la proto-liturgie, elle est la fois galement, insparable
du Christ sans qui il nÕexisterait pas de liturgie.
La liturgie
insparable de lÕEucharistie est ternellement clbre par le Christ dans le
temps transfigur partir de lÕinstitution eucharistique. Ds la proto-liturgie
du Christ lors de la Sainte Cne qui est le fondement ontologique de toutes les
liturgies, lÕglise est rassemble dans lÕhypostase du Christ comme la
manifestation la plus accomplie aprs lÕIncarnation elle-mme, du mystre de
lÕIncarnation. Chaque liturgie est une introduction et une immersion de chaque
croyant dans le temps non chronologique, le temps transfigur dans lequel le
Christ clbre ternellement. Chaque liturgie renforce pour tous les baptiss
leur communion avec le Christ et de ce fait, leur appartenance comme un
prolongement du mystre de lÕIncarnation lÕEglise, Corps du Christ.
Nous ne pouvons pas
parler dÕecclsiologie en nous dtachant intellectuellement, artificiellement,
de la ralit charismatique de lÕglise qui est son fondement eucharistique.
Par la suite, avec la conversion de saint Constantin et la tenue du second concile Ļcumnique de Constantinople I (381), le sige des glises locales se hirarchisera en fonction de lÕimportance politique de la cit.
A la suite
de lÕannonce faite par Sa Saintet le patriarche Bartolomos
de Constantinople de la prochaine autocphalie dÕune glise Orthodoxe dÕUkraine,
une multitude de contrevrits ont t diffuses dans les diffrents mdias. En
mes qualits de canoniste, dÕhistorien, de go politicien comme de thologien,
je vais mÕefforcer de donner des rponses toutes les affirmations.
II Comment se sont riges les premires
glises autocphales ?
LÕautocphalie, en grec autocephalos, ___________,
mot compos du grec auto, ____,
littralement : soi, soi-mme ; et de kefalos, _______.
Littralement : tte, chef. LÕautocphalie est lÕacte canonique sous la forme
dÕun dcret patriarcal intitul Ē tomos Č
accord une glise nationale (locale) par le patriarcat de Constantinople.
Examinons
maintenant comment se sont produites les autocphalies des principales glises orthodoxes
locales que nous connaissons aujourdÕhui.
Ds la naissance de
lÕglise sans quÕil soit besoin ici dÕapprofondir les apostrophes qui sont faites
par Celui qui est Ē le Premier, le Dernier et le Vivant Č[1]
CÕest--dire le Christ Lui-Mme, dans lÕApocalypse Ē Ce que tu vois,
cris-le dans un livre et envoie-le aux sept glises qui sont en Asie :
Ephse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes,
Philadelphie et Laodice. Č[2]
il prcise ensuite chacune des glises locales en nommant indistinctement son
ange (son nom prcis nous est inconnu) : Ē A lÕAnge de lÕglise dÕphse
cris ceci. Č[3]. Ici ne
retenons que le symbole car nous savons que dÕautres glises locales existaient
dj depuis que les aptres sÕtaient rpandus dans lÕEmpire Romain : Jrusalem,
Antioche fonde par Pierre, Alexandrie fonde par Marc, Philippe, Corinthe,
Colosse, phse ( nomme dans lÕApocalypse), Athnes, toutes ces cits devenues
des glise locales fondes par Paul, Rome fonde par Paul et Pierre, Chypre,
Patmos, Byzance fonde par Andr et beaucoup dÕautres cites, devenues les
premires glises locales, nous renseignent sur la conception de lÕuniversalit
de lÕglise dans sa diversit locale. Ce que nous retenons, cÕest la
reconnaissance de la personnalit ecclsiale distincte, de lÕoriginalit propre
de chacune de ces glises locales indpendamment, cette poque, de
lÕimportance politique de la cit. Cette hypostase ecclsiale, nous la
discernons dans les pitres de saint Paul dans lesquelles au-del de son
enseignement distribu chacune des glises locales auxquelles il sÕadresse,
lÕAptre respecte la personnalit du Peuple : Ē Ainsi jÕai
dcid de ne pas retourner chez vous pour ne pas vous attrister de
nouveau Č.[4] LÕAptre
ici tient compte dÕune situation locale, qui nÕest donc pas directement
inscrite dans lÕenseignement universel de lÕvangile quÕil donne par ailleurs.
Des
autocphalies existaient dj, indpendantes du Sige de Constantinople, comme
principalement les glises apostoliques de Rome, dÕAlexandrie et dÕAntioche et
plus tardivement celle de Jrusalem qui jusquÕau concile de Constantinople I (
381) dpendait du sige mtropolitain de Csare en Palestine la grande
rprobation de saint Cyrille de Jrusalem qui protesta contre cette situation
injuste qui plaait la Mre de toutes les glises sous lÕautorit du
mtropolite dÕune cit qui nÕavait pas eu de fondation apostolique. Ainsi lÕglise
de Chypre, fonde par lÕAptre Paul et qui cet gard aurait eu tous les
titres le devenir, elle nÕest jamais devenue un patriarcat ; elle obtient
son autocphalie en 437. En marge de lÕEmpire Romain dÕOrient, il existait
galement lÕglise Gorgienne qui devrait un instant retenir notre attention,
car elle constitue lÕexemple parfait de lÕimprialisme sculaire du patriarcat
de Moscou. Cette glise fonde par saint Grgoire lÕIlluminateur devient
autocphale en 484, bien avant la Bulgarie et la Serbie dont nous allons parler
plus loin dans cet article. LÕpiscopat de cette glise, dont lÕvque tait mari
cette poque, se transmettait de pre en fils, dans de longues et trs
saintes lignes piscopales, ce qui constitue un exemple unique dans lÕhistoire
de lÕglise, car cette Tradition sÕapparente au npotisme, bien que dans
lÕesprit il en ait t autrement. Vers le VIe sicle, cette tradition
disparut. Lorsque la Gorgie fut rattache lÕEmpire Russe, le Saint Synode
Russe supprima arbitrairement lÕautocphalie sculaire de lÕglise Gorgienne.
CÕest dans la tourmente de la rvolution bolchvique que cette glise proclama
nouveau son ancienne autocphalie que le patriarcat de Constantinople
reconnut en 1989. [5]
Mais la jurisprudence canonique autant quÕecclsiologique qui nous intresse ici est celle qui concerne les nouvelles autocphalies partir du VIIIe sicle. A la suite des conqutes faites au dtriment de lÕempire byzantin par les diffrentes nations slaves, tout principalement les nations (en grec : ethnos, _____ ) Bulgares et Serbes se convertirent lÕOrthodoxie, et voulurent chacune disposer dÕune glise nationale comme en disposait lÕempire. La premire autocphalie dÕune nation rcemment convertie au christianisme fut celle de la nation Bulgare alors frquemment en guerre avec lÕEmpire Byzantin. Elle sÕajoutait aux glises existantes, les cinq patriarcats : Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche, Jrusalem, puis Chypre et la puissante glise franco-germano carolingienne.
Le
concours actif du souverain dans la proclamation de toutes les nouvelles
autocphalies se rfre au modle byzantin dans lequel la dsignation du
patriarche ne peut se faire sans le consentement, voir une dsignation pure et
simple, par lÕempereur du candidat. NÕoublions pas que depuis 313 lÕglise et
lÕtat non seulement ne sont pas spars, mais que leur union dans le sein
dÕune nation et de ses frontires est quasi consubstantielle. La premire sparation, qui entranera
pour certaines nations qui lui en emprunteront ce nouveau modle entre lÕtat
et lÕglise, sera celle produite en France en 1905.
Tous
les exemples qui vont suivre reproduiront ce premier archtype dÕun souverain
oint par le Seigneur, le basileus ou le roi, uni tout autant son tat dont il
est la tte, comme le Christ est la tte de lÕglise quÕ lÕglise locale unie
elle-mme la nation, selon la parole du Christ Ē de toutes les nations
faites des disciples les baptisant au Nom du Pre, du Fils et du saint
Esprit. Č[6]
Nous
nÕaborderons pas cette question chronologiquement, mais en fonction des
vnements similaires qui se sont produits dans le pass et se reproduisent
aujourdÕhui. La toute premire autocphalie qui fut ralise aprs celle de la
trs ancienne glise gorgienne et celle de lÕglise dÕAbyssinie avant quÕelle
ne devienne monophysite, fut lÕautocphalie bulgare.
III La fondation de lÕglise bulgare et
la comparaison de sa situation avec celle de lÕglise dÕUkraine.
La
fondation de lÕglise de Bulgarie remonte la conversion de son prince Boris
Michel. Ds son baptme, il nÕtait pas pour le souverain envisageable que la
nouvelle glise nationale bulgare, longtemps en guerre avec lÕempire byzantin,
puisse dpendre dÕune glise Mre (Constantinople) qui donnait sa fidlit
patriotique lÕEmpire romain byzantin. Pour ce souverain il tait tout
simplement impensable dÕtre oblig dÕentendre dans sa cathdrale tre
commmor le patriarche de lÕglise dÕune nation avec laquelle il pouvait se
retrouver en conflit (Bulgares et Grecs taient en guerre depuis 150 ans). Le
souverain bulgare hsita entre lÕglise de Rome et celle de Constantinople pour
y recevoir lÕautocphalie dsire, seul systme selon lui qui lui assurait
lÕindpendance de son glise dsormais nationale. Le souverain avait compris
quÕil lui tait impossible de faire dpendre directement du patriarcat de
Constantinople son glise nationale, car les vques de son pays auraient pu, dans
ce cas, recevoir du patriarche de Constantinople, lui-mme soumis lÕempereur,
des instructions antipatriotiques, ce qui aurait alors constitu une ingrence
insupportable pour lÕtat bulgare. Ds le commencement de cette glise locale, sÕest
pose la question des frontires entre des nations distinctes et leurs glises
locales quasi consubstantielles : Elle constitue une jurisprudence
canonique et ecclsiologique fondamentale acquise, qui a travers les sicles
et qui existe toujours, malgr les protestations que nous entendons aujourdÕhui
de la part de certaines glises orthodoxes imprialistes qui ne veulent pas
reconnatre les frontires des nouveaux tats.
Nous
observons ici que cÕest exactement la situation qui existe prcisment
aujourdÕhui entre la Russie et lÕUkraine. Une partie importante du territoire
national de lÕUkraine a vcu de trs nombreux sicles en dehors des frontires
actuelles de lÕempire russe. CÕest dans ce contexte quÕest n le sentiment
national ukrainien rattach une glise autonome locale rang exarchal sous lÕomophore du Patriarcat
de Constantinople, place durant des sicles dans le royaume de Pologne et le
Grand-Duch de Lituanie ; totalement en dehors de la Russie. La conqute
du territoire de lÕUkraine par Catherine la Grande nÕa pas supprim dÕun coup
de baguette magique le sentiment national Ukrainien qui sÕtait forg durant
des sicles en dehors du territoire imprial russe et dans le contexte dÕune
rsistance un pouvoir polonais catholique qui perscutaient sa minorit
orthodoxe ukrainienne. Mconnaissant cette page dÕhistoire, les opposants une
glise locale vritablement ukrainienne prtendent que lÕUkraine a toujours t
russe, ce qui, historiquement, est absolument faux.
Une
guerre existe aujourdÕhui entre ces deux pays, comme elle exista avec des
priodes de paix, suivies de nouvelles guerres entre Bulgares et Byzantins. Le
patriarche de Moscou, bien que commmor par une partie de lÕglise dÕUkraine
qui lui est soumise canoniquement, bnit lÕarme russe, comme cÕest son devoir
canonique de le faire. Si le patriarche de Moscou tait le vritable primat de
lÕglise dÕUkraine, il devrait tout autant bnir les armes ukrainiennes qui
dfendent le territoire national de lÕUkraine et prier pour la victoire des
armes ukrainiennes. Le commandement du Christ sÕapplique ici : Ē Nul ne peut servir
deux matres. Car, ou il hara l'un, et aimera l'autre; ou il s'attachera
l'un, et mprisera l'autre. Č[7] Dans quelle direction va la
fidlit patriotique du patriarche de Moscou ? Nous le savons, le monde
entier le sait, et tous les membres de lÕglise dÕUkraine, dont je fais partie,
le savent : la fidlit du patriarche de Moscou - et cÕest tout fait lgitime, va
la Fdration de Russie et son arme. Et cÕest exactement l que se situe le
fond du dbat ecclsiologique. Le patriarche de Moscou ne peut tre le Pre et le Berger aimant
des croyants ukrainiens dont il nie lÕexistence en tant que peuple dÕune nation
souveraine. Non seulement il ne prie pas pour lÕarme ukrainienne, il ne bnit
pas ses soldats, mais il prie pour la victoire des armes russes au dtriment
du territoire national ukrainien ; il prie pour la disparition de
lÕUkraine comme nation indpendante en rvant haute voix quÕelle redevienne
un territoire de lÕempire russe. Maintenir en Ukraine lÕautorit canonique du
patriarcat de Moscou est exactement la mme question qui sÕtait pose en 1918
aprs le Trait de Versailles la nouvelle Pologne et au Marchal Joseph Pilsudsky qui conduisirent celui-ci exiger que la partie
de lÕglise dÕUkraine situe en Pologne se dtache du patriarcat de Moscou dont
elle constituait ses yeux un dangereux cheval de Troie entirement au service
des Russes, et quÕelle obtienne de son glise Mre, le Patriarcat de
Constantinople, son autocphalie, ce qui sÕest produit en 1924. JÕai crit et
publi Kiev en 2015 un ouvrage qui retrace cette histoire de la
Ē Premire autocphalie Ukrainienne Č. JÕy faisais la prdiction que
cÕest en se fondant sur le tomos de cette premire
autocphalie que le Patriarcat de Constantinople pourrait tendre la mme
autocphalie la partie de lÕglise dÕUkraine situe en Ukraine, ce qui est dsormais
annonc par la Grande glise. Le patriarcat de Moscou avait rsist alors,
arguant contre cette autocphalie de 1924 avec exactement les mmes paroles, les
mmes arguments que ceux dÕaujourdÕhui. LÕimprialisme qui les inspire nÕa pas
disparu.
CÕest la
question des frontires dont nous parlions plus haut. Il existe en effet un
autre principe ecclsiologique : lorsquÕune frontire apparait la suite
de la proclamation dÕun nouvel tat souverain dans une nation historiquement de
confession orthodoxe, lÕglise orthodoxe locale a le devoir de sÕy organiser en
fonction des nouvelles frontires selon le canon 34 apostolique : Ē Que
les vques de chaque nation doivent reconnatre leur primat et le considrer
comme leur chef.et ne rien faire sans son avis ; Mais lui aussi quÕil ne fasse
rien sans lÕavis de tous ; car ainsi rgnera la concorde et seront
glorifis le Pre, le fils et le Saint Esprit. Č[8]
Il nÕest pas encore question dans ce cas prcis dÕautocphalie, mais
dÕautonomie locale.
CÕest
la position quÕobserve aujourdÕhui[9]
le prsident ukrainien Petro Porochenko (ainsi que le
parlement ukrainien) qui est baptis, fidle croyant orthodoxe, position qui est
la mme que celle du tsar Boris Michel, en exigeant comme ce dernier lÕavait
fait pour lÕglise bulgare, lÕoctroi de lÕautocphalie, la reconnaissance de
lÕautocphalie dÕune glise nationale ukrainienne non infode au patriarcat de
Moscou. Il veut une glise nationale ukrainienne indpendante de lÕglise russe
qui en ce moment mme bnit les armes russes qui menacent le territoire
national de lÕUkraine.
Le
patriarche Photios et lÕempereur Michel ainsi que son successeur Basile
finiront par le comprendre et lÕaccepter. Toute autre solution nÕtait pas
viable. Sur ce point Boris Michel avait intgr le principe imprial Byzantin
de lÕaigle bicphale symbolisant les deux gouvernances de la nation par
lÕempereur et le patriarche. Son glise se devait dÕtre une glise nationale.
CÕest son fils, le tsar Symon, qui obtiendra, aprs
de nombreuses difficults, de la part de lÕempereur de Constantinople Romain
Ier Lcapne[10] et du patriarche de
Constantinople Nicolas Mysticos, lÕautocphalie et le
rang patriarcal son glise (924-927)
ayant alors comme sige Ohrid, et pour lui-mme le titre de basileus
(empereur). Par exemple, le second sige patriarcal bulgare de Tarvono fut fond par lÕEmpereur des Bulgares Kaloyant en 1204 dÕabord sous lÕautorit canonique du pape
de Rome Innocent III et enfin en 1234, lorsque le nouveau patriarcat bulgare
fut reconnu par Constantinople et son rang patriarcal confirm pour son
titulaire le patriarche Johachim de Tarnovo. CÕest cette premire autocphalie qui deviendra
lÕarchtype de toutes les futures autocphalies qui suivront en Europe de lÕEst
jusquÕ notre poque. Examinons les mcanismes qui ont t lÕorigine de
toutes ces anciennes autocphalies : il fallait toujours un dcret de
lÕautorit sculire pour confirmer la naissance dÕune nouvelle glise
autocphale. CÕest ici, dans la naissance du nouvel tat qui sÕorganisait avec
son glise autocphale selon le modle byzantin, quÕallait natre la puissante
racine de toutes les glises-nations de la fin du XIXe sicle au
dbut du XXe sicle, avec la naissance ou la restauration de
nouveaux patriarcats, aprs lÕeffondrement de lÕEmpire Turc. LÕglise de Serbie,
travers lÕaction diplomatique de saint Sava, obtient de lÕEmpereur de Nice
Thodore Ier Lascaris (1205-1222) et du Patriarche Manuel Ier Sarentnos (1217-1222) le statut Ē dÕArchevque Autocphale
Č en 1219 concrtis par la chirotonie piscopale
de saint Sava. Fait unique dans lÕhistoire de lÕglise, un Ē archevque
autocphale Č lui seul, rassemblait dans sa personne toute la
catholicit de la nouvelle glise locale : Saint Sava agissait seul tout
en portant dans son piscopat le canon 34 apostolique ; il dcidait seul
de qui recevrait la chirotonie piscopale (puisquÕil
nÕexistait pas dÕautres vques locaux pouvant se runir selon le canon 34 des
Aptres pour procder une lection), mais il reprsentait bien canoniquement
et ecclsiologiquement lÕensemble de lÕpiscopat
universel par ce canon, spcifique, dÕ Ē archevque
autocphale Č. Cet exemple unique dans lÕhistoire, constitue lÕaffirmation
quÕen accordant tous ces privilges son premier vque, lÕempereur et le
patriarche ( Nice) avaient reconnu lÕautocphalie de la nouvelle glise locale,
non seulement comme ralit (une chrysobulle[11] avait t accorde) mais
comme principe pour chaque nation. Ils devanaient, pour cela, la prsence dÕun
piscopat qui nÕexistait pas encore en rassemblant sur son premier primat tous
les privilges dÕune autocphalie plnire, qui normalement suppose au moins
trois, voire quatre vques.
IV La fondation de lÕglise de Serbie et
la comparaison de sa situation avec celle de lÕglise dÕUkraine.
La
fondation du premier patriarcat de Serbie elle aussi se conjuguait avec une
volont monarchique exprime par son Prince Stefan Uros
IV Dusan, roi des Serbes de 1331 1346 puis ensuite empereur des Serbes et des
Grecs de 1346 1355. CÕest avec lÕappui des moines du Mont Athos dont il tait
le protecteur quÕil put lever le sige de la Serbie, jusque-l un archevch,
au rang patriarcal, qui sera perdu sous lÕempire Ottoman et re-proclam
ensuite au commencement du XXe sicle, comme nous le verrons plus
loin (Le Patriarcat dÕOhrid avait t fond par un dcret de lÕEmpereur Basile
II en 1019). Il tait indispensable pour un sacre imprial que la crmonie
soit clbre par un patriarche. Mais la seule garantie pour pouvoir assurer la
succession dynastique tait de disposer dÕun patriarche attach lÕglise
nationale du nouvel empire. Stefan Du_an se proclame
Nol 1345, basileus. Devant lÕimpossibilit de faire dplacer le patriarche
de Constantinople ou le pape (requis en premier pour cette crmonie alors que
le schisme est consomm entre Rome et Constantinople depuis 1054 !), le
sacre est organis Skopje pour le dimanche de la
Rsurrection du Christ, sous la prsidence pontificale du patriarche de
Bulgarie Simon et de l'archevque d'Ohrid, Nicolas Ier en plus dÕune trs
large reprsentation des higoumnes[12]
des principaux monastres du Mont Athos, parrains spirituels du nouvel empereur
qui les protgeait. L'archevque de Serbie Joannikos II est alors lev au rang de patriarche et intronise Stefan Uros Dusan comme empereur des Serbes et des Grecs. Lorsque
Jean Cantacuzne devient lui-mme basileus en 1347 il ne peut videmment pas
accepter que le souverain serbe porte le titre de basileus et que la nouvelle glise
serbe soit arrache lÕinfluence de lÕglise patriarcale de Constantinople en
lui disputant lÕautorit la fois canonique et celle de la souverainet sur la
presquÕle du Mont Athos quÕavait de
facto et depuis peu de jure
lÕempereur des Serbes. En 1350 la symphonie qui unit le basileus et le
patriarche de Constantinople fonctionne et ce sera lÕexcommunication et
lÕanathme jets tant sur le nouveau patriarche serbe que sur le souverain de
cette nation par le patriarche Calliste Ier (1350-1353 et 1355-1363), un
disciple de saint Grgoire Palamas. Dans le dcret dÕune svrit particulire,
ce nÕest pas seulement les deux principaux protagonistes qui sont ainsi exclus
de lÕglise Orthodoxe mais toutes les terres serbes. Nouvelle puissance dans la
rgion face aux Turcs, lÕempire serbe avait acquis de ce fait une position dominante
face lÕaffaiblissement de lÕempire byzantin. Mais sÕemparer, en
lÕintroduisant dans le nouveau patriarcat de Serbie, du Mont Athos dont le
patriarche de Constantinople est directement lÕvque canonique, contrevenait
une multitude de canons : II Concile Īcumnique (381) canon 2 ; III
Concile Īcumnique dÕphse (431) Canon 8 ; Quinisexte
Concile Īcumnique in Trullo Constantinople (691), Canon 17 ; Canons
Apostoliques 14, 34, 35, 39 ; Antioche (341) Canon 3, 13, 16, 22 ; Sardique (343) Canons 3, 11, 12. Ainsi le
rattachement dÕune presquÕle (le Mont Athos) au nouvel empire serbe, avec
pourtant le consentement de ses habitants -les moines du Mont Athos- et la
fondation mme de ce nouvel tat tant peru comme un empire concurrent,
dclenche les foudres du patriarcat de Constantinople. Nous notons que lÕactuel
patriarche de Serbie Irne qui nous reproche dÕtre des schismatiques, est
avec son glise le descendant dÕune glise schismatique dÕexcommunis, et de ce
fait tous, selon lui, privs de la grce. Ou le patriarche Irne de Serbie est
ignorant de sa propre histoire, ce qui pour un patriarche est inexcusable, ou il
est un adepte de la diplomatie ecclsiastique en sÕappuyant sur le puissant
patriarcat de Moscou pour ne pas perdre la Macdoine.
Nous
le constatons, cÕest toujours le facteur gopolitique qui est le puissant motif
principal dans les dcisions arbitraires de ces anathmes car ces exemples se
rptent dans toute lÕhistoire des glises orthodoxes locales ; alors que
seules des questions concernant la puret de la foi Orthodoxe devraient motiver
ces schismes. Il nÕest question derrire ces anathmes, que de pouvoir et de
revendications territoriales dans lesquelles lÕglise imprialiste se fait
lÕexcutante de la volont du Prince. Cet anathme frappant le patriarcat de
Serbie et la nation serbe ne sera annul que 25 ans plus tard, en 1375, sous le rgne du prince Lazare de Serbie et du patriarche de Constantinople Philotos (1353-1354 et 1364-1376).
V La fondation de lÕglise Russe et la comparaison de sa situation avec
celle de lÕglise dÕUkraine.
LÕautocphalie
de Moscou, avec son rection comme sige patriarcal, fut obtenue par la force.
Une premire rupture fut lÕauto-proclamation unilatrale de lÕautocphalie
russe avec la dsignation en 1448 de son nouveau mtropolite Jonas, sans le
consentement de Constantinople. Cette situation non canonique se poursuivra
jusquÕen 1558. Le Tsar Fedor Ivanovitch et lÕhomme
fort de la principaut le rgent Boris Godounov, convoquent Moscou en 1588 le
patriarche Jrmie II de Constantinople, affaibli politiquement par la
domination ottomane. On commena par restreindre sa libert en lÕempchant de
retourner Constantinople. Une Ē tradition Č existait alors
Moscou, (que de nombreux chroniqueurs ont consign dans leurs rcits),
dÕemprisonner les visiteurs trangers, bien accueillis, mais qui nÕavaient plus
jamais le droit sous peine de mort, de mme simplement rclamer leur retour
dans leur patrie, ni de communiquer avec les non russes de la capitale. On
proposa au patriarche de transfrer son sige Wladimir, en argumentant quÕen
restant Constantinople il tait sous le joug des Turcs. Devant son refus
courageux, tant donn les circonstances, on lui proposa plus directement de
devenir le patriarche des RussÕ avec comme sige Moscou. Et enfin, (nous
passons toutes circonvolutions des dtails de cette histoire), on fit accepter
au patriarche qui se voyait terminer ses jours sans doute de manire violente
Moscou sÕil refusait dÕriger le sige de Moscou en sige patriarcal
concomitant avec la dclaration dÕautocphalie, de procder lÕintronisation
aprs un simulacre dÕlection du candidat dsign par le tsar et Boris. Le
patriarche de Constantinople nÕavait jamais pu rencontrer le candidat avant ce
jour ! On procda donc le 26 janvier du calendrier julien 1589, non pas
une intronisation, mais une sorte de re-conscration
piscopale qui sÕcartait du typikon orthodoxe
traditionnel, en disant en lui imposant lÕvangile avec la prire de la chirotonie piscopale :
Ē La grce divine dsigne le trs pieux archevque Job pour devenir
patriarche de Moscou et de toute la RussÕ Č. Mais Jrmie ne pouvait rien
dire, car il tait entre les mains du puissant rgent et consacrait patriarche
le favori de celui-ci, Job. Cela dÕailleurs ne le choquait pas
particulirement, cet usage du Prince dsignant lÕlection du sige primatial
son candidat tait gnral dans toutes les monarchies et avait t celui de
lÕEmpire Byzantin du temps de sa splendeur. Et cÕest ici que se place la
confirmation pour la nouvelle glise de faire elle-mme son Saint Myron. Le
patriarche retint lÕargumentation suivante : puisque que ce droit avait
t accord au Sige de Kiev depuis au moins le XIVe sicle, (une
date prcise nÕest pas connue), il tait transmis depuis ce sige, Kiev qui
cependant le conservait pour lui-mme,
au nouveau Sige de Moscou ! Ainsi en droit canonique comme en
charisme, le droit de faire son Saint Myron ne provenait pas dÕun droit accord
ce jour-l par le patriarche de Constantinople au Patriarcat de Moscou, mais de
la reconnaissance que ce droit ancien provenait du sige de Kiev. Mme dans le
Saint Myron la position de la Mtropole de Kiev comme glise Mre de Moscou et de
toute les glise RussÕ tait confirme. La production du saint Myron par le sige
de Kiev est attache sa soumission canonique au patriarcat de Constantinople.
Elle constitue la preuve charismatique que le sige de Kiev en conservant sa
capacit de produire lui-mme son saint Myron ne pouvait dpendre de Moscou car
ce privilge lui vient directement du patriarcat de Constantinople.
VI Schismes, schismes et encore schismes
au XIXme sicle et au dbut du XXme sicle.
Ce
principe perdurera et se manifestera dÕune manire violente avec des schismes
rptition la fin du XIXe sicle et au dbut du XXe
sicle lorsque les anciennes nations orthodoxes europennes (Bulgarie, Serbie,
Grce, Roumanie), libres du joug ottoman, se refondront en tats souverains.
Celles-ci exigrent que leurs glises orthodoxes nationales -dont lÕautocphalie
avait t pour certaines, bulgare et serbe, supprime par le patriarcat de
Constantinople (lui-mme soumis lÕautorit de lÕEmpire Ottoman), du fait de
la disparition pour chacune dÕentre elles dÕun tat souverain et de ses frontires,
principe ecclsiologique qui se conjugue dans les deux sens, proclament, sans
le consentement patriarcal, leurs autocphalies originelles. Pour le cas de la
Roumanie et de la Grce, les nouveaux tats ne voulaient pas que leurs glises
nationales soient soumises un patriarcat infod la puissance sculire
dÕun pouvoir ha, celui du vieil Empire Ottoman !
Avant
le dbut du XXe sicle, il nÕexistait pas de patriarcat de Roumanie,
et cÕest la chambre des dputs et le snat de cette nation qui proposrent
lÕrection de Bucarest comme sige patriarcal. Le nouveau patriarcat de
Roumanie a lui aussi connu un long schisme de la part de Constantinople pour
avoir proclam, la fois son autocphalie qui le sparait de la juridiction de
Constantinople, et pour avoir rig sa capitale en sige patriarcal. Rappelons
brivement son histoire. La nation roumaine, comme on le sait, aprs une longue
occupation turque sur une partie de son territoire, et austro-hongroise sur une
autre, obtint son mancipation au Congrs de Paris en 1856, grce la
nouvelle politique europenne de la France voulue par lÕEmpereur Napolon III.
Celui-ci proposa que les deux principauts roumaines lisent chacune un
hospodar. Toujours lÕinitiative de Napolon III, elles choisirent le mme
gouverneur : le Prince Alexandre Cuza. [13] Le nouvel tat, par la voix
de son nouveau chef, le Prince Alexandre Cuza, qui runissait deux des quatre
provinces roumaines, la Valachie et la Moldavie, proclama la constitution dÕune
glise Nationale roumaine. La trs ancienne nation roumaine, dans son accession
nouvelle un tat souverain exigea de son glise locale la rupture totale avec
lÕautorit du Patriarcat de Constantinople, hrite du pouvoir turc. Le
Patriarcat Īcumnique, comme on pouvait sÕy attendre, rompit sa communion avec
la nouvelle glise autocphale roumaine, bien que des relations pistolaires
continuassent dÕexister avec lÕune ou lÕautre des mtropoles roumaines. Les Roumains
obtinrent canoniquement le 24 dcembre 1864 -5 janvier 1865, et sans les
conflits habituels, leur sparation du patriarcat serbe de Carlovitz
(aujourdÕhui disparu) alors situ dans lÕEmpire Austro-Hongrois et dont le
Synode rigeait une mtropole autocphale de Transylvanie. CÕest cette date
quÕil faudrait retenir comme celle de la premire autocphalie moderne de
lÕglise orthodoxe roumaine. Son sige tait alors Hermannstaad[14]. Il
est noter que cette autocphalie accorde par le patriarcat de Carlovitz est lÕune des trs rares dans lÕhistoire moderne
avoir t ralise sans schisme. Le patriarcat de Carlovitz,
en migrant dans lÕEmpire Austro-Hongrois, se plaait hors de lÕinfluence de
lÕEmpire Ottoman. CÕest pourquoi cette autocphalie demeure un fait unique dans
lÕhistoire de lÕglise de cette poque. Les Roumains de Bukovine
obtinrent neuf ans aprs, du mme patriarcat de Carlovitz,
une autocphalie semblable. Ainsi,
ces premires autocphalies roumaines ne devaient-elles rien Constantinople.
Elles ne furent pas reconnues par Constantinople. Il faudra attendre le tomos patriarcal de 1885 pour que la communion entre ces
glises soit rtablie : le schisme aura une dure de 21 ans. LÕglise de
Roumanie, comme aujourdÕhui lÕglise dÕUkraine, avait t considre comme
schismatique durant toute cette priode ! LÕautocphalie roumaine de 1885
constitue en ralit lÕunion de toutes ces mtropoles, autocphales depuis dj
vingt ans. Il faudra encore attendre la Confrence de la Paix Paris, en janvier
1919, pour que la Transylvanie soit rattache au nouvel tat roumain, ce qui
favorisera lÕunion de ces diffrentes mtropoles autocphales. Aussi
lÕautocphalie reconnue par le Patriarche Johachim IV
en avril 1885 ne faisait quÕentriner des faits anciens et inluctables.
LÕautocphalie de lÕglise roumaine, exemple unique, tait en ralit
constitue dÕglises orthodoxes locales unies par la mme appartenance
nationale et linguistique, mais qui avaient vcu jusque-l sparment, et qui
renonaient leur autocphalie ou autonomie spares, pour se regrouper en une
seule glise autocphale. Il est noter que cÕest aprs lÕauto-proclamation
faite par le Saint Synode de lÕglise autocphale de Roumanie, de lÕlvation
la dignit patriarcale du sige de Bucarest le 4 fvrier 1925, que le Snat (12
fvrier 1925) et la Chambre des Dputs (17 fvrier 1925) du nouvel tat
roumain, proclamrent officiellement le Patriarcat, plaant ainsi
Constantinople devant un fait accompli. Sans la contribution de mon grand-pre
Jules Laroche la Confrence de la Paix Paris, dont il fut lÕun des
principaux conseillers et qui aboutit au Trait de Versailles, les frontires
actuelles de la Roumanie, comme celles de son patriarcat, nÕexisteraient pas.
Mon grand-pre Jules Laroche, revtu de la dignit dÕAmbassadeur de France[15],
lÕpoque sous-directeur du Quai dÕOrsay, eut jouer un rle dterminant pour
que la Transylvanie ft attribue aux Roumains et non aux Hongrois.[16] .
Rappelons maintenant que toutes les rcentes autocphalies modernes du dbut du
XXe sicle -Bulgarie, Serbie, Roumanie, glise de lÕHellade- ont
subi de longs schismes.
voquons
la dure de ces schismes qui parsemrent de nombreux sicles et qui ont tous eu
le mme motif : lÕapplication de lÕecclsiologie dÕune glise locale orthodoxe
par nation, comme pour lÕUkraine aujourdÕhui et comme pour la Macdoine qui est
dans la mme situation vis--vis du Patriarcat de Serbie. La proclamation de
lÕautocphalie de lÕglise bulgare en 1185 sera suivie dÕun schisme avec
Constantinople qui durera jusquÕen 1234, date laquelle lÕglise bulgare
obtiendra une premire fois la reconnaissance de son autocphalie par
Constantinople. Dure du premier schisme bulgare : 50 ans. La proclamation de
lÕautocphalie plnire de lÕglise de Serbie en 1446 par le Tsar Stefan Uros IV Dusan et qui ne sera reconnue quÕen 1475. Dure de
ce premier schisme serbe : 29 ans. Le Patriarcat de Constantinople, nous lÕavons
vu, excommunia lÕglise serbe durant toute cette priode. Pourtant les
ordinations faites et les sacrements distribus dans ces deux glises au cours
de ces priodes de schisme, sont aujourdÕhui considrs comme pleinement donns
dans lÕglise orthodoxe. La seconde restauration du patriarcat de Pec 1528-1534
avec excommunication et dposition durera six ans. La troisime restauration se
fera sans excommunication de 1557 jusquÕ la nouvelle suppression en 1766. Le
patriarcat de Carlovitz dont nous avons parl plus
haut se substitua un moment au patriarcat de Pec disparu. Mais il faut le souligner,
ce transfert sur un autre territoire national de la presque totalit du peuple
serbe avec son glise locale se faisait avec le consentement de lÕempereur
dÕAutriche qui produit un dcret en ce sens. Rappelons les faits : En1690
le patriarche de Serbie Arsne Tchernoevith organise
la migration massive vers lÕempire Austro-Hongrois de la majorit du peuple
serbe alors sous domination ottomane. LÕempereur Lopold, sollicit par le
patriarche des Serbes qui, connaissant la tradition ecclsiologique orthodoxe,
sait parfaitement quÕil est ncessaire que lÕautocphalie ancienne de son
glise soit confirme du point de vue civil par les nouvelles autorits du
nouvel tat dans lequel sÕinstallait son glise locale et en lÕabsence dÕune
autre communaut orthodoxe dans lÕempire. LÕempereur Lopold reconnatra
lÕautocphalie serbe ayant comme sige Carlovitz dans
un diplme imprial sign du souverain en date du 20 aot 1691. Ce nouveau
patriarcat sÕaccrotra lÕoccasion des deux autres migrations massives de la
population serbe demeure dans les frontires de lÕempire Ottoman, en 1738 et
en1788. Ce dplacement de lÕglise autocphale serbe se fondait sur le canon Ļcumnique
39 du Concile Quinesexte, In Trullo Constantinople (691)
qui consacrait une dcision impriale de lÕempereur Justinien Ier du prcdent transfert
de lÕglise de Chypre sur le continent en Asie Mineure. Un sige lui avait t
donn, celui de Ē Justiniapolis Č titre
conserv jusquÕ nos jours par le primat de lÕglise autocphale de Chypre. Le
Concile Quinesexte, In Trullo, comme lÕempereur,
plaait le territoire dtermin par des frontires connues et prcises avec
toutes ces parchies locales prcdemment existantes sous lÕautorit du primat
de lÕglise de Chypre. Le patriarcat de Carlovitz disparut
en 1920 et fut remplac par une simple mtropole. La mme anne les parchies
serbes toutes autonomes qui avaient t disperses dans les diffrentes nations
qui sÕtaient partag le territoire national de la Serbie, sÕunirent en une seule
glise locale. CÕest cette occasion que se situe lÕorigine du schisme actuel
de lÕglise macdonienne lorsque le patriarcat de Constantinople vendit le 16
mai 1920, pour 1.500.000 francs, lÕparchie de Macdoine la Serbie. Il le
faisait, parce quÕ lÕpoque le nouveau royaume Serbe avait dans ses frontires
la Macdoine du nord. Pour quÕune glise nationale existe titre autocphale,
il lui faut les frontires dÕun tat souverain qui la reconnaisse. Cette rgle
est inviolable. A lÕoccasion de la restauration du royaume de Serbie avec la
volont du nouveau monarque Alexandre, rgent de Serbie, le patriarcat de Pec
fut rtabli et son nouveau patriarche dsign le 12 novembre 1920.[17]
La proclamation de lÕautocphalie de lÕglise de lÕHellade en 1833 par le Roi
Othon ne sera reconnue par le patriarcat de Constantinople quÕen 1850. Dure du
schisme : 17 ans. La nouvelle proclamation de lÕautocphalie de lÕglise de
Bulgarie, en 1872, ne sera reconnue quÕen 1938. Dure de ce dernier schisme bulgare
: 66 ans, soit un total de 116 ans pour lÕensemble des annes o lÕglise bulgare
resta en schisme avec Constantinople.
Les
opposants lÕautocphalie de lÕglise dÕUkraine qui veulent maintenir notre
glise et son peuple dans une sparation de communion avec lÕensemble de
lÕglise Orthodoxe oublient de dire que toutes, absolument toutes sans exception,
les nouvelles glises orthodoxes sont passes par ce chemin escarp et
douloureux, et quÕelles ont t schismatiques et excommunies, et que par la
suite le plerum de lÕglise Orthodoxe a dclar que
durant ces longues priodes de schisme ces mmes glises nÕavait jamais perdu
la grce et que tous leur sacrements taient valides .
VII LÕautonomie de la mtropole de Kiev
sous lÕomophore du patriarcat de Constantinople et lÕorigine historique du statut canonique dÕExarchat confr par le Patriarche de Constantinople la Mtropole de Kiev.
Relisons une fois encore le Tomos
de 1924, tout le Tomos, rien que le Tomos car cÕest en lÕtudiant
que nous trouverons toutes les justifications
la fois historiques, canoniques et ecclsiologiques qui, une fois
rassembles, prouveront que la Mtropole
de Kiev a toujours dpendu,
du point de vue de son autonomie, de la Grande Eglise.
Un point capital figure dans le Tomos de 1924, sans quÕaucune
date prcise, ni mme
aucun nom du premier Exarque, ne
soit mentionn.
Nous lisons en effet :
Ē la premire sparation de notre Sige de la Mtropole de Kiev et de la Mtropole Orthodoxe de Lituanie et de Pologne, en
a dpendu, ainsi que son intgration au sein de l'glise Moscovite
qui a t accomplie
contrairement au droit canon comme aussi tout ce qui a t convenu en ce
qui concerne la pleine autonomie de l'glise de la Mtropole de Kiev,
qui, l'poque, avait le titre dÕExarque du Sige Ļcumnique. Č
Nous devons nous intresser
ce statut dÕexarchat
afin de savoir dans quelles circonstances il fut accord,
car il nÕest pas mentionn
par hasard dans le tomos, ainsi que lÕidentit
de son premier titulaire, qui sont donc revtus
dÕune trs grande importance. A quel
moment donc dans son histoire, la Mtropole de Kiev est devenue
un Exarchat autonome du Patriarcat de Constantinople ?[18]
LÕautonomie jusque-l
observe Kiev nÕtait
donc pas une pleine autonomie, car elle prsupposait
que la dsignation du mtropolite
de Kiev pouvait se raliser par une dsignation
directe du patriarche de Constantinople. Souvenons-nous du pass
aux nombreux exemples de dsignation pure et simple du mtropolite
par le patriarche ; la pleine autonomie de la Mtropole
de Kiev lui donnait le privilge de choisir son primat avec
sa confirmation par le patriarche, et la libert
de produire elle-mme son saint Myron a t
accorde une date prcise
dans lÕhistoire et certainement, en faveur dÕun
mtropolite
la personnalit emblmatique, qui avait su attirer
la confiance, pour lui et ses successeurs, du Patriarcat de Constantinople.
Encore une fois la rponse
que nous donne lÕhistoire dpasse
nos esprances.
Il faut revenir au contexte que nous avons
examin dans cet article dÕune
Mtropole de Kiev situe
entre deux tats en guerre, soit la Pologne et la Russie,
et chacune de ces nations sÕefforant
dÕannihiler la conscience patriotique ukrainienne
et son plus puissant vecteur, son glise locale, la Mtropole
de Kiev. Lorsque dans la grande priode dÕinstabilit
que traversait lÕUkraine et les perscutions
anti-orthodoxes de la part du royaume de Pologne pour favoriser lÕunion
de Brest, le patriarche Thophane de Jrusalem
procda des chirotonies
piscopales en secret, ralises
la nuit dans des glises sans lumire
allume.[19]
Ainsi un mtropolite de Kiev avait t
consacr en 1620 Peremyls,
puis transfr
Kiev en 1631. Le Mtropolite de Kiev non ratifi
par Constantinople, mais cependant accept par le nouveau roi de
Pologne Wladyslav se nommait Iase Kopinsky.
Il avait succd en 1631 au Mtropolite
Job Borestsky consacr
dans les mmes conditions. Comment de telles conscrations
piscopales avaient-elles pu se produire ? Le patriarche Thophane
IV de Jrusalem, en visite en Russie, tait
pass par la Pologne o
il sÕtait rendu compte de la situation dsastreuse
dans laquelle se trouvait la mtropole ukrainienne (
la suite de lÕunion dÕune grande partie de sa hirarchie
avec lÕglise catholique), prive
ainsi dÕvque, et des besoins urgent du
clerg et du peuple dÕavoir
des hirarques instruits capables de donner un
enseignement orthodoxe appuy sur de vritables
connaissances de la Tradition des saints Pres,
non seulement de clbrer, dÕordonner
de nouveaux prtres et diacres mais galement
de les reprsenter auprs
des autorits civiles. Thophane
arriv en Russie trouva un appui moral sur lÕide
mme de consacrer en secret des vques
pour la mtropole de Kiev auprs
du Patriarche de Moscou Filaret (1619-1633)[20]
et du tsar Michel Romanov
(1613-1619), puis de 1619 1633 la diarchie avec son pre
Fdor Romanov devenu le patriarche Filaret, puis aprs la mort de Filaret, Michel rgnera seul jusquÕ
son trpas en 1645.[21]
A cette poque les guerres incessantes avec la Pologne
rendaient acceptable pour les autorits russes lÕide
mme dÕune stabilit
religieuse en Ukraine indpendante du patriarcat de
Moscou, avec lÕappui des Cosaques farouchement contre lÕunion
de Brest. La protection des Cosaques fut dÕailleurs
requise pour protger le retour du patriarche de Jrusalem
en Ukraine et lÕhetman des Cosaques Pierre Konashevitch-Sagadaichny
ancien lve de lÕAcadmie
dÕOstrog
et co-fondateur de lÕcole de la fraternit
de Kiev qui propageait auprs des populations
ukrainiennes la culture classique et surtout toute la thologie
de lÕEglise orthodoxe.[22]
Il est trs important dÕavoir
lÕesprit lorsque lÕon
tudie cette priode
que devant les perscutions de lÕtat
polonais contre les orthodoxes, et lÕadhsion
dÕune partie des familles de la noblesse
ukrainienne lÕunion, qui faisait faire
leurs enfants des tudes selon le modle
occidental, dans les collges jsuites,
source incessante de conversions de lÕorthodoxie au catholicisme, virent
alors le jour de Ē fraternits Č
dont le premier but tait la transmission de la foi orthodoxe par lÕducation.
Ces Ē fraternits Č
nes dans les villes taient
le plus souvent - mais pas exclusivement Š cres
et organises par les Cosaques, comme par exemple Ē La Fraternit
du rgiment Zaporogue Č
LÕclat culturel et spirituel de ces fraternits
dpassa largement les frontires
de lÕUkraine et les fraternits
de Lvov et de Vilna virent leurs statuts approuvs
par un dcret du Patriarche de Constantinople Jrmie
en 1586, ce qui entrana un rsultat inespr : celui de recevoir des chartres royales
reconnaissant la lgalit de ces fraternits
en Pologne.[23]LÕaction
des fraternits fut considrable dans le domaine de lÕducation
: Elles crrent des coles, formrent
et recrutrent des professeurs et, dans les rgions
de lÕUkraine du Sud o
vivait une importante diaspora grecque, les coles
de ces fraternits furent organises
selon le schma grec, avec des professeurs grecs qui leur
enseignaient le grec patristique[24].
Mais reconnaissons que ce travail, pour admirable quÕil
soit, aurait d tre celui de la hirarchie
ecclsiastique orthodoxe, absente depuis lÕunion
de Brest.
Thophane qui tait
dans la position prvue par le droit canon lorsque les deux ou
trois vques (Ier Canon Apostolique) ncessaires
une chirotonie ne
peuvent se dplacer, mais quÕun
seul hirarque a le consentement dÕun
synode. Dans ce cas Thophane pouvait procder
seul la premire conscration ; ensuite, avec les vques
quÕil avait consacrs,
il clbra cinq autres chirotonies piscopales. CÕest
lui qui dsigna le nouveau mtropolite
de Kiev Job Boresky, ancien directeur de lÕcole
thologique de Lvov puis de Kiev. LÕglise
uniate contesta la validit de ces conscrations.
Il ne fait aucune doute que le patriarche qui sigeait,
comme il a t expliqu
plus haut, dans le synode permanent du patriarcat de Constantinople, nÕagissait
l pas en tant que patriarche de Jrusalem
mais comme le reprsentant du patriarche Ļcumnique
qui avait la juridiction canonique sur la mtropole
de Kiev, et quÕil avait pris soin dÕavoir
lÕaccord du puissant patriarcat de Moscou et du souverain
russe.
VIII :
Le premier exarque de la Mtropole de Kiev : Saint Petro Moghyla !
Un nouveau personnage central apparat,
lÕun des plus grand hirarques
lÕesprit universel, saint Petro
Moghila (1633-1647), que Sa Saintet
notre patriarche Filaret fut dans son esprit prophtique
le premier canoniser avec le saint Synode en 1998, avant
que ne le fasse, sa suite, lÕglise
ukrainienne du Patriarcat de Moscou.
Petro Moghila, on le
sait, tait le neveu de lÕhospodar
de Moldavie. Son Oncle Georges tait le puissant mtropolite
de Suceava en Moldavie et la famille rsidait
Iassy. Il est n en 1536, anne
qui voit se couper en deux lÕEglise dÕUkraine
avec le trait dÕUnion de Brest. Ce sera lÕune
des priorits de Petro Moghila,
devenu mtropolite de Kiev, de recouvrer lÕunit
des deux parties de son glise. Ce sont les circonstances de cette lection,
suivie de sa conscration piscopale, qui sont au cĻur
de notre sujet : Souvenons-nous quÕil
existait au moment du Concile qui va dsigner comme Mtropolite
de Kiev Petro Moghyla un mtropolite
de Kiev consacr en secret par le patriarche Thophane
de Jrusalem. Mais lÕtat
polonais nÕavait, on sÕen
doute, jamais reconnu cette conscration ni celle des autres vques,
qui si, sacramentellement, tait valide, demeurait
illicite au sein dÕun Royaume polonais. Le Nouveau patriarche de
Constantinople Cyrille Lukarisis ne lÕignorait
pas et ce fait contrevenait de multiples canons
fond ecclsiologique et empchait
toute action directe du patriarcat Ļcumnique
sur sa mtropole locale kievienne.
Il tait urgent pour le nouveau Roi de Pologne de
tenter dÕapaiser la colre
des Cosaques et de sortir de cette impasse.
Le chemin personnel du jeune Petro Moghyla le prparait mieux que quiconque
devenir le hirarque de la rconciliation
entre la mtropole orthodoxe de Kiev et le pouvoir royal polonais. Ses tudes
et ses professeurs, nous devrions dire ses matres,
parlaient pour lui. Son ducation polonaise comme fils de la noblesse
roumaine le rendait tranger la mfiance
qui entourait les lves ruthnes
non unionistes. Il tait du point de vue des autorits
polonaises un Orthodoxe bien intgr
la socit
dirigeante polonaise. Il fait ses premiers pas dans les tudes
lÕuniversit
de Zamosc qui avait t
fonde par Jan Zamosyski,
Grand Chancelier de Pologne. Il va ainsi faire en France un sjour
Paris lÕuniversit.
A la mort de son Pre lÕOspodar Jrmie
Moghyla, il devient le pupille du chancelier Stanislaw Zolkiewski . Sa rencontre avec les dirigeants
Orthodoxes se fera avec son second parrain lÕhetman
Chokkiewcz. Intellectuel brillant, sa rputation
parvient la cour royale polonaise. Il possde
des atouts majeurs pour celle-ci : il est
la fois Orthodoxe, patriote polonais convaincu, ouvert aux valeurs
intellectuelles de lÕOccident qui caractrisent
toute la socit polonaise et, surtout pour
cette socit hostile
la prsence dÕune importante population
ukrainienne dans le pays, Petro Moghyla nÕest
pas Ukrainien.
Petro Moghyla entre
au monastre des Grottes de Kiev en 1625 et rapidement il
se fait connatre par sa culture encyclopdique.
Le roi Sigismond III Vasa (1587-1632) de Pologne, sur recommandation du
Chancelier Thomas Zamosysky, le nommera archimandrite
de la Laure des Grottes de Kiev. Rappelons ici le statut canonique particulier
de la Grande Lavra qui est stavropigiaque du
patriarcat de Constantinople. Une parenthse sÕimpose
ici : notre connaissance aprs
le rapt anti-canonique par le patriarcat de Moscou de la mtropole
de Kiev on nÕ jamais abord
le statut canonique particulier de la Grande Lavra qui ne dpendait
pas du sige de Kiev mais comme stravopigiaque
directement du Patriarche de Constantinople. AujourdÕhui,
moins que des documents que je ne connatrais
pas existent, ce dont je doute, la Grande Lavra des Grottes de Kiev devrait
revenir son statut canonique initial qui nÕa
jamais t annul
par un tomos dans ce sens de la part du patriarcat Ļcumnique.
Ds quÕil est
la tte de la Grande Lavra, il se considre
comme indpendant du mtropolite
de Kiev quÕil ne reconnat
pas et impose des rformes qui rencontrent la dsapprobation
dÕune partie des moines. Il y fonde notamment une
cole latino-polonaise en opposition et en comptition
avec la fameuse cole slavo-hellnique
de Kiev. Une rvolte enflamma le monastre
des Grottes de Kiev et Petro Moghyla dut faire face
la violence physique de nombreux moines et de cosaques. LÕarchimandrite
Petro Moghyla avait le don de la parole et fit face
calmement la foule en dployant
ses arguments qui furent convaincants. Il fusionna les deux coles
et renfora le niveau intellectuel des professeurs. Il
faisait entrer non seulement le centre historique de lÕglise
kievienne que constituaient les Grottes de Kiev, mais
la Mtropole entire
dans une nouvelle re. Cela se sut et cela plut aux autorits
polonaises qui voulaient apaiser les tensions entre Ukrainiens orthodoxes et
Ukrainiens uniates et, dÕune manire gnrale,
entre Ukrainiens et Polonais.
CÕest dans ce contexte quÕau
moment du changement de monarque, aprs la mort du roi Sigismond
III en avril 1632, et la monte sur le trne
de Pologne du nouveau roi Wladyslaw IV les Orthodoxes obtinrent de la dite
polonaise un certain nombre dÕavantages intituls Ē Points de pacification pour la religion grecque Č parmi lesquels la lgalisation
de lÕEglise orthodoxe.
LÕlection par les 49 votants,
lÕunanimit, suivie de la dsignation
par le nouveau roi de Pologne Ladislas IV (1632-1448) du dlgu
du clerg orthodoxe de Kiev
la dite polonaise, voyait lgaliser
la prsence dÕune glise
orthodoxe nationale dans le royaume de Pologne. Le grand historien ukrainien Arkady Joukovsky crit : Ē A la dite
lectorale de 1632 (
Varsovie), lÕEglise Orthodoxe fut reconnue, les Ē articles de pacification du peuple ruthne
de religion grecque Č furent adopts
et les orthodoxes purent avoir leur propre hirarchie.
Ptro Mohyla (Moghila) fut lu mtropolite
de Kiev et reconnu par lÕtat Polonais. Č
Ptro Moghila[25]
tait dsign
dans le dcret comme tant
Ē un prince de Moldavie Č.
Ce fait historique montre lÕouverture royale polonaise
lÕindpendance de la mtropole
orthodoxe de Kiev. Sur dcision royale, des glises
qui avaient t prises aux orthodoxes par
les Greco-Catholiques, notamment la cathdrale Sainte Sophie, sont
rendues la mtropole orthodoxe. LÕlection
du nouveau mtropolite fut confirme,
comme cÕtait lÕusage, par le patriarche Cyrillios Lukaris de
Constantinople.
Mais une difficult
majeure subsistait pour le nouveau monarque, plus ouvert que son prdcesseur
aux orthodoxes. Ni lui, ni les autorits polonaises ne pouvaient
accepter que des sacres piscopaux se soient produits en secret sans lÕautorisation
de lÕtat. Les sacres taient
reconnus comme valides (les vques
taient de vritables
vques), mais demeuraient
illicites (les vques ne pouvaient exercer
leur piscopat en Pologne).
La solution qui fut trouve
conduisit naturellement la pense quÕil
fallait remplacer tous les hirarques consacrs
par le patriarche Thophane de Jrusalem
par de nouveaux vques dont lÕlection
serait ensuite ratifie par le souverain polonais, tout cela en
conformit avec le droit canonique orthodoxe. Devant lÕurgence
de la situation dont avaient conscience les principaux acteurs de la rforme,
les membres orthodoxes de la dite, lÕlection du Mtropolite
de Kiev se fit la dite. Ces dputs
ukrainiens qui venaient enfin dÕarracher la lgalisation
de lÕglise orthodoxe face
lÕglise unie
Rome pensaient quÕil fallait se saisir de cette occasion unique
dans leur histoire avec la Pologne, pour arracher aux autorits
polonaises, devenues bienveillantes, la nomination dÕun
nouveau mtropolite qui ferait lÕunanimit
entre les Polonais et les Ukrainiens, homme de compromis qui ne pouvait pas tre
lÕactuel mtropolite Iase Kopinsky
consacr dans la clandestinit.
LÕlection de Petro Moghyla fut immdiatement ratifie
par le nouveau souverain ; le mtropolite de Kiev Iase
Kopinsky, qui sÕtait dj
oppos Petro Moghyla
devenu archimandrite des Grottes lorsquÕil cra
son collgium
latin, fut contraint de dmissionner. Une certaine
agitation se produisit et cÕest pour cette raison que la
conscration piscopale de Petro Moghyma nÕeut pas lieu dans la cathdrale
Sainte Sophie Kiev, mais elle fut clbre
Lvov par lÕvque
Jrmie Tisarovsky
de Lvov. Deux des trois autres vques
conscrateurs avaient t
consacrs par le patriarche Thophane
de Jrusalem, et le troisime
tait grec.[26]
Mais ce qui nous intresse
dans cette histoire cÕest sa conclusion ecclsiologique.
Trs inform de la situation le
Patriarche de Constantinople Cyrillios Lukarisis (novembre 1620 - avril 1623 puis 1633, puis
septembre 1633- octobre 1634, puis octobre 1633- fvrier
1634, puis avril 1634- mars 1635 et
enfin mars 1637- juin 1638), qui approuvait sans rserve
la nouvelle organisation de la Mtropole de Kiev, Petro Moghyla voulut la renforcer pour la mettre pour lÕavenir
lÕabri de toute tentative dÕhgmonie
et renforcer son autonomie. Le nouveau Mtropolite de Kiev fut lev
au rang Ē dÕExarque du sige
apostolique de Constantinople. Č [27] CÕest dans ce contexte prcis
qui avait comme consquence canonique de placer
la retraite tous les vques ukrainiens des siges
dÕparchies consacrs
illgalement aux yeux de lÕtat
polonais, que le patriarche de Constantinople levait
au rang dÕexarque le nouveau mtropolite
et accordait la mtropole de Kiev, avec le
consentement de lÕtat souverain polonais, ce statut dÕExarchat
dÕune trs grande autonomie. Nous y
reviendrons plus loin.
CÕest
ce dcret que fait rfrence
le Tomos de 1924 !
Soulignons ici que non seulement ce dcret
nÕa jamais t
annul, ni par la Mtropole
de Kiev qui nÕen avait pas le pouvoir canonique, ni par le
patriarcat de Moscou qui ne le mentionnera jamais et qui nÕen
nÕavait pas le pouvoir canonique, ni par le
patriarcat de Constantinople, mais quÕil a t
ractualis dans son fond comme dans sa
forme et son contenu par le Tomos de 1924.
La haute dignit
assortie de nouvelles responsabilits et dÕune
plus grande autonomie, Ē dÕExarque du sige
apostolique de Constantinople Č pour le
titulaire du sige de Kiev, a servi de jurisprudence canonique
pour que les auteurs du Tomos de 1924 dclarent
anti-canonique la captation de la Mtropole de Kiev par le
patriarcat de Moscou. Le rang dÕExarque du titulaire du sige
de Kiev ne peut donc tre contest
par le Patriarcat de Constantinople qui lÕutilise lui-mme
dans son Tomos.
Nous
ne pouvons dans ces lignes retracer toute lÕhistoire de lÕUkraine Mais nous
devons, comme le patriarcat de Moscou y fait lui-mme rfrence, rappeler les
circonstances qui ont rattach, bien avant la conqute de lÕUkraine par la
Grande Catherine, le sige de Kiev au patriarcat de Moscou. Ce sera un peu
long.
Un trait
de Paix fut sign en 1654 avec le Tsar par les Cosaques qui reprsentaient
lÕensemble de la nation ukrainienne, pour faire chapper
lÕUkraine la tyrannie polonaise. Il
faut se souvenir qu'en 1654, le territoire actuel de l'Ukraine moderne nÕtait
pas entr sous la domination de lÕEmpire
Russe. La plupart des parchies de la Mtropolie
de Kiev sont demeures dans le Royaume de Pologne. A la question de
savoir pourquoi le patriarcat de Constantinople nÕavait
pas depuis longtemps accord lÕautocphalie
lÕglise locale dÕUkraine,
plus ancienne que celle de la principaut russe de Moscou, nous avons
dj rpondu
plus haut. Mais il nÕest pas inutile de redfinir
ce principe qui inspire toute lÕecclsiologie
des glises nationales :
il faut imprativement, cÕest--dire
obligatoirement que les dirigeants
dÕun tat souverain, en premier le
chef de lÕtat, demandent au patriarcat de Constantinople quÕil
octroie lÕautocphalie pour que ce dernier
puisse en examiner lÕopportunit
et la ralisation. Or durant toute son histoire et
jusquÕen 1924, aucun tat
souverain qui contrlait une partie ou la totalit
du territoire national ukrainien nÕavait fait une telle demande.
Rsumons brivement
que la mtropole de Kiev a vcu
dans une large autonomie, avec comme ge dÕor
le pontificat de Petro Moghyla qui fut lev
avec son sige au rang dÕexarchat.
Durant cette longue priode lÕglise dÕUkraine
se renfora spirituellement en maintenant dans son
enceinte, avec la cration dÕcoles, dÕuniversits
et dÕimprimeries, la diffusion de la langue et de la littrature
comme de lÕhistoire ukrainienne.
Le tout premier geste,
la fois symbolique et politique, qui annonait
la sparation du sige
mtropolitain de Kiev avec son glise
Mre le patriarcat de Constantinople fut celui de
lÕhetman Vygovsky qui faisait
lire sa place le fils de Bogdan
qui sÕloigna immdiatement
de la politique prconise par le mtropolite
de Kiev et le prcdent hetman, en faisant allgeance
Moscou en 1659. Le 27 octobre 1659, le fils de
Bogdan Khmelnitsky tait
devenu l'hetman de la rive gauche. Il signait avec Moscou un nouveau trait.
Notamment, dans ce nouveau trait, propos
par lÕambassadeur du tsar, le prince Troubetskoy, il y tait mentionn
pour la premire fois le point suivant dans son Article 8: Ē
Le Mtropolite de Kiev et tout le clerg
de la Ē Petite Russie Č[28] seront sous lÕomophore
du patriarche de Moscou. Č[29]
Il est donc
noter que ce nouveau trait se distinguait compltement
dans son fond comme dans sa forme, de celui de Priaslavi sign
en 1654 qui au contraire garantissait lÕautonomie de la Mtropole
de Kiev. Dans le trait du 27 octobre 1659 Ioury
Khmelnitsky vendait
vil prix lÕautonomie de la mtropole
de Kiev en signant lÕengagement dÕaccepter
lÕautorit canonique suprieure
du patriarcat de Moscou. CÕtait cependant un
document sans aucune valeur
canonique, puisquÕen premier lieu le Patriarcat de
Constantinople, glise Mre de Kiev nÕavait
pas donn sa bndiction
pour ce transfert de son autorit au Patriarcat de Moscou ; et quÕen second lieu puisquÕaucun
concile kivien nÕavait t
rassembl, et que de ce simple fait, aucune signature,
ni du mtropolite ni celle dÕun
seul vque, nÕavait
t appose
sur le document. Seul le Patriarcat de Constantinople pouvait dtacher
de son autorit canonique le sige
de Kiev, et il ne lÕavait pas fait.
En octobre 1659 le prince Alexandre Nicolas Troubetskoy fut nomm conjointement par le tsar et
le patriarche de Moscou, comme une sorte de Locum Tenens lac du trne
de la Mtropole de Kiev auprs
de l'vque Lazare Baranovitch. Ce dernier accepta
cette situation, mais il nÕavait gure
le choix. A partir de ce moment la division ecclsiastique
de deux glises ukrainiennes, lÕune
vritablement ukrainienne et lÕautre
sous contrle russe, ce que nous observons encore aujourdÕhui
en Ukraine, sÕinstalla : la Mtropole
de Kiev s'est fractionne en ralit
en deux parties. Sur le territoire de l'tat Polonais le mtropolite
Denys Balaban continuait son activit
piscopale dans une glise
vritablement ukrainienne et, sur les terres sous
contrle de la puissante Moscou, le pouvoir suprieur
de lÕglise tait entre les mains de l'vque
Lazare qui obissait au patriarche de Moscou et au tsar. On
le voit, clairement cette situation est comparable
celle qui existe aujourdÕhui en Ukraine avec deux principales glises
ukrainiennes, lÕune dpendante de Moscou et lÕautre
revendiquant sa filiation avec Constantinople. A partir de ce moment-l,
Moscou aspire intensifier son influence y compris sur lÕglise
en terres ukrainiennes. Comme dit le proverbe Ē Lorsque
lÕon a got
un morceau du gteau, on veut toujours le manger en entier. Č
IX Troubles de la mtropole de Kiev dans la seconde moiti du XVIIe sicle
En 1661 Moscou le mtropolite
Pitirim, Locum Tenens du Trne du patriarche, sacra l'vque
Mthode (Filimonovitch)
de Mstislav qui fut nomm
en mme temps Locum Tenens de la Mtropole de Kiev. Cette action
eut des consquences dsastreuses. En 1662 le Patriarche Nikon anathmisa
le mtropolite Pitirime et
le Patriarche de Constantinople pronona lui aussi l'anathme
sur le prtendu Locum Tenens du sige de Kiev, Methode[30]
Finalement la majorit du clerg ukrainien situ
en zone russe refusa d'obir au nouveau Locum Tenens. De sorte que cette premire
tentative de nomination directe par Moscou du candidat au trne
de Kiev essuya un chec. A nouveau 1667 une tentative de
soustraire lÕomophore du patriarcat de Constantinople la Mtropole
de Kiev fut organise par le patriarcat de Moscou. Celui-ci runissait
un concile local Moscou. Dans les dcisions
du concile figurait celle de l'augmentation du territoire de lÕparchie
de Tchernigov et son lvation au rang dÕArchevch.
Le nouvel archevque tait Lazare Baranovitch. Mais cette dcision
avait t prise sans consultation et
sans bndiction du Patriarcat de
Constantinople. Le Patriarche de Constantinople ne reconnut donc pas sa lgitimit.
Une fois encore Moscou avait lamentablement chou
dans sa tentative dÕannexion de lÕUkraine
et de la Mtropole de Kiev.[31]
_
Une heureuse parenthse
commena, qui aurait pu devenir le second Age dÕOr
de lÕUkraine. En 1668 Petro Dorochenko
est devenu l'hetman des deux rives du Dniepr. Il russissait
unir pour un temps bref sous son pouvoir
toutes les terres ukrainiennes. En 1663, au Concile ukrainien d'Ouman tait lu
comme Mtropolite et confirm
dans ce titre par le roi de Pologne, sur le trne
de la Mtropole de Kiev, Joseph Neljubovitch-Toukalsky
(1663-1673). Il tait confirm
galement par le Patriarche de Constantinople qui
se rjouissait de voir revenir sous son omophore lÕensemble des terres
ukrainiennes. Le Mtropolite Joseph tait
un ardent dfenseur du lien canonique avec Constantinople.
C'est pourquoi, tant arriv
Kiev, il promulgua un ukase interdisant toute
commmoration dans les glises
du tsar Alexe Mikhalovitch, seulement l'hetman
Pierre. Le Mtropolite Joseph dposa
de son piscopat l'vque
Mthode Filimovich, le
condamnant la rclusion dans le monastre
dÕOuman[32]. Le Mtropolite Joseph est dcd
le 26 juillet 1675. A partir de temps-l le Locum
Tenens (Patriarcat de Moscou) tait
de nouveau Lazare Baranovitch. Le trne
Mtropolitain
est rest vacant jusqu'en 1685. Le 18 novembre 1683 dcdait
l'archimandrite de la Grande Lavra de Kiev, Innokenty
Gizel. Le
nouvel hetman des cosaques, Ivan Samojlovitch, au
lieu de sÕadresser, comme cela tait
la tradition sculaire, au patriarcat de Constantinople, (la
Grande Lavra des Grottes de Kiev, ayant lÕpoque
le statut de monastre Stavropigiaque[33]
du patriarcat de Constantinople), crivit une lettre au
Patriarche de Moscou Ioakim, en lui demandant sa bndiction
pour l'lection du nouvel archimandrite de la Grande de
Lavra de Petchersk. Dans sa rponse
crite le patriarche remerciait l'hetman quÕil
se soit adress lui, et le bniaaait
pour lÕlection du nouvel archimandrite.[34]
Mais cette prise de position
pro-Moscovite de l'hetman ne trouva pas le soutien du clerg
et des fidles de Kiev. Une nouvelle assemble
fut runie pour lÕlection
de lÕArchimandrite.
Le nouvel lu, le hiromoine Varlaam Yasins, fut lu
par lÕensemble du clerg
et des moines, sans solliciter la confirmation des droits, ni
Constantinople, ni Moscou. LÕassemble
ainsi que le nouvel archimandrite lu se sont adresss
lÕArchevque
Lazare Baranovitch de Tchernigov, qui pourtant devait
son titre dÕarchevque au patriarcat de Moscou,
et qui redevenant ukrainien, sÕempressa de confirmer lÕlection
et dÕintroniser le nouvel archimandrite. D'ailleurs
la menace de la part de l'vque
de Lvov Joseph Choumlyansky de sÕemparer de la Lavra a oblig
le nouvel Archimandrite Varlaam, de demander la
confirmation de ses responsabilits au Patriarche Ioakim. Finalement le Patriarche de Moscou tablit
un ukaze qui confirmait lÕlection
de Varlaam dans lequel furent prciss
les devoirs de l'Archimandrite de Lavra de Petchersk,
et confirms ses anciens privilges[35]
Sauf un privilge majeur : Du point de vue canonique
cette action du Patriarche Ioakim annonait
le rapt de la mtropole de Kiev au dtriment
du Patriarcat de Constantinople, car ce retrait du Monastre
de la juridiction du Patriarche de Constantinople, tait,
double titre, anti-canonique : Il faut retenir quÕ
cette poque la Grande Lavra de Kiev tait
un monastre stavropigiaque[36]
du Patriarcat de Constantinople et ne dpendait donc que de l'glise
de Constantinople.[37]
Son statut tait comparable
celui du Mont Athos.
La Mtropole de Kiev entra alors
dans une succession de titulaires phmres
avec des priodes de vacance du sige
lis lÕinstabilit
politique. En 1684 le patriarche de Moscou Ioakim ( 1674-1690) et le tsar de Russie Ivan V (1682-1696) sous
la rgence
de Sophie de Russie (1682-1689), signrent ensembles un courrier
adress au Patriarche de Constantinople pour lui
demander un ukase patriarcal leur permettant de choisir eux-mmes
nouveau mtropolite de Kiev et de lÕintroniser.
Il faut cependant dire que le sige de Kiev tait
demeur vacant dix ans depuis le trpas
du prcdant Mtropolite
de Kiev Joseph Nelubovitc-Toukasly (1663-1673), mais
cela ne justifiait pas que lÕon ne fit pas appel au Patriarcat
de Constantinople pour dsigner et pourvoir la chaire mtropolitaine
autonome de Kiev. Un autre danger se dessinait pour le Patriarcat de Moscou et
qui terme serait tout autant devenu menaant
pour une Mtropole de Kiev orthodoxe demeurant unie au
patriarcat de Constantinople. La longue vacance du sige
de Kiev situ en Pologne, avait aiguis
lÕapptit de l'vque
de Lvov Joseph Choumlyansky qui sÕtait
fait confirmer par le roi de Pologne comme administrateur de la Mtropole
de Kiev. Et cela dans le dessein avou de faire adhrer
lÕunion de Brest (1596) la
partie la plus importante du clerg et des croyants orthodoxes
qui jusque-l sÕy taient
opposs. Cette prise de position de lÕvque
de Lvov, politique autant quÕecclsiastique
tait, on sÕen
doute, encourage par le souverain polonais.
Dans ces circonstances lÕhetman
Samojlovitch, devant un danger aussi immdiat,
dcida non pas dÕen
appeler Constantinople, mais de recourir au Patriarcat
de Moscou. En effet, en appeler la Grande glise
supposait quelques semaines pour transmettre et ensuite recevoir dans le
meilleur des cas la venue dÕun mtropolite
grec sur place, et dans le moins bon des cas recevoir une lettre canonique
donnant des instructions. LÕhetman constatant quÕil
ne disposait pas sur place ou proximit
des moyens pour empcher lÕunion, se rsolut
donc sÕadresser au patriarche Ioakim de Moscou, le 31 octobre 1684. Le Patriarche de
Moscou dans sa rponse motiva pour intervenir
Kiev, la ncessit du remplacement le plus
rapide de la chaire vacante de Kiev parce que Ē
dans la Puissance Polonaise les uniates, leur clerg,
les gens sÕintitulent eux aussi Ē mtropolites
de Kiev Č et Ē archimandrite de la Lavra Č pour, de ce fait, voler la Mtropolie
de Kiev Č[38] Simultanment, sans attendre la rponse
de Constantinople le tsar et le patriarche rassemblrent
un concile Kiev compos
du seul clerg de la cit
et dans lequel les reprsentants des cosaques taient
plus nombreux que les vques, les prtres
et les moines. Le concile dans ces conditions non canoniques lit
et intronisa sans attendre la rponse de Constantinople lÕvque
de Loutsk comme mtropolite de Kiev dont lÕparchie
tait alors situe
en Pologne. Le nouveau mtropolite Gdon
Tchetvertinsky (1685-1686) qui avait fui la Pologne
pour chapper la polonisation de son parchie,
faisait clairement le choix de faire entrer la Mtropole
de Kiev avec lÕUkraine sous lÕomophore
du Patriarcat de Moscou. Un second acte anti-canonique fut alors ralis
par le nouveau mtropolite de Kiev, ce qui en dit long sur la
valeur de ses engagements : le Patriarche de Moscou Ioakim (1674-1690) qui avait runi
le Concile venant de dcder (1690) et son successeur
nÕtant pas encore ni lu
ni donc intronis, il prta serment au futur
patriarche devant un trneÉvide !
Il est certain pour lÕhistorien
que la menace bien relle dÕun basculement dÕune
seconde partie de la Mtropole de Kiev vers lÕunion
dteste avait t
lÕune des composantes, et certainement lÕune
des justifications, pour le Patriarcat de Moscou de sÕemparer
de la mtropole convoite.
X Histoire de lÕachat par Moscou de la mtropole de Kiev
Une
action de diplomatique de grande envergure commena,
entreprise la fois par les reprsentants
du tsar et ceux du patriarche de Moscou Ioakim. Un
ambassadeur fut choisi dans le clerg du patriarcat. CÕtait
probablement un moine (il est dsign
simplement dans les documents de lÕpoque comme un clerc, sans
autre dfinition) nomm
Nikita Alekseev. Il tait
accompagn dÕune petite dlgation
dont les noms des membres nous sont inconnus. Il tait
muni de tous les documents provenant du Patriarche Ioakim,
et des Tsars Ivan et Pierre ainsi que de l'Hetman Ivan
Samojlovitch, qui
lÕhabilitait
tous les reprsenter. Il fut envoy
Adrianapolis[39]
.Ce personnage de lÕombre apportait avec lui des milliers de
roubles en or, dÕun montant astronomique, dont nous reparlerons
plus loin, et des peaux de zibeline. Sa mission tait
la fois simple dans sa demande, et complique
dans ses rpercutions gopolitiques
et ecclsiologiques, car elle impliquait non seulement
un consentement difficile obtenir des autres
patriarches orientaux et du premier dÕentre eux le patriarche de
Constantinople, mais galement celle du Grand Vizir Turc, qui avec le
Divan voyait avec mfiance les sjours
Moscou de certains patriarches. Arrive
Adrianapolis au
printemps 1686 lÕambassade russe rencontra dÕabord
son reprsentant diplomatique informel, un grec nomm
Grgorios Metsevit.
Celui-ci eut des difficults
faire comprendre la dlgation
russe qui ne semblait voir dans
cette affaire quÕune question purement ecclsiastique
quÕil tait indispensable de
rencontrer en tout premier lieux le Grand Vizir Sari Sleman Pacha (18
novembre 1685-18 septembre 1687). Grgorios Metsevit
expliqua en particulier Nikita Alekseev : Ē Si le Patriarche fait cette affaire sans dcret du Grand Vizir, certains mtropolites
rapporteront immdiatement au Grand Vizir que le patriarche
sÕentend par une lettre avec Moscou, on excutera le Patriarche tout de suite Č[40]
Des
liens qui avaient commenc au baptme
de Kiev existaient conjointement avec lÕglise russe, de la part du
patriarcat, mais galement avec tous les autres siges
patriarcaux orientaux sous domination ottomane, soit Alexandrie, Antioche et Jrusalem.
Le clerg grec visitait rgulirement
Moscou, y recevant au passage des aumnes gnreuses.
Nous pouvons comprendre que les visites de prlats
grecs taient une source dÕinformation
sur lÕtat de lÕEmpire Ottoman. Mais de l
penser selon l'expression du professeur N.F. Kapterev que ds la fin du XVIe
sicle les Patriarches Orientaux deviennent Ē
les agents politiques des tsars de Moscou Č il existe un foss
que nous ne franchissons pas, car ce serait mconnatre
les liens qui sÕtaient tablis entre le Patriarcat de
Constantinople et le Divan. En ralit
le pouvoir de la Grande glise avait dcupl
depuis la chute de Constantinople en 1453. Le patriarche hormis sa fidlit
exige lÕEmpire
Turc, nÕavait plus
partager son pouvoir avec lÕEmpereur chrtien.
Il tait devenu sans contestation possible lÕetnarque[41] de toutes les nations chrtiennes
de lÕEmpire considres
comme des grecs par les Ottomans. Dsormais le Patriarcat de
Constantinople dominait les trois autres patriarcats orientaux dont,
travers le synode permanent, il nommait les titulaires. Sa juridiction directe
sÕtendait sur les anciennes glises
nationales disparues de Serbie et de Bulgarie, toutes hellnises
de force pour y faire disparatre le sentiment patriotique
attach chaque glise
locale. Seules exceptions bnficiant
dÕune relative autonomie, parce que protges
par les princes roumains vassaux du sultan, les petites glises
locales mtropolitaines roumaines[42].
Que
certains prlats grecs aient tent
de jouer, au risque de leur vie, ce jeu-l,
pour chapper la tutelle du puissant
patriarche de Constantinople, cela ne fait aucun doute; mais ce fait ne
constituait pas l une politique gnrale
du patriarcat de Constantinople qui aurait t
tablie secrtement
une fois pour toutes dans ses relations avec Moscou. Le patriarcat aurait eu
beaucoup trop perdre, sÕil
sÕtait engag
dans une telle politique et aucun fait historique probant ne le confirme. Il
faudra pour cela attendre la fin du XIXe sicle
et le dbut du XXe sicle
aprs la dbcle
de 1918 de lÕEmpire Ottoman dans son alliance avec les deux
empires germaniques et le rveil des nations europennes
situes dans lÕex-Empire Ottoman, la
Roumanie, la Serbie, la Grce, lÕAlbanie
et la Bulgarie, cette dernire bien quÕallie
des Allemands.[43]
Il est
certain que la notion Ē dÕespions doubles Č[44], qui renseignaient le Grand Vizir, pouvait sÕappliquer
lÕensemble des prlats
grecs autoriss voyager en dehors de lÕEmpire
Turc. Comment ne pas se souvenir, pour comprendre la situation, du statut de
certains vques orthodoxes des pays de lÕEst
au temps de la guerre froide. LÕhistorien N. F Kapterev donne comme argument pour prouver la russophilie
de tous les prlats grecs, lÕexemple
du Patriarche Dosithe de Jrusalem
qui, dans un des diplmes adresss
au tsar de Moscou, crivait ouvertement :
Ē Dans Votre Puissance garde
par Dieu, nous avons le grade dÕun espion Č[45].
Quelle navet de penser que cette lettre,
qui pouvait tre lue par les espions turcs extrmement
bien organiss, avait pu tre
envoye sans le consentement des autorits
ottomanes ? La ralit
est la mme qui a exist
dans certains pays de lÕEurope de lÕEst
lÕpoque du Ē rideau de fer Č
et qui nÕa pas t
invente par les Bolchviques.
Au XVIIe sicle une poque dans laquelle les
personnes qui voyagent constituent un pourcentage trs
faible de la population, chaque tat demandait
ses nobles, ses commerants,
comme ses
religieux qui sjournaient dans un autre pays, de lui faire un
rapport crit sur tout ce quÕils
avaient pu observer.
Cependant il fallait que les choses se
passent dans un seul sens. Les patriarches dÕAntioche
et de Jrusalem furent destitus
aprs leurs sjours
Moscou et en 1657 un avertissement sans appel tait
donn au patriarche russophile de Constantinople Parthnios
III (1656-1657) qui fut pendu au motif dÕune intervention faite auprs
de la Sublime Porte en faveur de la Russie. De tels chtiments
sÕappliquaient, tout autant, aux pachas et aux
fonctionnaires de lÕEmpire Turc. Nous constatons que les tensions
et la mfiance rciproque, qui existent encore
aujourdÕhui entre la Russie et la Turquie, remontent
plusieurs sicles.
Pour ses liens secrets avec Moscou le Patriarche Parthnios fut pendu, et
pour leur voyage Moscou, furent supprimes
des parchies du Patriarche dÕAlexandrie
Paissios, et du patriarche dÕAntioche,
Makarios[46]
Dans la deuxime moiti du XVIIe sicle,
de Moscou Constantinople, on ne permit aux ambassadeurs
de se runir avec les Patriarches quÕaprs
seulement une dcision sur toutes les affaires politiques avec
le vizir.
Ses deux successeurs en
dehors mme de la doctrine ecclsiologique
ont toujours affirm que la Mtropole de Kiev tait
un exarchat autonome du patriarcat de Constantinople qui occupait le soixantime
rang dans la hirarchie des siges
du patriarcat. Ils pouvaient craindre pour leurs vies sÕils
vendaient, comme un vulgaire sac de pommes de terre, la prcieuse
Mtropole de Kiev
la Russie. Souvenons-nous ici, que lÕactuelle Crime
tait partiellement avec les Tatares sous
domination Turque et que lÕextension du pouvoir religieux
de la Russie sur lÕUkraine qui affirmait son pouvoir politique
constituait une menace pour lÕEmpire ottoman. Les Cosaques
Ukrainiens taient des allis
historiques rcents des tatars contre les armes
polonaises, et leurs prsences dans une Ukraine devenue russe, frontalire
de la Crime inquitait, on le comprend, le
Grand Vizir.
Pourtant le Grand Vizir parut
faire un geste en direction de Moscou, en autorisant lÕambassade
russe, non pas dÕinterroger le nouveau patriarche de
Constantinople, mais celui de Jrusalem le patriarche Dosithe
II (1669-1707). Il faut noter que le Synode permanent de la Grande glise
rassemblait souvent Constantinople les trois autres patriarches orientaux
qui y avaient leur rsidence et qui y sjournaient
plus souvent que dans leur ville patriarcale.[47]
Et quand Alekseev vint
lui, Ē le Vizir exprima sa volont
la plus affirme dÕaccomplir tous ses dsirs,
et, entre autre, promit de convoquer Dosithe, afin de lui
ordonner de satisfaire la demande du gouvernement de Moscou en ce qui concerne
la Mtropolie de KievČ.[48]
Il faut une grande navet et peu de connaissance de lÕhistoire
de lÕEmpire Ottoman pour prendre
la lettre cette permission du Grand Vizir. La dissimulation dans la diplomatie
turque nÕavait dÕquivalent que la
dissimulation dans la diplomatie russe. Croire dÕemble,
comme le font les historiens russes aujourdÕhui,
la sincrit
du Grand Vizir, est stupfiant. La dlgation
russe aurait d se mfier, car cette permission du
Grand Vizir avait t organise
par ce dernier, et des consignes avaient t
obligatoirement donnes. La rencontre se fit donc
Adrianopolis o sjournait
galement le Patriarche de Jrusalem.
Nous ne devons pour autant
pas douter de la sincrit du Patriarche de Jrusalem,
lorsque celui-ci entra dans une
grande colre dont on sÕen
doute, lÕcho parvint aux oreilles du Grand Vizir. Le
patriarche sÕcria que le passage de la Mtropole
de Kiev sous lÕomophore
du Patriarcat de Moscou avait t
Ē un rapt dÕune
parchie Č. Le patriarche vertueux se
scandalisa lorsque croyant obtenir un meilleur rsultat
les ambassadeurs moscovites proposrent Ē une
gnreuse aumne Č aux patriarcats de Constantinople, Antioche,
Alexandrie et Jrusalem, dont rappelons-le encore, les
titulaires composaient le Synode Permanant du Patriarcat Īcumnique,
pour son aide dans cette affaire. Le patriarche se mit
crier que cÕtait l
: Ē une tentative de simonie qui humilie lÕglise
Orientale ! Č. Il continua : Ē Pour quelles raisons vous
occupez-vous des diocses trangers ? Avez-vous honte
aux gens ? CÕest un pch
devant Dieu ! Proposer de lÕargent pour troubler l'esprit
des gens et crer des dcrets qui vont
lÕencontre de l'glise
et de Dieu. Votre messager nous dit quÕil nÕa
pas apport vos lettres, et quÕil
lui a t ordonn
de nous donner des dons, que si
nous lui donnions la lettre quÕil dsire,
et que si nous ne la lui donnions pas, il ne nous distribuera aucune sommeČ[49]
Le
patriarche Dosithe conclut en faisant remarquer
bien justementque : Ē Autrefois, il fallait recevoir la bndiction
de Constantinople, et puis aprs, annoncer le passage
du Mtropolite
de Kiev Moscou. Mais on
a envoy demander une bndiction,
quÕon avait dj
! C'est la division de l'glise Orthodoxe !Č Nous ne saurions mieux dire.
Le
Patriarche Dosithe crivit
des lettres aux souverains de Moscou et au Patriarche Ioakim,
dans lesquelles il dmontrait l'illgalit
canonique et l'inconvenance morale de l'affaire conue
par eux. [50]
Nanmoins, dans lÕun
de ses courriers aux souverains russes, le Patriarche Dosithe crivit
que, bien que le mode d'action du Patriarche Ioakim
avait sa totale dsapprobation, lui Dosithe, tait
satisfait que Kiev et enfin retrouv
un Mtropolite ; que la chirotonie
de cette nomination tait acceptable et, quÕil
ne se souciait pas des autres dtails. [51]
Une
contre vrit taye
par des documents, forcment fabriqus
par la chancellerie du tsar, fut rpandue pour justifier le rapt
de la Mtropole de Kiev. Tout comme pour lÕglise
Romaine avec la Ē fausse donation de Constantin Č qui tait lÕĻuvre
de la chancellerie du pape. DÕaprs
ces faux, la suite de la rencontre d'Alekseev
avec le Vizir, lÕambassadeur russe aurait revisiter le
Patriarche Dosithe et aurait trouv
en lui, un changement complet de position, (ce qui est contredit par ses
courriers ultrieurs) : Ē Moi,
aurait alors dit le Patriarche, jÕai trouv
dans les Saints Canons que tout vque
peut librement se proccuper du diocse
dÕun autre vque
(sic); je persuaderai le Patriarche Denys pour qu'il excute
la volont impriale, et j'crirai
aux grands souverains et au Patriarche Ioakim pour
obtenir sa bndiction, tout spcialement,
et pas celle de Denys. Č[52] Pour ce changement si essentiel
cent quatre-vingt degr de sa position, le Patriarche Dosithe
aurait reu de Nikita Alekseev
la somme de 200 ducats or.[53]
La phrase prte au patriarche est marque
par une mconnaissance totale du droit canon et des rgles
Ļcumniques qui affirment
exactement le contraire : quÕaucun vque
ni aucune glise locale ne peut sÕemparer
ou intervenir dans lÕparchie dÕun autre vque
ou dÕune autre glise
locale[54].
Le pieux et savant patriarche Dosithe nÕaurait
jamais pu affirmer une telle contre vrit.
Il est vrai cependant que le patriarche, sÕil
nÕapprouva jamais la mthode
employe pour sÕemparer du sige
de Kiev, ce qui ressort des courriers changs
avec le Tsar, ne sÕopposa pas
la chirotonie de son nouveau titulaire quÕil
reconnut comme Mtropolie de Kiev.
Mais,
dans le mme temps, le Patriarche Dosithe refusait tout net de
jouer le rle d'intermdiaire
dans les ngociations entre les ambassadeurs de Moscou et
le Patriarche de Constantinople.[55]
LÕambassade de Moscou fut
alors, selon les sources russes du patriarcat de Moscou, approche
par un missaire dont nous ne connaissons pas le nom qui se prsenta
comme un collaborateur du patriarche de Constantinople, en proposant la vente
(quel autre mot employer ?) de la Mtropole
de Kiev au patriarcat Russe. Les reprsentants de la Russie rpondirent, Ē DÕabord le tomos
de cong canonique et ensuite vous aurez lÕargent !Č.
Voyant que leur affaire ne progressait toujours
pas, la dlgation russe dcida
de faire monter les enchres. Les souverains Russes, Sophie et Ivan et
le nouveau patriarche avaient donn
des consignes trs claires : des sommes astronomiques
avaient t consignes
pour la ralisation de cet achat prestigieux.
Ce nÕtait pas trente deniers mais
beaucoup plus.
Le nouveau patriarche de Constantinople Denysios IV qui fut lu et dpos cinq fois dans sa vie,
venait dÕtre intronis
patriarche pour la quatrime fois. Rceptif
aux demandes de la dlgation russe et aux roubles
or promis, le patriarche Denysios II affirma quÕil
allait convoquer le patriarche de Jrusalem rcalcitrant
et lui donner lÕordre dÕaccepter les conditions gnreuses
proposes pour la vente de la Mtropole
de Kiev.
Le Patriarche Denys de
Constantinople rdigea donc un tomos
dans ce sens qui fut sign par lui-mme
et vingt et un mtropolites en juin 1686. Mais il prcisa
dans le tomos que le lien avec lÕglise
mre de Constantinople nÕtait
pas pour autant rompu, et que deux conditions devaient tre
respectes pour quÕil
soit valide. La premire cÕest que le patriarcat de
Constantinople ne faisait que remettre au Patriarche de Moscou son droit de
confirmer lÕlection du mtropolite
de Kiev ; la seconde est que le patriarche de
Constantinople devait toujours tre commmor
en premier dans la liturgie et les offices avant le patriarche de Moscou. Le
patriarche Denys avait vendu la Mtropole de Kiev pour 200 Ducats or avec en
plus 120 peaux de zibeline. La
vente de la Mtropole de Kiev tait
un acte de simonie caractris
qui faisait suite aux dsordres observs
cette poque dans la direction du
patriarcat. Deux mois aprs cette dcision
fut brutalement dclare anticanonique
par un nouveau Concile et le patriarche Denys dpos
de son piscopat et du trne
patriarcal au motif quÕil avait transmis anti-canoniquement la Mtropole
de Kiev au Patriarcat de Moscou. CÕest la position canonique qui
est conserve jusquÕ aujourdÕhui
par le Patriarcat Īcumnique
une nuance qui a son importance : la cession nÕest
pas nie ; elle est dclare
dans le tomos de 1924 comme illgale
car contraire aux canons. Enfin la Grande glise
rappelle que le nom du patriarche doit toujours tre
commmor avant celui de Moscou, ce qui bien entendu nÕest
pas fait dans la mtropole autonome russe dÕUkraine.
Ajoutons ici que le fait quÕ
lÕpoque les frontires
canoniques de la mtropole de Kiev taient
situes dans un autre tat
souverain, la Pologne, que celui de lÕempire russe. Ė
tout moment de sa future histoire lÕtat polonais pouvait donc, avec
le concours du primat de Kiev et des membres de lÕpiscopat
de lÕglise ukrainienne situs
en Pologne, demander au Patriarcat de Constantinople lÕautocphalie.
Ce qui se fera une premire fois en 1924. CÕest
le droit inalinable de chaque tat
de demander lÕautonomie ou lÕautocphalie
pour son glise locale orthodoxe, quelque que fut la
religion dominante du pays.
La mthode utilise
pour le rapt de la Mtropole de Kiev, sa vente comme une proprit
foncire, la simonie caractrise
avec le concept mme dÕachat de cette mtropole
qui comportait un reu crit du patriarche Denysios conserv encore aujourdÕhui
dans les archives du patriarcat de Moscou, prouve le caractre
anti-canonique pour ne pas dire anti-ecclsiologique de ce rapt.
Nous sommes
des annes lumires dÕune
action propre, dÕune
action irrprochable canoniquement, dÕune
action bnie par Celui qui a dit Ē Nul
ne peut servir deux matres la fois, Dieu et lÕargent. Č[56]
Nous sommes devant une action dont la vnalit
rvle lÕimposture
et la non canonicit.
Dans les annes
suivantes cette captation ne fut jamais reconnue par la Grande glise,
et cela aboutit au Tomos de 1924 accordant
la partie situe en Pologne de lÕancienne
Mtropole de Kiev en Pologne lÕautocphalie
la demande conjointe de lÕpiscopat
Ukrainien de Pologne (mme si le nouveau Mtropolite
Denys tait russe) et du gouvernement polonais. Mais
de cela nous avons crit notre ouvrage complet sur son histoire dj
cit plus haut dans ces pages. La justification
principale du Tomos de 1924 est le caractre
illgal et anticanonique
du rapt de 1686.
Rsumons
la phrase du Tomos de 1924 qui fait rfrence
au caractre anticanonique du
rapt de la mtropole de Kiev de 1686.
Le Tomos de 1924 prcise en effet : Ē Car
il est crit que la premire sparation de notre Sige de la Mtropole de Kiev
et de la Mtropole Orthodoxe de Lituanie et de Pologne, en a dpendu, ainsi que
leur intgration au sein de l'glise Moscovite ont t accomplies
contrairement au droit canon, comme aussi tout ce qui a t convenu en ce qui concerne la pleine autonomie de
l'glise de la Mtropole de Kiev, qui, l'poque, avait le titre Exarque
du Sige Ļcumnique. Č Les prdcesseurs du patriarche Bartholomeos
faisaient ici rfrence quÕen accordant lÕautocphalie la dnomme Ē glise
Orthodoxe de Pologne Č, en ralit
cette autocphalie tait accorde
lÕglise Ukrainienne situe sur lÕancien territoire la fois national et
historique de lÕUkraine, cÕest--dire sur le territoire canonique de lÕancienne
Mtropole de Kiev sous le Saint Omophore de son glise
Mre le Patriarcat Īcumnique. En prcisant ces deux points, le Patriarcat de
Constantinople dmontrait lÕensemble des glises locales autocphales orthodoxes
quÕil agissait dans sa propre juridiction
canonique et non sur la juridiction, prtendue cette poque comme
aujourdÕhui, sur ce territoire, du Patriarcat de Moscou.
Nous
le savons ce schisme initial, pas celui quÕinjustement le Patriarcat de Moscou
nous impute aujourdÕhui, mais celui qui est la racine du schisme actuel, a
t lÕĻuvre de la seule glise russe. CÕest bien ce que le Tomos
affirme lorsquÕ il relate clairement que lÕglise russe sÕest empare de
la Mtropole de Kiev Ē contrairement
au droit canon Č en 1686. La Mtropole de Kiev qui, preuve de son
autonomie dans le Patriarcat de Constantinople, avait conserv le charisme de
produire elle-mme son saint Myron. Le Tomos fait
rfrence tout aussi catgoriquement Ē la pleine autonomie de l'glise de la Mtropole de Kiev Č
Il est
indubitablement question dans ce Tomos de lÕoctroi
sur le territoire national Polonais dÕune premire autocphalie ukrainienne.
Car le Tomos se rfre, pour accorder lÕautocphalie
demande par lÕpiscopat orthodoxe de Pologne, la Mtropole de Kiev pour
parler du territoire canonique de la nouvelle glise situe dans les frontires
de la Pologne.
Rappelons, toujours
contre lÕavis du Patriarcat de Moscou, Sa Saintet le Patriarche Mltios III Mtaxakis en
1923 avec le Saint Synode de la
Grande glise, avait accord lÕglise dÕEstonie lÕautonomie au nom du mme
principe de lÕantriorit de la juridiction de la Grande Eglise sur le
territoire national estonien. Le Patriarcat de Moscou sÕy opposa en produisant
le schisme qui dure toujours, dÕune seconde glise autonome russe en Estonie.
La prsence sur le mme territoire national de deux glise autonomes, lÕune locale,
estonienne et lÕautre, russe, pourrait servir de jurisprudence pour rsoudre une
situation comparable de deux glises en Ukraine, lÕune locale ukrainienne et
lÕautre russe.
Cette situation est
effectivement comparable celle dÕaujourdÕhui en Ukraine, sauf sur un point
essentiel : celui des enjeux
gopolitiques et territoriaux qui ne sont pas les mmes. Nous pensons que cÕest
le nombre de prs de 20 millions de croyants qui se revendiquent comme
appartement au Patriarcat de Kiev qui renforce une opposition acharne contre
notre Eglise de la part du Patriarcat de Moscou, car lÕenjeu gopolitique et
la clef, galement un enjeu conomique et financier (perte de dons), ne sont pas
une chelle comparable.
Ce qui rend la question de lÕachat
de la Mtropole de Kiev comme un acte particulirement
cynique et incontestablement anti-canonique nÕest
pas uniquement le fait quÕil
nÕexiste bien videmment
aucun prcdent canonique qui pourrait
justifier cette mthode, lÕexception
toutefois des sommes exiges et donc imposes
par le Sultan, de la part de tout nouveau patriarche, ce qui explique, en
partie seulement, les changements frquents de titulaires du
prestigieux sige,
nombreux durant toute la priode ottomane[57].
Non, ce qui rend la vente et lÕachat de la Mtropole
de Kiev illicite, cÕest que, aujourdÕhui
encore, le patriarcat de Moscou se rfre
cyniquement cette vente pour justifier sa juridiction. LÕun
des meilleurs historiens russes[58]
dont nous avons consult une partie de sa documentation pour ce
travail, nÕhsite pas
raconter en dtail cette histoire comme preuve que la Mtropole
de Kiev appartient bien au Patriarcat de Moscou :
Selon la dmonstration du professeur Wladimir Bourega, lÕachat de la Mtropole
de Kiev par le tsar pour la somme de deux cent ducats or et de cent vingt peaux
de zibelines, confirm par des documents historiques quÕil
mentionne, est la cynisme preuve irrfutable que la Mtropole
de Kiev appartient la Russie et au Patriarcat de Moscou. Un tel
cynisme de la Ē realpolitik Č
toujours pratique par le patriarcat de Moscou ne peut plus de
nos jours tre cautionne
srieusement par le patriarcat de Constantinople
ni par les autres glises sĻurs autocphales
et autonomes.
La
seule Ē jurisprudence Č
que nous avons trouve qui expliquerait cette vente, mais avec la
plus mauvaise des justifications, se trouve en effet dans les vangiles : cÕest celle de la vente du
Christ par lÕAptre Juda pour trente deniers.[59]
Mais Juda cessa dÕtre Aptre ds
quÕil reut les trente deniers. On le
voit, le fait que cet acte de simonie caractrise
soit invoqu comme le principal argument du patriarcat de
Moscou sur sa Ē proprit
de la Mtropole dÕUkraine Č
en dehors du fait quÕil est sacrilge,
le disqualifie.
Sur la captation elle-mme
en dehors de la mthode, si la simonie est lÕachat
par un homme auprs dÕautres vques
pour recevoir lÕpiscopat selon le 29e Canon
Apostolique, le 2e canon du IVe Concile Īcumnique
Chalcdoine(451),
les 22e et 23e Canons du Quinesexte
Concile Īcumnique In Trullo (Constantinople, 691), et le 29e
Canon de Saint Basile, ces canons sÕtendent pour leur interprtation
la vente dÕun
diocse. Il devient vident
que la pluspart des glises
orthodoxes locales seront aujourdÕhui scandalises
(car elles ignorent cette page sombre de lÕhistoire
de lÕglise russe) dÕapprendre
comment sÕest ralis
le transfert de la Mtropole de Kiev, de lÕautorit
canonique du Patriarcat de Constantinople
celle du Patriarcat de Moscou : exactement comme se vendent
aujourdÕhui les bons joueurs dÕun
club de football un autre, avec des sommes dÕargent
astronomiques !
Sur la captation elle-mme
en dehors de la mthode, nous observons que le Canon 2 du
IIe Concile Ļcumnique de Constantinople I en
381, nonce clairement du bon ordre
conserver dans chaque province la primaut
qui revient au grand sige dÕAlexandrie, Antioche et
Constantinople et quÕaucun vque
tranger ne doit intervenir dans un autre vch
que le sien. Le Canon 8 du IIIe Concile Ļcumnique
dÕphse en 431, les Canons
Apostoliques 34 et 35 confirment ces dispositions du Canon 2 du concile de
Constantinople. Enfin le 17e Canon du Concile Īcumnique
de Chalcdoine en 451, assure de lÕinalinabilit
de lÕparchie qui a t
fonde depuis au moins trente ans, par une glise : le Patriarcat de Constantinople avait depuis
exactement 700 ans la juridiction sur la mtropole
de Kiev.[60]
Une dernire autocphalie a t accorde par le patriarcat de
Constantinople en 1924 lÕancienne mtropole autonome dÕUkraine dont la
majorit du territoire canonique (sauf Kiev et lÕEst de lÕUkraine alors situ
en URSS) se situait dans le nouvel tat polonais aprs 1918. Cette autocphalie
ne fut pas reconnue par le Patriarcat de Moscou qui avec une audace inoue la reproclamait en 1948. CÕest cette premire autocphalie
ukrainienne que se rfre aujourdÕhui le Ē Patriarcat de Kiev Č
(trente millions de croyants) pour justifier son accession prochaine
lÕautocphalie.
Conclusion.
Certaines
des glises des pays de lÕEst qui reprochent lÕglise dÕUkraine dÕtre
schismatique ne peuvent le faire quÕen oubliant leur propre histoire, qui a t
traverse par de longues priodes de schisme comme le rappelle notre article.
Toutes
les glises orthodoxes locales qui ne sont pas les glises apostoliques situes
(sauf lÕglise grecque) dans les pays de
lÕEst, toutes sans exception
ont connu de longues priodes de schisme pour le mme motif de la volont dÕaccder la
vie plnire en tant quÕglise Orthodoxe locale et nationale. Des erreurs certes,
nous ne le nions pas, ont exist au cours de cette longue histoire des deux
cts ; mais la volont pour une nation avec ses dirigeants de se diriger
vers la plnitude de la vie ecclsiale selon le Canon Apostolique 34 est
lgitime.
Reprocher
comme le font aujourdÕhui certains prlats orthodoxes, lÕingrence de lÕtat
dans la fondation dÕune glise nationale, comme un pch anti- ecclsiologique,
provient dÕune trs grande ignorance. Deux faits contredisent cette affirmation :
le premier est que la volont du souverain dÕun nation pour lÕoctroi de
lÕautocphalie est requise par la Tradition comme par lÕusage et constitue une
jurisprudence autant canonique quÕecclsiologique : dans tous les exemples
que nous avons donns plus haut, nous avons constat quÕau cours de tous les
sicles prcdents, sans exception, les reprsentants de lÕtat devaient
solliciter le patriarcat de Constantinople pour que lÕautocphalie puisse
seulement tre examine.
Le
second est que jusquÕ une poque rcente
dans les nations chrtiennes lÕglise et lÕtat nÕtaient pas spars. La
non-participation de lÕtat que prnent ces thologiens et prlats nÕa jamais
exist. Les autocphalies se sont, de ce fait, toujours ralises avec le
concours actif du Chef de lÕtat et du parlement de chacune de ces nations,
comme nous en avons donn de nombreux exemples plus haut dans cet article. Et
mme dans lÕempire ottoman cette distinction nÕexistait pas : le
patriarche de Constantinople occupait un trs haut rang parmi les grands
officiers de lÕtat dans le cadre des millets. Il tait le chef du millet des Rum, cÕest--dire Ē Romains Č, les anciens sujets
de lÕempire romain dÕOrient. Le
patriarche tait lÕgal dÕun sultan ayant le rang de calife. Les excutions de
patriarches de Constantinople ne
furent jamais aux yeux du sultan dues au
fait de la religion chrtienne des titulaires excuts. Elles taient en
tout point comparables celles qui frapprent toutes les poques, tous les
fonctionnaires de lÕempire, jusquÕau sommet de la hirarchie civile impriale,
califes, gnraux et grands vizirs.
Le 9 Septembre 2018 +Mtropolite Michel Laroche
[1] Apoc. I, 17-18
[2] Apoc..I, 11
[3] Apoc. II, 1
[4] Co. II. 1
[5] Nous nÕvoquons pas dans cet article les
autocphalies des glises prchalcdoniennes qui ne sont pas Orthodoxes.
[6] Mt XXVIII,19.
[7] Mt VI,24.
[8] Nous suivons la traduction faite par Vlassios I, Phildas dans son ouvrage Ē Droit Canon Č Une perspective orthodoxe. P.67-68. d. Centre Orthodoxe du patriarcat Ļcumnique. Chambsy, Genve. Suisse 1998.
[9] En 2018.
[10] Empereur de 959 963.
[11] Chrysobulle : provient du mot grec chrysos qui signifie : or.
CÕest un dcret imprial (Bulle) frapp dÕun sceau en or.
[13] CÕest toujours la France qui en 1866, recommandera la dsignation,
comme futur Roi de Roumanie, de Charles de Hohenzollern dont descend lÕactuel
Roi Michel.
[14] AujourdÕhui la ville de Sibiu en Roumanie.
[15] Jules Laroche qui pousa la grand-mre de lÕauteur Pauline, ne et
baptise en 1874 Constantinople, descendante par sa mre dÕune trs ancienne
famille grecque orthodoxe phanariote, les Lonvardo,
despotes de lÕėle de Zentos. Le pre de Pauline
Laroche, Alfred Caporal dÕun trs ancienne famille byzantine dÕorigine
vnitienne dont le nom dÕorigine tait Chalavassi,
fut lÕun des conseillers du Sultan Abdul Hamid. LÕun des grands oncles de
lÕauteur, converti en secret lÕOrthodoxie, rentra dans lÕhistoire sous le nom
de Yousouf Pacha, le dernier Gouverneur Gnral dans lÕEmpire Turc, du Liban, de
la TransJordanie, de la Syrie et de lÕIrak
(lÕancienne Msopotamie). Par un concours de lÕhistoire, lÕune des sĻurs de la
grand-mre de lÕauteur pousa elle aussi un diplomate franais, Albert de
France, qui Yousouf Pacha remis son palais et ses pouvoirs au Liban.
[16] Je le cite :
Ē Une des questions qui provoqurent le plus dÕopposition de la dlgation
italienne fut celle de la dlimitation de la Transylvanie. Elle voulait laisser
la Hongrie les grandes villes qui se trouvent lÕextrmit occidentale de
cette province. Leur existence sÕexplique par la gographie. La Transylvanie
est traverse par des valles qui descendent des Carpates, et au dbouch
desquelles seulement ont pu trouver place des agglomrations dont
lÕimportance conomique est lie lÕarrire-pays. Les dtacher de celui-ci,
Õet t ruiner la rgion. JÕemportai la dcision en faisant valoir quÕen
outre, dans ces villes, les Hongrois
taient lÕlment immigr, alors que dans les campagnes avoisinantes les
paysans, race peu vagabonde et par consquent autochtone, taient Roumains.
JÕavais t appuy par les Amricains, et surtout par les Britanniques, qui
je devais le rappeler plus tard lors du Partage de la Haute Silsie ČJules Laroche, Au Quai dÕOrsay
avec Briand et Poincar 1913-1926, Paris, Hachette, 1957, p. 73. Ouvrage
couronn par lÕAcadmie franaise.
[17] Statut du patriarcat Serbe. Par I. Ivanovitch. Revue des tudes byzantines. Paris. 1922. P. 186-202. ,
[18]Nous disposons dÕun exemple rcent de la comprhension que nous pouvons avoir sur ce quÕest un Exarchat autonome du Patriarcat de
Constantinople dans le statut canonique de son Exarchat russe qui a son sige Paris : Ē Le Tomos de 1999 ngoci par lÕArchevque Serge et le Secrtaire Gnral de lÕArchevch le Baron Basile de Tienahausen, prcise bien la continuit avec celui de
1931: Ē Cet Archevch (É) constitu en Exarchat Patriarcal, en
accord avec les dcisions du Patriarcat Īcumnique du 13 fvrier 1931 Č et rien ne vient modifier ce qu'affirmait le Tomos de 1931: Ē Dans ce but, par arrt synodal, nous avons dcid que toutes les
paroisses orthodoxes russes en Europe, tout en conservant sans changement ni
diminution lÕindpendance quÕelles avaient jusquÕici en tant quÕorganisation
russe particulire et administrant librement leurs affaires, soient considres dornavant comme
formant provisoirement, sur le territoire de lÕEurope, un exarchat Č.
[19] In Ē Les voies de la thologie russe Č par Georges Florovsky. P. 55 Ed ; LÕAge dÕHomme. Paris 2001.
[20] Le patriarche Filaret est une personnalit extraordinaire : Il tait le pre du tsar Michel Romanov qui lui confra le rang imprial, que seul le souverain portait jusque-l de Ē Grand Souverain Č. LÕautorit du patriarche fut son apoge durant son pontificat et cÕest lui qui en ralit gouvernait lÕEmpire Russe.
[21] In Ē Les voies de la thologie russe Č par Georges Florovsky. P. 55 Ed ; LÕAge dÕHomme. Paris 2001.
[22] In Ē Les voies de la thologie russe Č par Georges Florovsky. P. 54 Ed ; LÕAge dÕHomme. Paris 2001.
[23] Ibidem. P. 54
[24] Ibidem P.56
[25] In Ē Histoire de lÕUkraine Č par le Professeur Arkady Joukovsky. P 39 Ed. du Dauphim Paris 1994.
[26] In Ē Les voies de la thologie russe Č par Georges Florovsky. P. 64 Ed ; LÕAge dÕHomme. Paris 2001.
[27] In Ē Les voies de la thologie russe Č par Georges Florovsky. P. 65 Ed ; LÕAge dÕHomme. Paris 2001.
[28] Ē Petite Russie Č nom que le Russes donnent parfois lÕUkraine.
[29] Polons'ka-Vasilenko N. LÕHistoire de lÕUkraine en 2 vol. Vol. 2.
De la moiti du XVII sicle jusqu' 1923, 1992. p 194. ET : Grouchevs'ky M.S. LÕAccord de Pereyaslav
de lÕUkraine avec Moscou en 1654. Articles et textes /Grouchevs'ky
M.S. Grouchevs'ky M.S. Qui sont les Ukrainiens, que
veulent-ils. Kiev, 1991. p. 60-69. Polons'ka-Vasilenko N Ibid. vol. 2. p. 39-40.
[30] Ibidems. S 174-175.
[31] Polons'ka-Vasilenko N Ibid. Vol. 2. p 196.
[32] Ibid. 179.
[33] Ē Stavropigiaque Č De _______, stavros en grec : Croix. Indique un monastre qui bien que situ dans lÕparchie dÕun vque ne relve pas canoniquement de celui-ci, mais du patriarche de Constantinople qui symboliquement y a plant sa croix, signe de sa juridiction. Le patriarche dÕune Eglise locale peut lui aussi plant sa croix dans un monastre et le faire dpendre directement de lui. Ce privilge est tendu pour des mtokias situes en dehors du Mont Athos et dpendant canoniquement dÕun des douze monastres du Mont Athos, et qui chappent elles aussi la juridiction de lÕvque diocsain.
[34] S. Ternovsky. Ē LÕtude sur la soumission la Mtropolie de Kiev au Patriarcat de Moscou Č. Kiev, 1872. p. 89.
[35] Ibid. 91-92.
[36] Voir note N” 16.
[37] Ibid. 182. Polons'ka-Vasilenko N Ibid. 196. ________ l'glise Russe occidentale dans un dernier tiers
de XVII s. [Dans le livre : Macaire (Boulgakov), le Mtropolite de Moscou et de Kolomna. L'histoire
de l'glise Russe. Le livre septime. Moscou, 1996. p 536.
[37] Les Archives de la Russie du sud-ouest publies par la commission temporaire pour l'analyse d'anciens actes (ensuite Ń _RSO). La premire partie. Vol V. Actes se rapportant l'affaire sur la soumission de la Mtropolie de Kiev au Patriarcat de Moscou (1620-1694). Kiev, 1872. p. 42.
[39] Adrianapolis ________¹____ , aujourdÕhui Ē Edirne Č cit dÕorigine antique connue galement sous le nom dÕAndrinople, la cit est limitrophe de la Bulgarie et de la Grce. Andrinople fut la capitale de lÕEmpire Ottoman jusquÕ la prise de Constantinople en 1453 ; Cette ville demeurait importante le pacha gouverneur de lÕimportante province frontalire y rsidait. A cette poque le Grand Vizir y avait galement une rsidence, ainsi que certains membres du Synode Permanent.
[40] S. Ternovsky. Ē LÕtude sur la soumission la Mtropolie de Kiev au Patriarcat de Moscou Č. p. 134. Kiev, 1872.
[41] Ethnarque, en grec : _____ , ethnos, racine du mot franais : Ethnie.
[42] Lire sur ce sujet notre ouvrage qui y est consacr : Ē La Papaut Orthodoxe Č Editions Prsence. Paris 2004.
[43] Lire sur ce sujet notre ouvrage qui y est consacr : Ē La Papaut Orthodoxe Č Editions Prsence. Paris 2004.
[44] En franais : Agent double.
[45] Le Caractre des relations de la Russie vers l'Est orthodoxe XVI et XVII sicles. prof. Sergiev Possad, 1914. S 299.
[46] Prof. N. F Kapterev, Ē Le Caractre des relations de la Russie vers l'Est orthodoxe XVI et XVII sicles Č. P. S. 307-308. Sergiev Possad, 1914.
[47] Lire sur ce sujet notre
ouvrage qui y est consacr : Ē La Papaut Orthodoxe Č
Editions Prsence. Paris
2002.
[48] Ternovsky in Ē
Chimov Č,. - _oscou, 2003. p. 141.
[49] Ternovsky in Ē
Chimov Č,. - _oscou, 2003.p. 144-145
[50] Lettres
publies en intgralit
: _RSO. Part 1. Vol. V. p. 142-158.s
[51] Ibid. p. 153
[52] Soloviev S.M. Ibid. Vol. VII.
p. 378.
[53] Soloviev S.M. Ibid. Vol. VII. p.
378.
[54] Le Canon 2 du IIme Concile Ļcumnique de Constantinople I en 381 , nonce clairement du bon ordre conserver dans chaque province la primaut qui revient au grand sige dÕAlexandrie, Antioche et Constantinople et quÕaucun vque tranger ne doit intervenir dans un autre vch que le sien. Le Canon 8 du IIIme Concile Ļcumnique dÕEphse en 431, les canons apostoliques 34 et 35 confirment ces dispositions du Canon 2 du concile de Constantinople.
[56] Mt VI, 24
[57] Lire ce sujet notre ouvrage qui y est consacr. Nous faisons remarquer ici que le patriarche de Constantinople avait dans lÕEmpire Ottoman une position officielle qui le plaait au rang de pacha ; et que les pachas, comme les grands vizirs, taient dposs et remplacs, puis nouveau en fonction, au gr de la volont du sultan et quÕils nÕchappaient pas au chtiment suprme, dcapitation ou tranglement avec un lacet de soie : Ē La Papaut Orthodoxe Č Editions Prsence. Paris 2004.
[58] Vladimir Bourega docteur en histoire et en thologie, professeur et vice-recteur charg de la recherche de l'Acadmie thologique et sminaire de Kiev.
[59] In Ē Revue dÕtudes comparatives Est-Ouest, 2004 Vol. 35, N” 4 Ē Religion (s) et identit (s) en Ukraine : Ē existe-t-il une identit des confins Čpar Nataly Boyko P.43-44 et Ē LÕadjonction de la Mtropolie de Kiev au Patriarcat de Moscou : Comment cela s'est droul. Č Par Wladimir Bourega in Site de lÕAcadmie de Thologie du Patriarcat de Moscou Kiev.
[60] LÕorigine dans le droit du Code Napolon repris par notre Code Civil en France, de la priode trentenaire qui est observe pour quÕun bien soit dclar, sans autre document ou titre de proprit, sans contestation possible, comme appartenant celui qui lÕoccupe, provient de cette disposition canonique.