Quelques notions dÕecclŽsiologie et dÕhistoire ˆ propos des droits et devoirs historiques, canoniques et ecclŽsiologiques du Patriarcat de Constantinople sur la MŽtropole de Kiev

 

 Par un  Žvque de la diaspora ukrainienne, le MŽtropolite Michel Laroche.

 

I Les notions dՃglise, dՃtat, de nation (ethnos) et de diaspora dans lՃglise Orthodoxe.

 

Dans cet article, nous nous efforcerons de discerner les clefs de la gense de lÕecclŽsiologie, cÕest-ˆ-dire ce qui ds le commencement de lՃglise a manifestŽ son unitŽ consubstantielle, tout comme ce qui a distinguŽ les unes des autres chacune des Eglises locales. 

 

Le commencement de lՃglise ne se situe exclusivement pas ˆ la Pentec™te lorsque les ap™tres reoivent lÕEsprit Saint sous forme de langues de feu et se mettent ˆ annoncer lՃvangile dans toutes les langues. Certes ce temps transfigurŽ de la premire annonce de lՃvangile par les ap™tres aux nations prŽsentes ce jour-lˆ ˆ JŽrusalem constitue bien un acte fondateur des prochaines ƒglises locales. Mais son commencement absolu rŽside dans ce dernier commandement du Christ RessuscitŽ avant son Ascension : Ē De toutes les nations (en grec ____, ŽthnŽ) faites des disciples, les baptisant au Nom du Pre, du Fils et du Saint Esprit Č. (Mt XXVIII,19. Le Christ  inscrit le baptme des nations qui constitue la rŽalitŽ premire de lՃglise dans la Ē monade trinitaire Č Une seule essence divine et trois hypostases distinctes : dÕune ƒglise ˆ la fois Ē une Č et  Ē multiple Č dans ses hypostases. CÕest lÕic™ne de la TrinitŽ Sainte dans le mystre ecclŽsial. Nous reviendrons dans un autre chapitre sur le mot Ē_____Žthnos Č qui se traduit en franais par nations.

 

Les Pres de lՃglise, quÕil nÕest pas nŽcessaire de citer ici, car leurs commentaires sont connus de tous, partagent la naissance de lՃglise en trois moments distincts sans que lÕon puisse en conclure que se seraient lˆ trois Žtapes de la naissance de lՃglise, trois ‰ges de lՃglise, ou trois symboles ontologiques de son hypostase.

 

Les trois actes (je prŽfre en grec le mot Žnergie intraduisible en franais) qui prŽsident tous ˆ la naissance de lՃglise sont dans lÕordre de leurs apparitions (il nÕexiste pas entre eux dÕordre hiŽrarchique) les suivants :

 

Le c™tŽ transpercŽ du nouvel Adam endormi sur Sa Croix, c™tŽ duquel lՃglise na”t, comme  na”t Eve de la c™tŽ prŽlevŽe dÕAdam dans le sommeil de celui-ci.

 

Le dernier commandement du Christ ressuscitŽ : Ē De toutes les nations faites des disciples, les baptisant au Nom du Pre, du Fils et du Saint Esprit Č.

 

LÕannonce faite de lՃvangile par les ap™tres lors de la Pentec™te aprs la descente sous formes de langues de feu de lÕEsprit Saint. (Act II, 1-47) 

 

Ajoutons un quatrime moment, qui est au cĻur de la signification et de la nature mme de lՃglise : lÕinstitution de lÕEucharistie.  LÕEcclŽsia, assemblŽe, rassemble tous les baptisŽs ˆ partir et dans le Corps du Christ. Nous dŽcouvrirons cet aspect primordial du mystre de lÕIncarnation : lÕEucharistie cŽlŽbrŽe dans un lieu prŽcis par lՎvque local attachŽ ˆ ce lieu, comme lՎpoux ˆ lՎpouse, ce qui y inclut tous les croyants qui y rŽsident, quelle que soit leur appartenance nationale.

 

LՃglise Žternellement unie au Christ est lՃglise du fait mme de son union ontologique avec le Christ. On ne peut pas placer un cheveu entre lÕEglise et le Christ. LÕEglise est tout entire Corps du Christ. Le Christ Eucharistique est la vie de lÕEglise. LÕEucharistie est la manifestation parfaite de lÕEglise.

 

Dans ce mystre de lÕEucharistie est prŽsente la divino-humanitŽ de lՃglise.

 

Lorsque le Christ prononce les paroles de lÕinstitution il dit : Ē Ceci est mon corps livrŽ pour vous. Ceci est mon sang versŽ pour vous. Č La crucifixion et la rŽsurrection qui expliquent et justifient ces paroles ne se sont pourtant pas encore produites dans le temps chronologique, cÕest-ˆ-dire le temps dŽchu de ce monde. Une vŽritŽ ˆ laquelle nous croyons tous sÕimpose pourtant : le Christ donne bien ˆ ses ap™tres et disciples Son Corps CrucifiŽ et RessuscitŽ et son Sang versŽ. EvŽnements qui ne se produiront pourtant que plus tard ! Le Christ se livre dans Sa proto-liturgie, fondatrice de toutes les liturgies qui se poursuivront et insŽparable de celles-ci. Chaque nouvelle liturgie est le prolongement de la proto-liturgie, elle est ˆ la fois Žgalement, insŽparable du Christ sans qui il nÕexisterait pas de liturgie.

 

La liturgie insŽparable de lÕEucharistie est Žternellement cŽlŽbrŽe par le Christ dans le temps transfigurŽ ˆ partir de lÕinstitution eucharistique. Ds la proto-liturgie du Christ lors de la Sainte Cne qui est le fondement ontologique de toutes les liturgies, lՃglise est rassemblŽe dans lÕhypostase du Christ comme la manifestation la plus accomplie aprs lÕIncarnation elle-mme, du mystre de lÕIncarnation. Chaque liturgie est une introduction et une immersion de chaque croyant dans le temps non chronologique, le temps transfigurŽ dans lequel le Christ cŽlbre Žternellement. Chaque liturgie renforce pour tous les baptisŽs leur communion avec le Christ et de ce fait, leur appartenance comme un prolongement du mystre de lÕIncarnation ˆ lÕEglise, Corps du Christ.

 

Nous ne pouvons pas parler dÕecclŽsiologie en nous dŽtachant intellectuellement, artificiellement, de la rŽalitŽ charismatique de lՃglise qui est son fondement eucharistique.

 

Par la suite, avec la conversion de saint Constantin et la tenue du second concile ĻcumŽnique de Constantinople I (381), le sige des ƒglises locales se hiŽrarchisera en fonction de lÕimportance politique de la citŽ.

 

A la suite de lÕannonce faite par Sa SaintetŽ le patriarche BartolomŽos de Constantinople de la prochaine autocŽphalie dÕune ƒglise Orthodoxe dÕUkraine, une multitude de contrevŽritŽs ont ŽtŽ diffusŽes dans les diffŽrents mŽdias. En mes qualitŽs de canoniste, dÕhistorien, de gŽo politicien comme de thŽologien, je vais mÕefforcer de donner des rŽponses ˆ toutes les affirmations.

 

II Comment se sont ŽrigŽes les premires ƒglises autocŽphales ?

 

LÕautocŽphalie, en grec autocephalos, ___________, mot composŽ du grec auto, ____, littŽralement : soi, soi-mme ; et de kefalos, _______. LittŽralement : tte, chef. LÕautocŽphalie est lÕacte canonique sous la forme dÕun dŽcret patriarcal intitulŽ Ē tomos Č accordŽ ˆ une Žglise nationale (locale) par le patriarcat de Constantinople.

 

Examinons maintenant comment se sont produites les autocŽphalies des principales ƒglises orthodoxes locales que nous connaissons aujourdÕhui.

 

Ds la naissance de lՃglise sans quÕil soit besoin ici dÕapprofondir les apostrophes qui sont faites par Celui qui est Ē le Premier, le Dernier et le Vivant Č[1] CÕest-ˆ-dire le Christ Lui-Mme, dans lÕApocalypse Ē Ce que tu vois, Žcris-le dans un livre et envoie-le aux sept ƒglises qui sont en Asie : ˆ Ephse, ˆ Smyrne, ˆ Pergame, ˆ Thyatire, ˆ Sardes, ˆ Philadelphie et ˆ LaodicŽe. Č[2] il prŽcise ensuite ˆ chacune des ƒglises locales en nommant indistinctement son ange (son nom prŽcis nous est inconnu) : Ē A lÕAnge de lՃglise dՃphse Žcris ceci. Č[3]. Ici ne retenons que le symbole car nous savons que dÕautres ƒglises locales existaient dŽjˆ depuis que les ap™tres sՎtaient rŽpandus dans lÕEmpire Romain : JŽrusalem, Antioche fondŽe par Pierre, Alexandrie fondŽe par Marc, Philippe, Corinthe, Colosse, ƒphse ( nommŽe dans lÕApocalypse), Athnes, toutes ces citŽs devenues des ƒglise locales fondŽes par Paul, Rome fondŽe par Paul et Pierre, Chypre, Patmos, Byzance fondŽe par AndrŽ et beaucoup dÕautres citŽes, devenues les premires ƒglises locales, nous renseignent sur la conception de lÕuniversalitŽ de lՃglise dans sa diversitŽ locale. Ce que nous retenons, cÕest la reconnaissance de la personnalitŽ ecclŽsiale distincte, de lÕoriginalitŽ propre de chacune de ces ƒglises locales indŽpendamment, ˆ cette Žpoque, de lÕimportance politique de la citŽ. Cette hypostase ecclŽsiale, nous la discernons dans les Žpitres de saint Paul dans lesquelles au-delˆ de son enseignement distribuŽ ˆ chacune des ƒglises locales auxquelles il sÕadresse, lÕAp™tre respecte la personnalitŽ du Peuple : Ē  Ainsi jÕai dŽcidŽ de ne pas retourner chez vous pour ne pas vous attrister de nouveau Č.[4] LÕAp™tre ici tient compte dÕune situation locale, qui nÕest donc pas directement inscrite dans lÕenseignement universel de lՃvangile quÕil donne par ailleurs.

 

Des autocŽphalies existaient dŽjˆ, indŽpendantes du Sige de Constantinople, comme principalement les ƒglises apostoliques de Rome, dÕAlexandrie et dÕAntioche et plus tardivement celle de JŽrusalem qui jusquÕau concile de Constantinople I ( 381) dŽpendait du sige mŽtropolitain de CŽsarŽe en Palestine ˆ la grande rŽprobation de saint Cyrille de JŽrusalem qui protesta contre cette situation injuste qui plaait la Mre de toutes les ƒglises sous lÕautoritŽ du mŽtropolite dÕune citŽ qui nÕavait pas eu de fondation apostolique. Ainsi lՃglise de Chypre, fondŽe par lÕAp™tre Paul et qui ˆ cet Žgard aurait eu tous les titres ˆ le devenir, elle nÕest jamais devenue un patriarcat ; elle obtient son autocŽphalie en 437. En marge de lÕEmpire Romain dÕOrient, il existait Žgalement lՃglise GŽorgienne qui devrait un instant retenir notre attention, car elle constitue lÕexemple parfait de lÕimpŽrialisme sŽculaire du patriarcat de Moscou. Cette ƒglise fondŽe par saint GrŽgoire lÕIlluminateur devient autocŽphale en 484, bien avant la Bulgarie et la Serbie dont nous allons parler plus loin dans cet article. LՎpiscopat de cette ƒglise, dont lՎvque Žtait mariŽ ˆ cette Žpoque, se transmettait de pre en fils, dans de longues et trs saintes lignŽes Žpiscopales, ce qui constitue un exemple unique dans lÕhistoire de lՃglise, car cette Tradition sÕapparente au nŽpotisme, bien que dans lÕesprit il en ait ŽtŽ autrement. Vers le VIe sicle, cette tradition disparut. Lorsque la GŽorgie fut rattachŽe ˆ lÕEmpire Russe, le Saint Synode Russe supprima arbitrairement lÕautocŽphalie sŽculaire de lՃglise GŽorgienne. CÕest dans la tourmente de la rŽvolution bolchŽvique que cette ƒglise proclama ˆ nouveau son ancienne autocŽphalie que le patriarcat de Constantinople reconnut en 1989. [5]

 

               Mais la jurisprudence canonique autant quÕecclŽsiologique qui nous intŽresse ici est celle qui concerne les nouvelles autocŽphalies ˆ partir du VIIIe sicle. A la suite des conqutes faites au dŽtriment de lÕempire byzantin par les diffŽrentes nations slaves, tout principalement les nations (en grec : ethnos, _____ ) Bulgares et Serbes se convertirent ˆ lÕOrthodoxie, et voulurent chacune disposer dÕune ƒglise nationale comme en disposait lÕempire. La premire autocŽphalie dÕune nation rŽcemment convertie au christianisme fut celle de la nation Bulgare alors frŽquemment en guerre avec lÕEmpire Byzantin. Elle sÕajoutait aux ƒglises existantes, les cinq patriarcats : Rome, Constantinople, Alexandrie, Antioche, JŽrusalem, puis Chypre et la puissante ƒglise franco-germano carolingienne. 

 

Le concours actif du souverain dans la proclamation de toutes les nouvelles autocŽphalies se rŽfre au modle byzantin dans lequel la dŽsignation du patriarche ne peut se faire sans le consentement, voir une dŽsignation pure et simple, par lÕempereur du candidat. NÕoublions pas que depuis 313 lՃglise et lՃtat non seulement ne sont pas sŽparŽs, mais que leur union dans le sein dÕune nation et de ses frontires est quasi consubstantielle.  La premire sŽparation, qui entra”nera pour certaines nations qui lui en emprunteront ce nouveau modle entre lՃtat et lՃglise, sera celle produite en France en 1905.

 

Tous les exemples qui vont suivre reproduiront ce premier archŽtype dÕun souverain oint par le Seigneur, le basileus ou le roi, uni tout autant ˆ son ƒtat dont il est la tte, comme le Christ est la tte de lՃglise quՈ lՃglise locale unie elle-mme ˆ la nation, selon la parole du Christ Ē  de toutes les nations faites des disciples les baptisant au Nom du Pre, du Fils et du saint Esprit. Č[6]

 

Nous nÕaborderons pas cette question chronologiquement, mais en fonction des ŽvŽnements similaires qui se sont produits dans le passŽ et se reproduisent aujourdÕhui. La toute premire autocŽphalie qui fut rŽalisŽe aprs celle de la trs ancienne ƒglise gŽorgienne et celle de lՃglise dÕAbyssinie avant quÕelle ne devienne monophysite, fut lÕautocŽphalie bulgare.

 

 III La fondation de lՃglise bulgare et la comparaison de sa situation avec celle de lՃglise dÕUkraine.

 

La fondation de lՃglise de Bulgarie remonte ˆ la conversion de son prince Boris Michel. Ds son baptme, il nՎtait pas pour le souverain envisageable que la nouvelle ƒglise nationale bulgare, longtemps en guerre avec lÕempire byzantin, puisse dŽpendre dÕune ƒglise Mre (Constantinople) qui donnait sa fidŽlitŽ patriotique ˆ lÕEmpire romain byzantin. Pour ce souverain il Žtait tout simplement impensable dՐtre obligŽ dÕentendre dans sa cathŽdrale tre commŽmorŽ le patriarche de lՃglise dÕune nation avec laquelle il pouvait se retrouver en conflit (Bulgares et Grecs Žtaient en guerre depuis 150 ans). Le souverain bulgare hŽsita entre lՃglise de Rome et celle de Constantinople pour y recevoir lÕautocŽphalie dŽsirŽe, seul systme selon lui qui lui assurait lÕindŽpendance de son ƒglise dŽsormais nationale. Le souverain avait compris quÕil lui Žtait impossible de faire dŽpendre directement du patriarcat de Constantinople son ƒglise nationale, car les Žvques de son pays auraient pu, dans ce cas, recevoir du patriarche de Constantinople, lui-mme soumis ˆ lÕempereur, des instructions antipatriotiques, ce qui aurait alors constituŽ une ingŽrence insupportable pour lՃtat bulgare. Ds le commencement de cette ƒglise locale, sÕest posŽe la question des frontires entre des nations distinctes et leurs ƒglises locales quasi consubstantielles : Elle constitue une jurisprudence canonique et ecclŽsiologique fondamentale acquise, qui a traversŽ les sicles et qui existe toujours, malgrŽ les protestations que nous entendons aujourdÕhui de la part de certaines ƒglises orthodoxes impŽrialistes qui ne veulent pas reconna”tre les frontires des nouveaux ƒtats.

 

Nous observons ici que cÕest exactement la situation qui existe prŽcisŽment aujourdÕhui entre la Russie et lÕUkraine. Une partie importante du territoire national de lÕUkraine a vŽcu de trs nombreux sicles en dehors des frontires actuelles de lÕempire russe. CÕest dans ce contexte quÕest nŽ le sentiment national ukrainien rattachŽ ˆ une ƒglise autonome locale ˆ rang exarchal sous lÕomophore du Patriarcat de Constantinople, placŽe durant des sicles dans le royaume de Pologne et le Grand-DuchŽ de Lituanie ; totalement en dehors de la Russie. La conqute du territoire de lÕUkraine par Catherine la Grande nÕa pas supprimŽ dÕun coup de baguette magique le sentiment national Ukrainien qui sՎtait forgŽ durant des sicles en dehors du territoire impŽrial russe et dans le contexte dÕune rŽsistance ˆ un pouvoir polonais catholique qui persŽcutaient sa minoritŽ orthodoxe ukrainienne. MŽconnaissant cette page dÕhistoire, les opposants ˆ une ƒglise locale vŽritablement ukrainienne prŽtendent que lÕUkraine a toujours ŽtŽ russe, ce qui, historiquement, est absolument faux.

 

Une guerre existe aujourdÕhui entre ces deux pays, comme elle exista avec des pŽriodes de paix, suivies de nouvelles guerres entre Bulgares et Byzantins. Le patriarche de Moscou, bien que commŽmorŽ par une partie de lՃglise dÕUkraine qui lui est soumise canoniquement, bŽnit lÕarmŽe russe, comme cÕest son devoir canonique de le faire. Si le patriarche de Moscou Žtait le vŽritable primat de lՃglise dÕUkraine, il devrait tout autant bŽnir les armŽes ukrainiennes qui dŽfendent le territoire national de lÕUkraine et prier pour la victoire des armŽes ukrainiennes. Le commandement du Christ sÕapplique ici : Ē Nul ne peut servir deux ma”tres. Car, ou il ha•ra l'un, et aimera l'autre; ou il s'attachera ˆ l'un, et mŽprisera l'autre. Č[7] Dans quelle direction va la fidŽlitŽ patriotique du patriarche de Moscou ? Nous le savons, le monde entier le sait, et tous les membres de lՎglise dÕUkraine, dont je fais partie, le savent : la fidŽlitŽ du patriarche de Moscou - et cÕest tout ˆ fait lŽgitime, va ˆ la FŽdŽration de Russie et ˆ son armŽe. Et cÕest exactement lˆ que se situe le fond du dŽbat ecclŽsiologique. Le patriarche de Moscou  ne peut tre le Pre et le Berger aimant des croyants ukrainiens dont il nie lÕexistence en tant que peuple dÕune nation souveraine. Non seulement il ne prie pas pour lÕarmŽe ukrainienne, il ne bŽnit pas ses soldats, mais il prie pour la victoire des armŽes russes au dŽtriment du territoire national ukrainien ; il prie pour la disparition de lÕUkraine comme nation indŽpendante en rvant ˆ haute voix quÕelle redevienne un territoire de lÕempire russe. Maintenir en Ukraine lÕautoritŽ canonique du patriarcat de Moscou est exactement la mme question qui sՎtait posŽe en 1918 aprs le TraitŽ de Versailles ˆ la nouvelle Pologne et au MarŽchal Joseph Pilsudsky qui conduisirent celui-ci ˆ exiger que la partie de lՃglise dÕUkraine situŽe en Pologne se dŽtache du patriarcat de Moscou dont elle constituait ˆ ses yeux un dangereux cheval de Troie entirement au service des Russes, et quÕelle obtienne de son ƒglise Mre, le Patriarcat de Constantinople, son autocŽphalie, ce qui sÕest produit en 1924. JÕai Žcrit et publiŽ ˆ Kiev en 2015 un ouvrage qui retrace cette histoire de la Ē Premire autocŽphalie Ukrainienne Č. JÕy faisais la prŽdiction que cÕest en se fondant sur le tomos de cette premire autocŽphalie que le Patriarcat de Constantinople pourrait Žtendre la mme autocŽphalie ˆ la partie de lՃglise dÕUkraine situŽe en Ukraine, ce qui est dŽsormais annoncŽ par la Grande ƒglise. Le patriarcat de Moscou avait rŽsistŽ alors, arguant contre cette autocŽphalie de 1924 avec exactement les mmes paroles, les mmes arguments que ceux dÕaujourdÕhui. LÕimpŽrialisme qui les inspire nÕa pas disparu.

 

CÕest la question des frontires dont nous parlions plus haut. Il existe en effet un autre principe ecclŽsiologique : lorsquÕune frontire apparait ˆ la suite de la proclamation dÕun nouvel Žtat souverain dans une nation historiquement de confession orthodoxe, lՃglise orthodoxe locale a le devoir de sÕy organiser en fonction des nouvelles frontires selon le canon 34 apostolique : Ē  Que les Žvques de chaque nation doivent reconna”tre leur primat et le considŽrer comme leur chef.et ne rien faire sans son avis ; Mais lui aussi quÕil ne fasse rien sans lÕavis de tous ; car ainsi rŽgnera la concorde et seront glorifiŽs le Pre, le fils et le Saint Esprit. Č[8] Il nÕest pas encore question dans ce cas prŽcis dÕautocŽphalie, mais dÕautonomie locale.

 

CÕest la position quÕobserve aujourdÕhui[9] le prŽsident ukrainien Petro Porochenko (ainsi que le parlement ukrainien) qui est baptisŽ, fidle croyant orthodoxe, position qui est la mme que celle du tsar Boris Michel, en exigeant comme ce dernier lÕavait fait pour lՃglise bulgare, lÕoctroi de lÕautocŽphalie, la reconnaissance de lÕautocŽphalie dÕune ƒglise nationale ukrainienne non infŽodŽe au patriarcat de Moscou. Il veut une Žglise nationale ukrainienne indŽpendante de lՃglise russe qui en ce moment mme bŽnit les armŽes russes qui menacent le territoire national de lÕUkraine.

 

Le patriarche Photios et lÕempereur Michel ainsi que son successeur Basile finiront par le comprendre et lÕaccepter. Toute autre solution nՎtait pas viable. Sur ce point Boris Michel avait intŽgrŽ le principe impŽrial Byzantin de lÕaigle bicŽphale symbolisant les deux gouvernances de la nation par lÕempereur et le patriarche. Son ƒglise se devait dՐtre une ƒglise nationale. CÕest son fils, le tsar SymŽon, qui obtiendra, aprs de nombreuses difficultŽs, de la part de lÕempereur de Constantinople Romain Ier LŽcapne[10] et du patriarche de Constantinople Nicolas Mysticos, lÕautocŽphalie et le rang patriarcal ˆ son ƒglise (924-927)  ayant alors comme sige Ohrid, et pour lui-mme le titre de basileus (empereur). Par exemple, le second sige patriarcal bulgare de Tarvono fut fondŽ par lÕEmpereur des Bulgares Kaloyant en 1204 dÕabord sous lÕautoritŽ canonique du pape de Rome Innocent III et enfin en 1234, lorsque le nouveau patriarcat bulgare fut reconnu par Constantinople et son rang patriarcal confirmŽ pour son titulaire le patriarche Johachim de Tarnovo. CÕest cette premire autocŽphalie qui deviendra lÕarchŽtype de toutes les futures autocŽphalies qui suivront en Europe de lÕEst jusquՈ notre Žpoque. Examinons les mŽcanismes qui ont ŽtŽ ˆ lÕorigine de toutes ces anciennes autocŽphalies : il fallait toujours un dŽcret de lÕautoritŽ sŽculire pour confirmer la naissance dÕune nouvelle ƒglise autocŽphale. CÕest ici, dans la naissance du nouvel ƒtat qui sÕorganisait avec son ƒglise autocŽphale selon le modle byzantin, quÕallait na”tre la puissante racine de toutes les ƒglises-nations de la fin du XIXe sicle au dŽbut du XXe sicle, avec la naissance ou la restauration de nouveaux patriarcats, aprs lÕeffondrement de lÕEmpire Turc. LՃglise de Serbie, ˆ travers lÕaction diplomatique de saint Sava, obtient de lÕEmpereur de NicŽe ThŽodore Ier Lascaris (1205-1222) et du Patriarche Manuel Ier SarentŽnos (1217-1222) le statut Ē dÕArchevque AutocŽphale Č en 1219 concrŽtisŽ par la chirotonie Žpiscopale de saint Sava. Fait unique dans lÕhistoire de lՃglise, un Ē archevque autocŽphale Č ˆ lui seul, rassemblait dans sa personne toute la catholicitŽ de la nouvelle ƒglise locale : Saint Sava agissait seul tout en portant dans son Žpiscopat le canon 34 apostolique ; il dŽcidait seul de qui recevrait la chirotonie Žpiscopale (puisquÕil nÕexistait pas dÕautres Žvques locaux pouvant se rŽunir selon le canon 34 des Ap™tres pour procŽder ˆ une Žlection), mais il reprŽsentait bien canoniquement et ecclŽsiologiquement lÕensemble de lՎpiscopat universel par ce canon, spŽcifique, dÕ Ē archevque autocŽphale Č. Cet exemple unique dans lÕhistoire, constitue lÕaffirmation quÕen accordant tous ces privilges ˆ son premier Žvque, lÕempereur et le patriarche (ˆ NicŽe) avaient reconnu lÕautocŽphalie de la nouvelle ƒglise locale, non seulement comme rŽalitŽ (une chrysobulle[11] avait ŽtŽ accordŽe) mais comme principe pour chaque nation. Ils devanaient, pour cela, la prŽsence dÕun Žpiscopat qui nÕexistait pas encore en rassemblant sur son premier primat tous les privilges dÕune autocŽphalie plŽnire, qui normalement suppose au moins trois, voire quatre Žvques.

 

IV La fondation de lՃglise de Serbie et la comparaison de sa situation avec celle de lՃglise dÕUkraine.

 

La fondation du premier patriarcat de Serbie elle aussi se conjuguait avec une volontŽ monarchique exprimŽe par son Prince Stefan Uros IV Dusan, roi des Serbes de 1331 ˆ 1346 puis ensuite empereur des Serbes et des Grecs de 1346 ˆ 1355. CÕest avec lÕappui des moines du Mont Athos dont il Žtait le protecteur quÕil put Žlever le sige de la Serbie, jusque-lˆ un archevchŽ, au rang patriarcal, qui sera perdu sous lÕempire Ottoman et re-proclamŽ ensuite au commencement du XXe sicle, comme nous le verrons plus loin (Le Patriarcat dÕOhrid avait ŽtŽ fondŽ par un dŽcret de lÕEmpereur Basile II en 1019). Il Žtait indispensable pour un sacre impŽrial que la cŽrŽmonie soit cŽlŽbrŽe par un patriarche. Mais la seule garantie pour pouvoir assurer la succession dynastique Žtait de disposer dÕun patriarche attachŽ ˆ lՃglise nationale du nouvel empire. Stefan Du_an se proclame ˆ No‘l 1345, basileus. Devant lÕimpossibilitŽ de faire dŽplacer le patriarche de Constantinople ou le pape (requis en premier pour cette cŽrŽmonie alors que le schisme est consommŽ entre Rome et Constantinople depuis 1054 !), le sacre est organisŽ ˆ Skopje pour le dimanche de la RŽsurrection du Christ, sous la prŽsidence pontificale du patriarche de Bulgarie SimŽon et de l'archevque d'Ohrid, Nicolas Ier en plus dÕune trs large reprŽsentation des higoumnes[12] des principaux monastres du Mont Athos, parrains spirituels du nouvel empereur qui les protŽgeait. L'archevque de Serbie Joannikos II est alors ŽlevŽ au rang de patriarche et intronise Stefan Uros Dusan comme empereur des Serbes et des Grecs. Lorsque Jean Cantacuzne devient lui-mme basileus en 1347 il ne peut Žvidemment pas accepter que le souverain serbe porte le titre de basileus et que la nouvelle ƒglise serbe soit arrachŽe ˆ lÕinfluence de lՃglise patriarcale de Constantinople en lui disputant lÕautoritŽ ˆ la fois canonique et celle de la souverainetŽ sur la presquՔle du Mont Athos quÕavait de facto et depuis peu de jure lÕempereur des Serbes. En 1350 la symphonie qui unit le basileus et le patriarche de Constantinople fonctionne et ce sera lÕexcommunication et lÕanathme jetŽs tant sur le nouveau patriarche serbe que sur le souverain de cette nation par le patriarche Calliste Ier (1350-1353 et 1355-1363), un disciple de saint GrŽgoire Palamas. Dans le dŽcret dÕune sŽvŽritŽ particulire, ce nÕest pas seulement les deux principaux protagonistes qui sont ainsi exclus de lՃglise Orthodoxe mais toutes les terres serbes. Nouvelle puissance dans la rŽgion face aux Turcs, lÕempire serbe avait acquis de ce fait une position dominante face ˆ lÕaffaiblissement de lÕempire byzantin. Mais sÕemparer, en lÕintroduisant dans le nouveau patriarcat de Serbie, du Mont Athos dont le patriarche de Constantinople est directement lՎvque canonique, contrevenait ˆ une multitude de canons : II Concile ĪcumŽnique (381) canon 2 ; III Concile ĪcumŽnique dՃphse (431) Canon 8 ; Quinisexte Concile ĪcumŽnique in Trullo Constantinople (691), Canon 17 ; Canons Apostoliques 14, 34, 35, 39 ; Antioche (341) Canon 3, 13, 16, 22 ; Sardique (343) Canons 3, 11, 12.  Ainsi le rattachement dÕune presquՔle (le Mont Athos) au nouvel empire serbe, avec pourtant le consentement de ses habitants -les moines du Mont Athos- et la fondation mme de ce nouvel ƒtat Žtant peru comme un empire concurrent, dŽclenche les foudres du patriarcat de Constantinople. Nous notons que lÕactuel patriarche de Serbie IrŽnŽe qui nous reproche dՐtre des schismatiques, est avec son ƒglise le descendant dÕune ƒglise schismatique dÕexcommuniŽs, et de ce fait tous, selon lui, privŽs de la gr‰ce. Ou le patriarche IrŽnŽe de Serbie est ignorant de sa propre histoire, ce qui pour un patriarche est inexcusable, ou il est un adepte de la diplomatie ecclŽsiastique en sÕappuyant sur le puissant patriarcat de Moscou pour ne pas perdre la MacŽdoine.

 

Nous le constatons, cÕest toujours le facteur gŽopolitique qui est le puissant motif principal dans les dŽcisions arbitraires de ces anathmes car ces exemples se rŽptent dans toute lÕhistoire des ƒglises orthodoxes locales ; alors que seules des questions concernant la puretŽ de la foi Orthodoxe devraient motiver ces schismes. Il nÕest question derrire ces anathmes, que de pouvoir et de revendications territoriales dans lesquelles lՃglise impŽrialiste se fait lÕexŽcutante de la volontŽ du Prince. Cet anathme frappant le patriarcat de Serbie et la nation serbe ne sera annulŽ que 25 ans plus tard, en 1375, sous le rgne du prince Lazare de Serbie et du patriarche de Constantinople PhilotŽos (1353-1354 et 1364-1376).

 

V La fondation de lՃglise Russe  et la comparaison de sa situation avec celle de lՃglise dÕUkraine.

 

LÕautocŽphalie de Moscou, avec son Žrection comme sige patriarcal, fut obtenue par la force. Une premire rupture fut lÕauto-proclamation unilatŽrale de lÕautocŽphalie russe avec la dŽsignation en 1448 de son nouveau mŽtropolite Jonas, sans le consentement de Constantinople. Cette situation non canonique se poursuivra jusquÕen 1558. Le Tsar Fedor Ivanovitch et lÕhomme fort de la principautŽ le rŽgent Boris Godounov, convoquent ˆ Moscou en 1588 le patriarche JŽrŽmie II de Constantinople, affaibli politiquement par la domination ottomane. On commena par restreindre sa libertŽ en lÕempchant de retourner ˆ Constantinople. Une Ē tradition Č existait alors ˆ Moscou, (que de nombreux chroniqueurs ont consignŽ dans leurs rŽcits), dÕemprisonner les visiteurs Žtrangers, bien accueillis, mais qui nÕavaient plus jamais le droit sous peine de mort, de mme simplement rŽclamer leur retour dans leur patrie, ni de communiquer avec les non russes de la capitale. On proposa au patriarche de transfŽrer son sige ˆ Wladimir, en argumentant quÕen restant ˆ Constantinople il Žtait sous le joug des Turcs. Devant son refus courageux, Žtant donnŽ les circonstances, on lui proposa plus directement de devenir le patriarche des RussÕ avec comme sige Moscou. Et enfin, (nous passons toutes circonvolutions des dŽtails de cette histoire), on fit accepter au patriarche qui se voyait terminer ses jours sans doute de manire violente ˆ Moscou sÕil refusait dՎriger le sige de Moscou en sige patriarcal concomitant avec la dŽclaration dÕautocŽphalie, de procŽder ˆ lÕintronisation aprs un simulacre dՎlection du candidat dŽsignŽ par le tsar et Boris. Le patriarche de Constantinople nÕavait jamais pu rencontrer le candidat avant ce jour ! On procŽda donc le 26 janvier du calendrier julien 1589, non pas ˆ une intronisation, mais ˆ une sorte de re-consŽcration Žpiscopale qui sՎcartait du typikon orthodoxe traditionnel, en disant en lui imposant lՃvangile avec la prire de la chirotonie Žpiscopale : Ē  La gr‰ce divine dŽsigne le trs pieux archevque Job pour devenir patriarche de Moscou et de toute la RussÕ Č. Mais JŽrŽmie ne pouvait rien dire, car il Žtait entre les mains du puissant rŽgent et consacrait patriarche le favori de celui-ci, Job. Cela dÕailleurs ne le choquait pas particulirement, cet usage du Prince dŽsignant ˆ lՎlection du sige primatial son candidat Žtait gŽnŽral dans toutes les monarchies et avait ŽtŽ celui de lÕEmpire Byzantin du temps de sa splendeur. Et cÕest ici que se place la confirmation pour la nouvelle ƒglise de faire elle-mme son Saint Myron. Le patriarche retint lÕargumentation suivante : puisque que ce droit avait ŽtŽ accordŽ au Sige de Kiev depuis au moins le XIVe sicle, (une date prŽcise nÕest pas connue), il Žtait transmis depuis ce sige, Kiev qui cependant le conservait pour lui-mme,  au nouveau Sige de Moscou ! Ainsi en droit canonique comme en charisme, le droit de faire son Saint Myron ne provenait pas dÕun droit accordŽ ce jour-lˆ par le patriarche de Constantinople au Patriarcat de Moscou, mais de la reconnaissance que ce droit ancien provenait du sige de Kiev. Mme dans le Saint Myron  la position de la MŽtropole de  Kiev comme ƒglise Mre de Moscou et de toute les ƒglise RussÕ Žtait confirmŽe. La production du saint Myron par le sige de Kiev est attachŽe ˆ sa soumission canonique au patriarcat de Constantinople. Elle constitue la preuve charismatique que le sige de Kiev en conservant sa capacitŽ de produire lui-mme son saint Myron ne pouvait dŽpendre de Moscou car ce privilge lui vient directement du patriarcat de Constantinople.

 

VI Schismes, schismes et encore schismes au XIXme sicle et au dŽbut du XXme sicle.

 

Ce principe perdurera et se manifestera dÕune manire violente avec des schismes ˆ rŽpŽtition ˆ la fin du XIXe sicle et au dŽbut du XXe sicle lorsque les anciennes nations orthodoxes europŽennes (Bulgarie, Serbie, Grce, Roumanie), libŽrŽes du joug ottoman, se refondront en Žtats souverains. Celles-ci exigrent que leurs ƒglises orthodoxes nationales -dont lÕautocŽphalie avait ŽtŽ pour certaines, bulgare et serbe, supprimŽe par le patriarcat de Constantinople (lui-mme soumis ˆ lÕautoritŽ de lÕEmpire Ottoman), du fait de la disparition pour chacune dÕentre elles dÕun Žtat souverain et de ses frontires, principe ecclŽsiologique qui se conjugue dans les deux sens, proclament, sans le consentement patriarcal, leurs autocŽphalies originelles. Pour le cas de la Roumanie et de la Grce, les nouveaux ƒtats ne voulaient pas que leurs ƒglises nationales soient soumises ˆ un patriarcat infŽodŽ ˆ la puissance sŽculire dÕun pouvoir ha•, celui du vieil Empire Ottoman !

 

Avant le dŽbut du XXe sicle, il nÕexistait pas de patriarcat de Roumanie, et cÕest la chambre des dŽputŽs et le sŽnat de cette nation qui proposrent lՎrection de Bucarest comme sige patriarcal. Le nouveau patriarcat de Roumanie a lui aussi connu un long schisme de la part de Constantinople pour avoir proclamŽ, ˆ la fois son autocŽphalie qui le sŽparait de la juridiction de Constantinople, et pour avoir ŽrigŽ sa capitale en sige patriarcal. Rappelons brivement son histoire. La nation roumaine, comme on le sait, aprs une longue occupation turque sur une partie de son territoire, et austro-hongroise sur une autre, obtint son Žmancipation au Congrs de Paris en 1856, gr‰ce ˆ la nouvelle politique europŽenne de la France voulue par lÕEmpereur NapolŽon III. Celui-ci proposa que les deux principautŽs roumaines Žlisent chacune un hospodar. Toujours ˆ lÕinitiative de NapolŽon III, elles choisirent le mme gouverneur : le Prince Alexandre Cuza. [13] Le nouvel ƒtat, par la voix de son nouveau chef, le Prince Alexandre Cuza, qui rŽunissait deux des quatre provinces roumaines, la Valachie et la Moldavie, proclama la constitution dÕune ƒglise Nationale roumaine. La trs ancienne nation roumaine, dans son accession nouvelle ˆ un Žtat souverain exigea de son ƒglise locale la rupture totale avec lÕautoritŽ du Patriarcat de Constantinople, hŽritŽe du pouvoir turc. Le Patriarcat ĪcumŽnique, comme on pouvait sÕy attendre, rompit sa communion avec la nouvelle ƒglise autocŽphale roumaine, bien que des relations Žpistolaires continuassent dÕexister avec lÕune ou lÕautre des mŽtropoles roumaines. Les Roumains obtinrent canoniquement le 24 dŽcembre 1864 -5 janvier 1865, et sans les conflits habituels, leur sŽparation du patriarcat serbe de Carlovitz (aujourdÕhui disparu) alors situŽ dans lÕEmpire Austro-Hongrois et dont le Synode Žrigeait une mŽtropole autocŽphale de Transylvanie. CÕest cette date quÕil faudrait retenir comme celle de la premire autocŽphalie moderne de lՃglise orthodoxe roumaine. Son sige Žtait alors ˆ Hermannstaad[14]. Il est ˆ noter que cette autocŽphalie accordŽe par le patriarcat de Carlovitz est lÕune des trs rares dans lÕhistoire moderne ˆ avoir ŽtŽ rŽalisŽe sans schisme. Le patriarcat de Carlovitz, en Žmigrant dans lÕEmpire Austro-Hongrois, se plaait hors de lÕinfluence de lÕEmpire Ottoman. CÕest pourquoi cette autocŽphalie demeure un fait unique dans lÕhistoire de lՃglise de cette Žpoque. Les Roumains de Bukovine obtinrent neuf ans aprs, du mme patriarcat de Carlovitz, une autocŽphalie semblable. Ainsi, ces premires autocŽphalies roumaines ne devaient-elles rien ˆ Constantinople. Elles ne furent pas reconnues par Constantinople. Il faudra attendre le tomos patriarcal de 1885 pour que la communion entre ces ƒglises soit rŽtablie : le schisme aura une durŽe de 21 ans. LՃglise de Roumanie, comme aujourdÕhui lՃglise dÕUkraine, avait ŽtŽ considŽrŽe comme schismatique durant toute cette pŽriode ! LÕautocŽphalie roumaine de 1885 constitue en rŽalitŽ lÕunion de toutes ces mŽtropoles, autocŽphales depuis dŽjˆ vingt ans. Il faudra encore attendre la ConfŽrence de la Paix ˆ Paris, en janvier 1919, pour que la Transylvanie soit rattachŽe au nouvel ƒtat roumain, ce qui favorisera lÕunion de ces diffŽrentes mŽtropoles autocŽphales. Aussi lÕautocŽphalie reconnue par le Patriarche Johachim IV en avril 1885 ne faisait quÕentŽriner des faits anciens et inŽluctables. LÕautocŽphalie de lՃglise roumaine, exemple unique, Žtait en rŽalitŽ constituŽe dՃglises orthodoxes locales unies par la mme appartenance nationale et linguistique, mais qui avaient vŽcu jusque-lˆ sŽparŽment, et qui renonaient ˆ leur autocŽphalie ou autonomie sŽparŽes, pour se regrouper en une seule ƒglise autocŽphale. Il est ˆ noter que cÕest aprs lÕauto-proclamation faite par le Saint Synode de lՃglise autocŽphale de Roumanie, de lՎlŽvation ˆ la dignitŽ patriarcale du sige de Bucarest le 4 fŽvrier 1925, que le SŽnat (12 fŽvrier 1925) et la Chambre des DŽputŽs (17 fŽvrier 1925) du nouvel ƒtat roumain, proclamrent officiellement le Patriarcat, plaant ainsi Constantinople devant un fait accompli. Sans la contribution de mon grand-pre Jules Laroche ˆ la ConfŽrence de la Paix ˆ Paris, dont il fut lÕun des principaux conseillers et qui aboutit au TraitŽ de Versailles, les frontires actuelles de la Roumanie, comme celles de son patriarcat, nÕexisteraient pas. Mon grand-pre Jules Laroche, revtu de la dignitŽ dÕAmbassadeur de France[15], ˆ lՎpoque sous-directeur du Quai dÕOrsay, eut ˆ jouer un r™le dŽterminant pour que la Transylvanie fžt attribuŽe aux Roumains et non aux Hongrois.[16] . Rappelons maintenant que toutes les rŽcentes autocŽphalies modernes du dŽbut du XXe sicle -Bulgarie, Serbie, Roumanie, ƒglise de lÕHellade- ont subi de longs schismes.

 

ƒvoquons la durŽe de ces schismes qui parsemrent de nombreux sicles et qui ont tous eu le mme motif : lÕapplication de lÕecclŽsiologie dÕune ƒglise locale orthodoxe par nation, comme pour lÕUkraine aujourdÕhui et comme pour la MacŽdoine qui est dans la mme situation vis-ˆ-vis du Patriarcat de Serbie. La proclamation de lÕautocŽphalie de lՃglise bulgare en 1185 sera suivie dÕun schisme avec Constantinople qui durera jusquÕen 1234, date ˆ laquelle lՃglise bulgare obtiendra une premire fois la reconnaissance de son autocŽphalie par Constantinople. DurŽe du premier schisme bulgare : 50 ans. La proclamation de lÕautocŽphalie plŽnire de lՃglise de Serbie en 1446 par le Tsar Stefan Uros IV Dusan et qui ne sera reconnue quÕen 1475. DurŽe de ce premier schisme serbe : 29 ans. Le Patriarcat de Constantinople, nous lÕavons vu, excommunia lՃglise serbe durant toute cette pŽriode. Pourtant les ordinations faites et les sacrements distribuŽs dans ces deux ƒglises au cours de ces pŽriodes de schisme, sont aujourdÕhui considŽrŽs comme pleinement donnŽs dans lՃglise orthodoxe. La seconde restauration du patriarcat de Pec 1528-1534 avec excommunication et dŽposition durera six ans. La troisime restauration se fera sans excommunication de 1557 jusquՈ la nouvelle suppression en 1766. Le patriarcat de Carlovitz dont nous avons parlŽ plus haut se substitua un moment au patriarcat de Pec disparu. Mais il faut le souligner, ce transfert sur un autre territoire national de la presque totalitŽ du peuple serbe avec son ƒglise locale se faisait avec le consentement de lÕempereur dÕAutriche qui produit un dŽcret en ce sens. Rappelons les faits : En1690 le patriarche de Serbie Arsne Tcherno•evith organise la migration massive vers lÕempire Austro-Hongrois de la majoritŽ du peuple serbe alors sous domination ottomane. LÕempereur LŽopold, sollicitŽ par le patriarche des Serbes qui, connaissant la tradition ecclŽsiologique orthodoxe, sait parfaitement quÕil est nŽcessaire que lÕautocŽphalie ancienne de son ƒglise soit confirmŽe du point de vue civil par les nouvelles autoritŽs du nouvel ƒtat dans lequel sÕinstallait son ƒglise locale et en lÕabsence dÕune autre communautŽ orthodoxe dans lÕempire. LÕempereur LŽopold reconna”tra lÕautocŽphalie serbe ayant comme sige Carlovitz dans un dipl™me impŽrial signŽ du souverain en date du 20 aožt 1691. Ce nouveau patriarcat sÕaccro”tra ˆ lÕoccasion des deux autres migrations massives de la population serbe demeurŽe dans les frontires de lÕempire Ottoman, en 1738 et en1788. Ce dŽplacement de lՃglise autocŽphale serbe se fondait sur le canon ĻcumŽnique 39 du Concile Quinesexte, In Trullo Constantinople (691) qui consacrait une dŽcision impŽriale de lÕempereur Justinien Ier du prŽcŽdent transfert de lՃglise de Chypre sur le continent en Asie Mineure. Un sige lui avait ŽtŽ donnŽ, celui de Ē Justiniapolis Č titre conservŽ jusquՈ nos jours par le primat de lՃglise autocŽphale de Chypre. Le Concile Quinesexte, In Trullo, comme lÕempereur, plaait le territoire dŽterminŽ par des frontires connues et prŽcises avec toutes ces Žparchies locales prŽcŽdemment existantes sous lÕautoritŽ du primat de lՃglise de Chypre. Le patriarcat de Carlovitz disparut en 1920 et fut remplacŽ par une simple mŽtropole. La mme annŽe les Žparchies serbes toutes autonomes qui avaient ŽtŽ dispersŽes dans les diffŽrentes nations qui sՎtaient partagŽ le territoire national de la Serbie, sÕunirent en une seule ƒglise locale. CÕest ˆ cette occasion que se situe lÕorigine du schisme actuel de lՃglise macŽdonienne lorsque le patriarcat de Constantinople vendit le 16 mai 1920, pour 1.500.000 francs, lՎparchie de MacŽdoine ˆ la Serbie. Il le faisait, parce quՈ lՎpoque le nouveau royaume Serbe avait dans ses frontires la MacŽdoine du nord. Pour quÕune ƒglise nationale existe ˆ titre autocŽphale, il lui faut les frontires dÕun ƒtat souverain qui la reconnaisse. Cette rgle est inviolable. A lÕoccasion de la restauration du royaume de Serbie avec la volontŽ du nouveau monarque Alexandre, rŽgent de Serbie, le patriarcat de Pec fut rŽtabli et son nouveau patriarche dŽsignŽ le 12 novembre 1920.[17] La proclamation de lÕautocŽphalie de lՃglise de lÕHellade en 1833 par le Roi Othon ne sera reconnue par le patriarcat de Constantinople quÕen 1850. DurŽe du schisme : 17 ans. La nouvelle proclamation de lÕautocŽphalie de lՃglise de Bulgarie, en 1872, ne sera reconnue quÕen 1938. DurŽe de ce dernier schisme bulgare : 66 ans, soit un total de 116 ans pour lÕensemble des annŽes o lՃglise bulgare resta en schisme avec Constantinople.

 

Les opposants ˆ lÕautocŽphalie de lՃglise dÕUkraine qui veulent maintenir notre ƒglise et son peuple dans une sŽparation de communion avec lÕensemble de lՃglise Orthodoxe oublient de dire que toutes, absolument toutes sans exception, les nouvelles ƒglises orthodoxes sont passŽes par ce chemin escarpŽ et douloureux, et quÕelles ont ŽtŽ schismatiques et excommuniŽes, et que par la suite le plerum de lՃglise Orthodoxe a dŽclarŽ que durant ces longues pŽriodes de schisme ces mmes ƒglises nÕavait jamais perdu la gr‰ce et que tous leur sacrements Žtaient valides .

 

 

VII LÕautonomie de la mŽtropole de Kiev sous lÕomophore du patriarcat de Constantinople et lÕorigine historique du statut canonique dÕExarchat confŽrŽ par le Patriarche de Constantinople ˆ la MŽtropole de Kiev.

 

Relisons une fois encore le Tomos de 1924, tout le Tomos, rien que le Tomos car cÕest en lՎtudiant que nous trouverons toutes les justifications ˆ la fois historiques, canoniques et ecclŽsiologiques qui, une fois rassemblŽes, prouveront que la MŽtropole de Kiev a toujours dŽpendu, du point de vue de son autonomie, de la Grande Eglise.

Un point capital figure dans le Tomos de 1924, sans quÕaucune date prŽcise, ni mme aucun nom du  premier Exarque, ne soit mentionnŽ.

Nous lisons en effet : Ē la premire sŽparation de notre Sige de la MŽtropole de Kiev et de la MŽtropole Orthodoxe de Lituanie et de Pologne, en a dŽpendu, ainsi que son intŽgration au sein de l'ƒglise Moscovite qui a  ŽtŽ accomplie  contrairement au droit canon comme aussi tout ce qui a ŽtŽ convenu en ce qui concerne la pleine autonomie de l'ƒglise de la MŽtropole de Kiev, qui, ˆ l'Žpoque, avait le titre dÕExarque du Sige ĻcumŽnique. Č  

Nous devons nous intŽresser ˆ ce statut dÕexarchat afin de savoir dans quelles circonstances il fut accordŽ, car il nÕest pas mentionnŽ par hasard dans le tomos, ainsi que lÕidentitŽ de son premier titulaire, qui sont donc revtus dÕune trs grande importance. A quel moment donc dans son histoire, la MŽtropole de Kiev est devenue un Exarchat autonome du Patriarcat de Constantinople ?[18]

LÕautonomie jusque-lˆ observŽe ˆ Kiev nՎtait donc pas une pleine autonomie, car elle prŽsupposait que la dŽsignation du mŽtropolite de Kiev pouvait se rŽaliser par une dŽsignation directe du patriarche de Constantinople. Souvenons-nous du passŽ aux nombreux exemples de dŽsignation pure et simple du mŽtropolite par le patriarche ; la pleine autonomie de la MŽtropole de Kiev lui donnait le privilge de choisir son primat avec sa confirmation par le patriarche, et la libertŽ de produire elle-mme son saint Myron a ŽtŽ accordŽe ˆ une date prŽcise dans lÕhistoire et certainement, en faveur dÕun mŽtropolite ˆ la personnalitŽ emblŽmatique, qui avait su attirer la confiance, pour lui et ses successeurs, du Patriarcat de Constantinople.

Encore une fois la rŽponse que nous donne lÕhistoire dŽpasse nos espŽrances.

Il faut revenir au contexte que nous avons examinŽ dans cet article dÕune MŽtropole de Kiev situŽe entre deux ƒtats en guerre, soit la Pologne et la Russie, et chacune de ces nations sÕefforant dÕannihiler la conscience patriotique ukrainienne et son plus puissant vecteur, son ƒglise locale, la MŽtropole de Kiev. Lorsque dans la grande pŽriode dÕinstabilitŽ que traversait lÕUkraine et les persŽcutions anti-orthodoxes de la part du royaume de Pologne pour favoriser lÕunion de Brest, le patriarche ThŽophane de JŽrusalem procŽda ˆ des chirotonies Žpiscopales en secret, rŽalisŽes la nuit dans des Žglises sans lumire allumŽe.[19] Ainsi un mŽtropolite de Kiev avait ŽtŽ consacrŽ en 1620 ˆ Peremyls, puis transfŽrŽ ˆ Kiev en 1631. Le MŽtropolite de Kiev non ratifiŽ par Constantinople, mais cependant acceptŽ par le nouveau roi de Pologne Wladyslav se nommait Ias•e Kopinsky. Il avait succŽdŽ en 1631 au MŽtropolite Job Borestsky consacrŽ dans les mmes conditions. Comment de telles consŽcrations Žpiscopales avaient-elles pu se produire ? Le patriarche ThŽophane IV de JŽrusalem, en visite en Russie, Žtait passŽ par la Pologne o il sՎtait rendu compte de la situation dŽsastreuse dans laquelle se trouvait la mŽtropole ukrainienne (ˆ la suite de lÕunion dÕune grande partie de sa hiŽrarchie avec lՃglise catholique), privŽe ainsi dՎvque, et des besoins urgent du clergŽ et du peuple dÕavoir des hiŽrarques instruits capables de donner un enseignement orthodoxe appuyŽ sur de vŽritables connaissances de la Tradition des saints Pres, non seulement de cŽlŽbrer, dÕordonner de nouveaux prtres et diacres mais Žgalement de les reprŽsenter auprs des autoritŽs civiles. ThŽophane arrivŽ en Russie trouva un appui moral sur lÕidŽe mme de consacrer en secret des Žvques pour la mŽtropole de Kiev auprs du Patriarche de Moscou Filaret (1619-1633)[20] et du tsar Michel Romanov  (1613-1619), puis de 1619 ˆ 1633 la diarchie avec son pre FŽdor Romanov devenu le patriarche Filaret, puis aprs la mort de Filaret, Michel rgnera seul jusquՈ son trŽpas en 1645.[21] A cette Žpoque les guerres incessantes avec la Pologne rendaient acceptable pour les autoritŽs russes lÕidŽe mme dÕune stabilitŽ religieuse en Ukraine indŽpendante du patriarcat de Moscou, avec lÕappui des Cosaques farouchement contre lÕunion de Brest. La protection des Cosaques fut dÕailleurs requise pour protŽger le retour du patriarche de JŽrusalem en Ukraine et lÕhetman des Cosaques Pierre Konashevitch-Sagadaichny ancien Žlve de lÕAcadŽmie dÕOstrog et co-fondateur de lՎcole de la fraternitŽ de Kiev qui propageait auprs des populations ukrainiennes la culture classique et surtout toute la thŽologie de lÕEglise orthodoxe.[22] Il est trs important dÕavoir ˆ lÕesprit lorsque lÕon Žtudie cette pŽriode que devant les persŽcutions de lՎtat polonais contre les orthodoxes, et lÕadhŽsion dÕune partie des familles de la noblesse ukrainienne ˆ lÕunion, qui faisait faire ˆ leurs enfants des Žtudes selon le modle occidental, dans les collges jŽsuites, source incessante de conversions de lÕorthodoxie au catholicisme, virent alors le jour de Ē fraternitŽs Č dont le premier but Žtait la transmission de la foi orthodoxe par lՎducation. Ces Ē fraternitŽs Č nŽes dans les villes Žtaient le plus souvent - mais pas exclusivement Š crŽŽes et organisŽes par les Cosaques, comme par exemple Ē La FraternitŽ du rŽgiment Zaporogue Č LՎclat culturel et spirituel de ces fraternitŽs dŽpassa largement les frontires de lÕUkraine et les fraternitŽs de Lvov et de Vilna virent leurs statuts approuvŽs par un dŽcret du Patriarche de Constantinople JŽrŽmie en 1586, ce qui entra”na un rŽsultat inespŽrŽ : celui de recevoir des chartres royales reconnaissant la lŽgalitŽ de ces fraternitŽs en Pologne.[23]LÕaction des fraternitŽs fut considŽrable dans le domaine de lՎducation : Elles crŽrent des Žcoles, formrent et recrutrent des professeurs et, dans les rŽgions de lÕUkraine du Sud o vivait une importante diaspora grecque, les Žcoles de ces fraternitŽs furent organisŽes selon le schŽma grec, avec des professeurs grecs qui leur enseignaient le grec patristique[24]. Mais reconnaissons que ce travail, pour admirable quÕil soit, aurait dž tre celui de la hiŽrarchie ecclŽsiastique orthodoxe, absente depuis lÕunion de Brest.

ThŽophane qui Žtait dans la position prŽvue par le droit canon lorsque les deux ou trois Žvques (Ier Canon Apostolique) nŽcessaires ˆ une chirotonie ne peuvent se dŽplacer, mais quÕun seul hiŽrarque a le consentement dÕun synode. Dans ce cas ThŽophane pouvait procŽder seul ˆ la premire consŽcration ; ensuite, avec les Žvques quÕil avait consacrŽs, il cŽlŽbra cinq autres chirotonies Žpiscopales. CÕest lui qui dŽsigna le nouveau mŽtropolite de Kiev Job Boresky, ancien directeur de lՎcole thŽologique de Lvov puis de Kiev. LՃglise uniate contesta la validitŽ de ces consŽcrations. Il ne fait aucune doute que le patriarche qui siŽgeait, comme il a ŽtŽ expliquŽ plus haut, dans le synode permanent du patriarcat de Constantinople, nÕagissait lˆ pas en tant que patriarche de JŽrusalem mais comme le reprŽsentant du patriarche ĻcumŽnique qui avait la juridiction canonique sur la mŽtropole de Kiev, et quÕil avait pris soin dÕavoir lÕaccord du puissant patriarcat de Moscou et du  souverain russe.

 

VIII :  Le premier exarque de la MŽtropole de Kiev : Saint Petro Moghyla !

 

Un nouveau personnage central appara”t, lÕun des plus grand hiŽrarques ˆ lÕesprit universel, saint Petro Moghila (1633-1647), que Sa SaintetŽ notre patriarche Filaret fut dans son esprit prophŽtique le premier ˆ canoniser avec le saint Synode en 1998, avant que ne le fasse, ˆ sa suite, lՃglise ukrainienne du Patriarcat de Moscou.

Petro Moghila, on le sait, Žtait le neveu de lÕhospodar de Moldavie. Son Oncle Georges Žtait le puissant mŽtropolite de Suceava en Moldavie et la famille rŽsidait ˆ Iassy. Il est nŽ en 1536, annŽe qui voit se couper en deux lÕEglise dÕUkraine avec le traitŽ dÕUnion de Brest. Ce sera lÕune des prioritŽs de Petro Moghila, devenu mŽtropolite de Kiev, de recouvrer lÕunitŽ des deux parties de son ƒglise. Ce sont les circonstances de cette Žlection, suivie de sa consŽcration Žpiscopale, qui sont au cĻur de notre sujet : Souvenons-nous quÕil existait au moment du Concile qui va dŽsigner comme MŽtropolite de Kiev Petro Moghyla un mŽtropolite de Kiev consacrŽ en secret par le patriarche ThŽophane de JŽrusalem. Mais lՃtat polonais nÕavait, on sÕen doute, jamais reconnu cette consŽcration ni celle des autres Žvques, qui si, sacramentellement, Žtait valide, demeurait illicite au sein dÕun Royaume polonais. Le Nouveau patriarche de Constantinople Cyrille Lukarisis ne lÕignorait pas et ce fait contrevenait ˆ de multiples canons ˆ fond ecclŽsiologique et empchait toute action directe du patriarcat ĻcumŽnique sur sa mŽtropole locale kievienne. Il Žtait urgent pour le nouveau Roi de Pologne de tenter dÕapaiser la colre des Cosaques et de sortir de cette impasse.

Le chemin personnel du jeune Petro Moghyla le prŽparait mieux que quiconque ˆ devenir le hiŽrarque de la rŽconciliation entre la mŽtropole orthodoxe de Kiev  et le pouvoir royal polonais. Ses Žtudes et ses professeurs, nous devrions dire ses ma”tres, parlaient pour lui. Son Žducation polonaise comme fils de la noblesse roumaine le rendait Žtranger ˆ la mŽfiance qui entourait les Žlves ruthnes non unionistes. Il Žtait du point de vue des autoritŽs polonaises un Orthodoxe bien intŽgrŽ ˆ la sociŽtŽ dirigeante polonaise. Il fait ses premiers pas dans les Žtudes ˆ lÕuniversitŽ de Zamosc qui avait ŽtŽ fondŽe par Jan Zamosyski, Grand Chancelier de Pologne. Il va ainsi faire en France un sŽjour ˆ Paris ˆ lÕuniversitŽ. A la mort de son Pre lÕOspodar JŽrŽmie Moghyla, il devient le pupille du chancelier Stanislaw Zolkiewski .  Sa rencontre avec les dirigeants Orthodoxes se fera avec son second parrain lÕhetman Chokkiewcz. Intellectuel brillant, sa rŽputation parvient ˆ la cour royale polonaise. Il possde des atouts majeurs pour celle-ci : il est ˆ la fois Orthodoxe, patriote polonais convaincu, ouvert aux valeurs intellectuelles de lÕOccident qui caractŽrisent toute la sociŽtŽ polonaise et, surtout pour cette sociŽtŽ hostile ˆ la prŽsence dÕune importante population ukrainienne dans le pays, Petro Moghyla nÕest pas Ukrainien.

Petro Moghyla entre au monastre des Grottes de Kiev en 1625 et rapidement il se fait conna”tre par sa culture encyclopŽdique. Le roi Sigismond III Vasa (1587-1632) de Pologne, sur recommandation du Chancelier Thomas Zamosysky, le nommera archimandrite de la Laure des Grottes de Kiev. Rappelons ici le statut canonique particulier de la Grande Lavra qui est stavropigiaque du patriarcat de Constantinople. Une parenthse sÕimpose ici : ˆ notre connaissance aprs le rapt anti-canonique par le patriarcat de Moscou de la mŽtropole de Kiev on nÕ jamais abordŽ le statut canonique particulier de la Grande Lavra  qui ne dŽpendait pas du sige de Kiev mais comme stravopigiaque directement du Patriarche de Constantinople. AujourdÕhui, ˆ moins que des documents que je ne conna”trais pas existent, ce dont je doute, la Grande Lavra des Grottes de Kiev devrait revenir ˆ son statut canonique initial qui nÕa jamais ŽtŽ annulŽ par un tomos dans ce sens de la part du patriarcat ĻcumŽnique. Ds quÕil est ˆ la tte de la Grande Lavra, il se considre comme indŽpendant du mŽtropolite de Kiev quÕil ne reconna”t pas et impose des rŽformes qui rencontrent la dŽsapprobation dÕune partie des moines. Il y fonde notamment une Žcole latino-polonaise en opposition et en compŽtition avec la fameuse Žcole slavo-hellŽnique de Kiev. Une rŽvolte enflamma le monastre des Grottes de Kiev et Petro Moghyla dut faire face ˆ la violence physique de nombreux moines et de cosaques. LÕarchimandrite Petro Moghyla avait le don de la parole et fit face calmement ˆ la foule en dŽployant ses arguments qui furent convaincants. Il fusionna les deux Žcoles et renfora le niveau intellectuel des professeurs. Il faisait entrer non seulement le centre historique de lՃglise kievienne que constituaient les Grottes de Kiev, mais la MŽtropole entire dans une nouvelle re. Cela se sut et cela plut aux autoritŽs polonaises qui voulaient apaiser les tensions entre Ukrainiens orthodoxes et Ukrainiens uniates et, dÕune manire gŽnŽrale, entre Ukrainiens et Polonais.

 

CÕest dans ce contexte quÕau moment du changement de monarque, aprs la mort du roi Sigismond III en avril 1632, et la montŽe sur le tr™ne de Pologne du nouveau roi Wladyslaw IV les Orthodoxes obtinrent de la dite polonaise un certain nombre dÕavantages intitulŽs Ē Points de pacification pour la religion grecque Č parmi lesquels la lŽgalisation de lÕEglise orthodoxe.

LՎlection par les 49 votants, ˆ lÕunanimitŽ, suivie de la dŽsignation par le nouveau roi de Pologne Ladislas IV (1632-1448) du dŽlŽguŽ du clergŽ orthodoxe de Kiev ˆ la dite polonaise, voyait lŽgaliser la prŽsence dÕune ƒglise orthodoxe nationale dans le royaume de Pologne. Le grand historien ukrainien Arkady Joukovsky Žcrit : Ē A la dite Žlectorale de 1632 (ˆ Varsovie), lÕEglise Orthodoxe fut reconnue, les Ē articles de pacification du peuple ruthne de religion grecque Č furent adoptŽs et les orthodoxes purent avoir leur propre hiŽrarchie. PŽtro Mohyla (Moghila) fut Žlu mŽtropolite de Kiev et reconnu par lՃtat Polonais. Č PŽtro Moghila[25] Žtait dŽsignŽ dans le dŽcret comme Žtant Ē un prince de Moldavie Č. Ce fait historique montre lÕouverture royale polonaise ˆ lÕindŽpendance de la mŽtropole orthodoxe de Kiev. Sur dŽcision royale, des Žglises qui avaient ŽtŽ prises aux orthodoxes par les Greco-Catholiques, notamment la cathŽdrale Sainte Sophie, sont rendues ˆ la mŽtropole orthodoxe. LՎlection du nouveau mŽtropolite fut confirmŽe, comme cՎtait lÕusage, par le patriarche Cyrillios Lukaris de Constantinople.

Mais une difficultŽ majeure subsistait pour le nouveau monarque, plus ouvert que son prŽdŽcesseur aux orthodoxes. Ni lui, ni les autoritŽs polonaises ne pouvaient accepter que des sacres Žpiscopaux se soient produits en secret sans lÕautorisation de lՎtat. Les sacres Žtaient reconnus comme valides (les Žvques Žtaient de vŽritables Žvques), mais demeuraient illicites (les Žvques ne pouvaient exercer leur Žpiscopat en Pologne).

La solution qui fut trouvŽe conduisit naturellement ˆ la pensŽe quÕil fallait remplacer tous les hiŽrarques consacrŽs par le patriarche ThŽophane de JŽrusalem par de nouveaux Žvques dont lՎlection serait ensuite ratifiŽe par le souverain polonais, tout cela en conformitŽ avec le droit canonique orthodoxe. Devant lÕurgence de la situation dont avaient conscience les principaux acteurs de la rŽforme, les membres orthodoxes de la dite,  lՎlection du MŽtropolite de Kiev se fit ˆ la dite. Ces dŽputŽs ukrainiens qui venaient enfin dÕarracher la lŽgalisation de lՃglise orthodoxe face ˆ lՃglise unie ˆ Rome pensaient quÕil fallait se saisir de cette occasion unique dans leur histoire avec la Pologne, pour arracher aux autoritŽs polonaises, devenues bienveillantes, la nomination dÕun nouveau mŽtropolite qui ferait lÕunanimitŽ entre les Polonais et les Ukrainiens, homme de compromis qui ne pouvait pas tre lÕactuel mŽtropolite Ias•e Kopinsky consacrŽ dans la clandestinitŽ.

LՎlection de Petro Moghyla fut immŽdiatement ratifiŽe par le nouveau souverain ; le mŽtropolite de Kiev Ias•e Kopinsky, qui sՎtait dŽjˆ opposŽ ˆ Petro Moghyla devenu archimandrite des Grottes lorsquÕil crŽa son collgium latin, fut contraint de dŽmissionner. Une certaine agitation se produisit et cÕest pour cette raison que la consŽcration Žpiscopale de Petro Moghyma nÕeut pas lieu dans la cathŽdrale Sainte Sophie ˆ Kiev, mais elle fut cŽlŽbrŽe ˆ Lvov par lՎvque JŽrŽmie Tisarovsky de Lvov. Deux des trois autres Žvques consŽcrateurs avaient ŽtŽ consacrŽs par le patriarche ThŽophane de JŽrusalem, et le troisime Žtait grec.[26]

Mais ce qui nous intŽresse dans cette histoire cÕest sa conclusion ecclŽsiologique. Trs informŽ de la situation le Patriarche de Constantinople Cyrillios Lukarisis (novembre 1620 - avril 1623 puis 1633, puis septembre 1633- octobre 1634, puis octobre 1633- fŽvrier 1634, puis avril 1634- mars 1635  et enfin mars 1637- juin 1638), qui approuvait sans rŽserve la nouvelle organisation de la MŽtropole de Kiev, Petro Moghyla voulut la renforcer pour la mettre pour lÕavenir ˆ lÕabri de toute tentative dÕhŽgŽmonie et renforcer son autonomie. Le nouveau MŽtropolite de Kiev fut ŽlevŽ au rang Ē dÕExarque du sige apostolique  de Constantinople. Č [27] CÕest dans ce contexte prŽcis qui avait comme consŽquence canonique de placer ˆ la retraite tous les Žvques ukrainiens des siges dՎparchies consacrŽs illŽgalement aux yeux de lՃtat polonais, que le patriarche de Constantinople Žlevait au rang dÕexarque le nouveau mŽtropolite et accordait ˆ la mŽtropole de Kiev, avec le consentement de lՃtat souverain polonais, ce statut dÕExarchat dÕune trs grande autonomie. Nous y reviendrons plus loin.

CÕest ˆ ce dŽcret que fait rŽfŽrence le Tomos de 1924 !  Soulignons ici que non seulement ce dŽcret nÕa jamais ŽtŽ annulŽ, ni par la MŽtropole de Kiev qui nÕen avait pas le pouvoir canonique, ni par le patriarcat de Moscou qui ne le mentionnera jamais et qui nÕen nÕavait pas le pouvoir canonique, ni par le patriarcat de Constantinople, mais quÕil a ŽtŽ rŽactualisŽ dans son fond comme dans sa forme et son contenu par le Tomos de 1924.

La haute dignitŽ assortie de nouvelles responsabilitŽs et dÕune plus grande autonomie, Ē dÕExarque du sige apostolique de Constantinople Č pour le titulaire du sige de Kiev, a servi de jurisprudence canonique pour que les auteurs du Tomos de 1924 dŽclarent anti-canonique la captation de la MŽtropole de Kiev par le patriarcat de Moscou. Le rang dÕExarque du titulaire du sige de Kiev ne peut donc tre contestŽ par le Patriarcat de Constantinople qui lÕutilise lui-mme dans son Tomos.

Nous ne pouvons dans ces lignes retracer toute lÕhistoire de lÕUkraine Mais nous devons, comme le patriarcat de Moscou y fait lui-mme rŽfŽrence, rappeler les circonstances qui ont rattachŽ, bien avant la conqute de lÕUkraine par la Grande Catherine, le sige de Kiev au patriarcat de Moscou. Ce sera un peu long.

 

Un traitŽ de Paix fut signŽ en 1654 avec le Tsar par les Cosaques qui reprŽsentaient lÕensemble de la nation ukrainienne, pour faire Žchapper lÕUkraine ˆ la tyrannie polonaise. Il faut se souvenir qu'en 1654, le territoire actuel de l'Ukraine moderne nՎtait pas entrŽ sous la domination de lÕEmpire Russe. La plupart des Žparchies de la MŽtropolie de Kiev sont demeurŽes dans le Royaume de Pologne. A la question de savoir pourquoi le patriarcat de Constantinople nÕavait pas depuis longtemps accordŽ lÕautocŽphalie ˆ lՃglise locale dÕUkraine, plus ancienne que celle de la principautŽ russe de Moscou, nous avons dŽjˆ rŽpondu plus haut. Mais il nÕest pas inutile de redŽfinir ce principe qui inspire toute lÕecclŽsiologie des ƒglises nationales : il faut impŽrativement, cÕest-ˆ-dire obligatoirement  que les dirigeants dÕun ƒtat souverain, en premier le chef de lՃtat, demandent au patriarcat de Constantinople quÕil octroie lÕautocŽphalie pour que ce dernier puisse en examiner lÕopportunitŽ et la rŽalisation. Or durant toute son histoire et jusquÕen 1924, aucun ƒtat souverain qui contr™lait une partie ou la totalitŽ du territoire national ukrainien nÕavait fait une telle demande. RŽsumons brivement que la mŽtropole de Kiev a vŽcu dans une large autonomie, avec comme ‰ge dÕor le pontificat de Petro Moghyla qui fut ŽlevŽ avec son sige au rang dÕexarchat. Durant cette longue pŽriode lՎglise dÕUkraine se renfora spirituellement en maintenant dans son enceinte, avec la crŽation dՎcoles, dÕuniversitŽs et dÕimprimeries,  la diffusion de la langue et de la littŽrature comme de lÕhistoire ukrainienne.

 

Le tout premier geste, ˆ la fois symbolique et politique, qui annonait la sŽparation du sige mŽtropolitain de Kiev avec son ƒglise Mre le patriarcat de Constantinople fut celui de lÕhetman Vygovsky qui faisait Žlire ˆ sa place le fils de Bogdan qui sՎloigna immŽdiatement de la politique prŽconisŽe par le mŽtropolite de Kiev et le prŽcŽdent hetman, en faisant allŽgeance ˆ Moscou en 1659. Le 27 octobre 1659, le fils de Bogdan Khmelnitsky Žtait devenu l'hetman de la rive gauche. Il signait avec Moscou un nouveau traitŽ. Notamment, dans ce nouveau traitŽ, proposŽ par lÕambassadeur du tsar, le prince Troubetskoy, il y Žtait mentionnŽ pour la premire fois le point suivant dans son Article 8: Ē Le MŽtropolite de Kiev et tout le clergŽ de la Ē Petite Russie Č[28] seront sous lÕomophore du patriarche de Moscou. Č[29]

 

Il est donc ˆ noter que ce nouveau traitŽ se distinguait compltement dans son fond comme dans sa forme, de celui de PŽrŽiaslavi signŽ en 1654 qui au contraire garantissait lÕautonomie de la MŽtropole de Kiev. Dans le traitŽ du 27 octobre 1659 Ioury Khmelnitsky vendait ˆ vil prix lÕautonomie de la mŽtropole de Kiev en signant lÕengagement dÕaccepter lÕautoritŽ canonique supŽrieure du patriarcat de Moscou. CՎtait cependant un document  sans aucune valeur canonique, puisquÕen premier lieu le Patriarcat de Constantinople, ƒglise Mre de Kiev nÕavait pas donnŽ sa bŽnŽdiction pour ce transfert de son autoritŽ au Patriarcat de Moscou ; et quÕen second lieu puisquÕaucun concile kiŽvien nÕavait ŽtŽ rassemblŽ, et que de ce simple fait, aucune signature, ni du mŽtropolite ni celle dÕun seul Žvque, nÕavait ŽtŽ apposŽe sur le document. Seul le Patriarcat de Constantinople pouvait dŽtacher de son autoritŽ canonique le sige de Kiev, et il ne lÕavait pas fait.

 

En octobre 1659 le prince Alexandre Nicolas Troubetskoy fut nommŽ conjointement par le tsar et le patriarche de Moscou, comme une sorte de Locum Tenens la•c du tr™ne de la MŽtropole de Kiev auprs de l'Žvque Lazare Baranovitch. Ce dernier  accepta cette situation, mais il nÕavait gure le choix. A partir de ce moment la division ecclŽsiastique de deux Žglises ukrainiennes, lÕune vŽritablement ukrainienne et lÕautre sous contr™le russe, ce que nous observons encore aujourdÕhui en Ukraine, sÕinstalla : la MŽtropole de Kiev s'est fractionnŽe en rŽalitŽ en deux parties. Sur le territoire de l'ƒtat Polonais le mŽtropolite Denys Balaban continuait son activitŽ Žpiscopale dans une ƒglise vŽritablement ukrainienne et, sur les terres sous contr™le de la puissante Moscou, le pouvoir supŽrieur de lՃglise Žtait entre les mains de l'Žvque Lazare qui obŽissait au patriarche de Moscou et au tsar. On le voit, clairement cette situation est comparable ˆ celle qui existe aujourdÕhui en Ukraine avec deux principales ƒglises ukrainiennes, lÕune dŽpendante de Moscou et lÕautre revendiquant sa filiation avec Constantinople. A partir de ce moment-lˆ, Moscou aspire ˆ intensifier son influence y compris sur lՃglise en terres ukrainiennes. Comme dit le proverbe Ē Lorsque lÕon a gožtŽ un morceau du g‰teau, on veut toujours le manger en entier. Č

 

 

 

 

IX Troubles de la mŽtropole de Kiev dans la seconde moitiŽ du XVIIe sicle

 

 

En 1661 ˆ Moscou le mŽtropolite Pitirim, Locum Tenens du Tr™ne du patriarche, sacra  l'Žvque MŽthode (Filimonovitch) de Mstislav qui fut nommŽ en mme temps Locum Tenens de la MŽtropole de Kiev. Cette action eut des consŽquences dŽsastreuses.  En 1662 le Patriarche Nikon anathŽmisa le mŽtropolite Pitirime et le Patriarche de Constantinople pronona lui aussi l'anathme sur le prŽtendu Locum Tenens du sige de Kiev, Methode[30] Finalement la majoritŽ du clergŽ ukrainien situŽ en zone russe refusa d'obŽir au nouveau  Locum Tenens. De sorte que cette premire tentative de nomination directe par Moscou du candidat au tr™ne de Kiev essuya un Žchec. A nouveau 1667 une tentative de soustraire ˆ lÕomophore du patriarcat de Constantinople la MŽtropole de Kiev fut organisŽe par le patriarcat de Moscou. Celui-ci rŽunissait un concile local ˆ Moscou. Dans les dŽcisions du concile figurait celle de l'augmentation du territoire de lՎparchie de Tchernigov et son ŽlŽvation au rang dÕArchevchŽ. Le nouvel archevque Žtait Lazare Baranovitch. Mais cette dŽcision avait ŽtŽ prise sans consultation et sans bŽnŽdiction du Patriarcat de Constantinople. Le Patriarche de Constantinople ne reconnut donc pas sa lŽgitimitŽ. Une fois encore Moscou avait lamentablement ŽchouŽ dans sa tentative dÕannexion de lÕUkraine et de la MŽtropole de Kiev.[31] _

 Une heureuse parenthse commena, qui aurait pu devenir le second Age dÕOr de lÕUkraine. En 1668 Petro Dorochenko est devenu l'hetman des deux rives du Dniepr. Il rŽussissait ˆ unir pour un temps bref sous son pouvoir toutes les terres ukrainiennes. En 1663, au Concile ukrainien d'Ouman Žtait Žlu comme MŽtropolite et confirmŽ dans ce titre par le roi de Pologne, sur le tr™ne de la MŽtropole de Kiev, Joseph Neljubovitch-Toukalsky (1663-1673). Il Žtait confirmŽ Žgalement par le Patriarche de Constantinople qui se rŽjouissait de voir revenir sous son omophore lÕensemble des terres ukrainiennes. Le MŽtropolite Joseph Žtait un ardent dŽfenseur du lien canonique avec Constantinople. C'est pourquoi, Žtant arrivŽ ˆ Kiev, il promulgua un ukase interdisant toute commŽmoration dans les Žglises du tsar Alexe• Mikha•lovitch, seulement l'hetman Pierre. Le MŽtropolite Joseph dŽposa de son Žpiscopat l'Žvque MŽthode Filimovich, le condamnant ˆ la rŽclusion dans le monastre dÕOuman[32]. Le MŽtropolite Joseph est dŽcŽdŽ le 26 juillet 1675. A partir de temps-lˆ le Locum Tenens (Patriarcat de Moscou) Žtait de nouveau Lazare Baranovitch. Le tr™ne MŽtropolitain  est restŽ vacant jusqu'en 1685. Le 18 novembre 1683 dŽcŽdait l'archimandrite de la Grande Lavra de Kiev, Innokenty Gizel.  Le nouvel hetman des cosaques, Ivan Samojlovitch, au lieu de sÕadresser, comme cela Žtait la tradition sŽculaire, au patriarcat de Constantinople, (la Grande Lavra des Grottes de Kiev, ayant ˆ lՎpoque le statut de monastre Stavropigiaque[33] du patriarcat de Constantinople), Žcrivit une lettre au Patriarche de Moscou Ioakim, en lui demandant sa bŽnŽdiction pour l'Žlection du nouvel archimandrite de la Grande de Lavra de Petchersk. Dans sa rŽponse Žcrite le patriarche remerciait l'hetman quÕil se soit adressŽ ˆ lui, et le bŽniaaait pour lՎlection du nouvel archimandrite.[34] 

 Mais cette prise de position pro-Moscovite de l'hetman ne trouva pas le soutien du clergŽ et des fidles de Kiev. Une nouvelle assemblŽe fut rŽunie pour lՎlection de  lÕArchimandrite. Le nouvel Žlu, le hiŽromoine Varlaam Yasins, fut Žlu par lÕensemble du clergŽ et des moines, sans solliciter la confirmation des droits, ni ˆ Constantinople, ni ˆ Moscou. LÕassemblŽe ainsi que le nouvel archimandrite Žlu se sont adressŽs ˆ lÕArchevque Lazare Baranovitch de Tchernigov, qui pourtant devait son titre dÕarchevque au patriarcat de Moscou, et qui redevenant ukrainien, sÕempressa de confirmer lՎlection et dÕintroniser le nouvel archimandrite. D'ailleurs la menace de la part de l'Žvque de Lvov Joseph Choumlyansky de sÕemparer  de la Lavra a obligŽ le nouvel Archimandrite Varlaam, de demander la confirmation de ses responsabilitŽs au Patriarche Ioakim. Finalement le Patriarche de Moscou Žtablit un ukaze qui confirmait lՎlection de Varlaam dans lequel  furent prŽcisŽs les devoirs de l'Archimandrite de Lavra de Petchersk, et confirmŽs ses anciens privilges[35] Sauf un privilge majeur : Du point de vue canonique cette action du Patriarche Ioakim annonait le rapt de la mŽtropole de Kiev au dŽtriment du Patriarcat de Constantinople, car ce retrait du Monastre de la juridiction du Patriarche de Constantinople, Žtait, ˆ double titre, anti-canonique : Il faut retenir quՈ cette Žpoque la Grande Lavra de Kiev Žtait un monastre stavropigiaque[36] du Patriarcat de Constantinople et ne dŽpendait donc que de l'ƒglise de Constantinople.[37] Son statut Žtait comparable ˆ celui du Mont Athos.

La MŽtropole de Kiev entra alors dans une succession de titulaires ŽphŽmres avec des pŽriodes de vacance du sige liŽs ˆ lÕinstabilitŽ politique. En 1684 le patriarche de Moscou Ioakim ( 1674-1690) et le tsar de Russie Ivan V (1682-1696) sous la  rŽgence de Sophie de Russie (1682-1689), signrent ensembles un courrier adressŽ au Patriarche de Constantinople pour lui demander un ukase patriarcal leur permettant de choisir eux-mmes nouveau mŽtropolite de Kiev et de lÕintroniser. Il faut cependant dire que le sige de Kiev Žtait demeurŽ vacant dix ans depuis le trŽpas du prŽcŽdant MŽtropolite de Kiev Joseph Nelubovitc-Toukasly (1663-1673), mais cela ne justifiait pas que lÕon ne fit pas appel au Patriarcat de Constantinople pour dŽsigner et pourvoir la chaire mŽtropolitaine autonome de Kiev. Un autre danger se dessinait pour le Patriarcat de Moscou et qui ˆ terme serait tout autant devenu menaant pour une MŽtropole de Kiev orthodoxe demeurant unie au patriarcat de Constantinople. La longue vacance du sige de Kiev situŽ en Pologne, avait aiguisŽ lÕappŽtit de l'Žvque de Lvov Joseph Choumlyansky qui sՎtait fait confirmer par le roi de Pologne comme administrateur de la MŽtropole de Kiev. Et cela dans le dessein avouŽ de faire adhŽrer ˆ lÕunion de Brest (1596) la partie la plus importante du clergŽ et des croyants orthodoxes qui jusque-lˆ sÕy Žtaient opposŽs. Cette prise de position de lՎvque de Lvov, politique autant quÕecclŽsiastique Žtait, on sÕen doute, encouragŽe par le souverain polonais. 

 

Dans ces circonstances lÕhetman Samojlovitch, devant un danger aussi immŽdiat, dŽcida non pas dÕen appeler ˆ Constantinople, mais de recourir au Patriarcat de Moscou. En effet, en appeler ˆ la Grande ƒglise supposait quelques semaines pour transmettre et ensuite recevoir dans le meilleur des cas la venue dÕun mŽtropolite grec sur place, et dans le moins bon des cas recevoir une lettre canonique donnant des instructions. LÕhetman constatant quÕil ne disposait pas sur place ou ˆ proximitŽ des moyens pour empcher lÕunion, se rŽsolut donc ˆ sÕadresser au patriarche Ioakim de Moscou, le 31 octobre 1684. Le Patriarche de Moscou dans sa rŽponse motiva pour intervenir ˆ Kiev, la nŽcessitŽ du remplacement le plus rapide de la chaire vacante de Kiev parce que Ē dans la Puissance Polonaise les uniates, leur clergŽ, les gens sÕintitulent eux aussi  Ē mŽtropolites de Kiev Č et Ē archimandrite de la Lavra Č pour, de ce fait, voler la MŽtropolie de Kiev Č[38] SimultanŽment, sans attendre la rŽponse de Constantinople le tsar et le patriarche rassemblrent un concile ˆ Kiev composŽ du seul clergŽ de la citŽ et dans lequel les reprŽsentants des cosaques Žtaient plus nombreux que les Žvques, les prtres et les moines. Le concile dans ces conditions non canoniques Žlit et intronisa sans attendre la rŽponse de Constantinople lՎvque de Loutsk comme mŽtropolite de Kiev dont lՎparchie Žtait alors situŽe en Pologne. Le nouveau mŽtropolite GŽdŽon Tchetvertinsky (1685-1686) qui avait fui la Pologne pour Žchapper ˆ la polonisation de son Žparchie, faisait clairement le choix de faire entrer la MŽtropole de Kiev avec lÕUkraine sous lÕomophore du Patriarcat de Moscou. Un second acte anti-canonique fut alors rŽalisŽ par le nouveau mŽtropolite de Kiev, ce qui en dit long sur la valeur de ses engagements : le Patriarche de Moscou Ioakim (1674-1690) qui avait rŽuni le Concile venant de dŽcŽder (1690) et son successeur nՎtant pas encore ni Žlu ni donc intronisŽ, il prta serment au futur patriarche devant un tr™neÉvide !

 

Il est certain pour lÕhistorien que la menace bien rŽelle dÕun basculement dÕune seconde partie de la MŽtropole de Kiev vers lÕunion dŽtestŽe avait ŽtŽ lÕune des composantes, et certainement lÕune des justifications, pour le Patriarcat de Moscou de sÕemparer de la mŽtropole convoitŽe.

 

 

X Histoire de lÕachat par Moscou de la mŽtropole de Kiev

 

Une action de diplomatique de grande envergure commena, entreprise ˆ la fois par les reprŽsentants du tsar et ceux du patriarche de Moscou Ioakim. Un ambassadeur fut choisi dans le clergŽ du patriarcat. CՎtait probablement un moine (il est dŽsignŽ simplement dans les documents de lՎpoque comme un clerc, sans autre dŽfinition) nommŽ Nikita Alekseev. Il Žtait accompagnŽ dÕune petite dŽlŽgation dont les noms des membres nous sont inconnus. Il Žtait muni de tous les documents provenant du Patriarche Ioakim, et des  Tsars Ivan et Pierre ainsi que de l'Hetman Ivan Samojlovitch, qui lÕhabilitait ˆ tous les reprŽsenter. Il fut envoyŽ ˆ Adrianapolis[39] .Ce personnage de lÕombre apportait avec lui des milliers de roubles en or, dÕun montant astronomique, dont nous reparlerons plus loin, et des peaux de zibeline. Sa mission Žtait ˆ la fois simple dans sa demande, et compliquŽe dans ses rŽpercutions gŽopolitiques et ecclŽsiologiques, car elle impliquait non seulement un consentement difficile ˆ obtenir des autres patriarches orientaux et du premier dÕentre eux le patriarche de Constantinople, mais Žgalement celle du Grand Vizir Turc, qui avec le Divan voyait avec mŽfiance les sŽjours ˆ Moscou de certains patriarches. ArrivŽe ˆ Adrianapolis au printemps 1686 lÕambassade russe rencontra dÕabord son reprŽsentant diplomatique informel, un grec nommŽ GrŽgorios  Metsevit. Celui-ci eut des difficultŽs ˆ faire comprendre ˆ la dŽlŽgation russe qui ne semblait  voir dans cette affaire quÕune question purement ecclŽsiastique quÕil Žtait indispensable de rencontrer en tout premier lieux le Grand Vizir Sari SŸleman Pacha (18 novembre 1685-18 septembre 1687). GrŽgorios Metsevit expliqua en particulier ˆ Nikita Alekseev : Ē  Si le Patriarche fait cette affaire sans dŽcret du Grand Vizir, certains mŽtropolites rapporteront immŽdiatement au Grand Vizir que le patriarche sÕentend par une lettre avec Moscou, on exŽcutera le Patriarche tout de suite Č[40]

Des liens qui avaient commencŽ au baptme de Kiev existaient conjointement avec lՃglise russe, de la part du patriarcat, mais Žgalement avec tous les autres siges patriarcaux orientaux sous domination ottomane, soit Alexandrie, Antioche et JŽrusalem. Le clergŽ grec visitait rŽgulirement Moscou, y recevant au passage des aum™nes gŽnŽreuses. Nous pouvons comprendre que les visites de prŽlats grecs Žtaient une source dÕinformation sur lՎtat de lÕEmpire Ottoman. Mais de lˆ ˆ penser selon l'expression du professeur N.F. Kapterev que ds la fin du XVIe sicle les Patriarches Orientaux deviennent Ē les agents politiques des tsars de Moscou Č il existe un fossŽ que nous ne franchissons pas, car ce serait mŽconna”tre les liens qui sՎtaient Žtablis entre le Patriarcat de Constantinople et le Divan. En rŽalitŽ le pouvoir de la Grande ƒglise avait dŽcuplŽ depuis la chute de Constantinople en 1453. Le patriarche hormis sa fidŽlitŽ exigŽe ˆ lÕEmpire Turc, nÕavait plus ˆ partager son pouvoir avec lÕEmpereur chrŽtien. Il Žtait devenu sans contestation possible lÕetnarque[41] de toutes les nations chrŽtiennes de lÕEmpire considŽrŽes comme des grecs par les Ottomans. DŽsormais le Patriarcat de Constantinople dominait les trois autres patriarcats orientaux dont, ˆ travers le synode permanent, il nommait les titulaires. Sa juridiction directe sՎtendait sur les anciennes ƒglises nationales disparues de Serbie et de Bulgarie, toutes hellŽnisŽes de force pour y faire dispara”tre le sentiment patriotique attachŽ ˆ chaque ƒglise locale. Seules exceptions bŽnŽficiant dÕune relative autonomie, parce que protŽgŽes par les princes roumains vassaux du sultan, les petites ƒglises locales mŽtropolitaines roumaines[42].  

Que certains prŽlats grecs aient tentŽ de jouer, au risque de leur vie, ˆ ce jeu-lˆ, pour Žchapper ˆ la tutelle du puissant patriarche de Constantinople, cela ne fait aucun doute; mais ce fait ne constituait pas lˆ une politique gŽnŽrale du patriarcat de Constantinople qui aurait ŽtŽ Žtablie secrtement une fois pour toutes dans ses relations avec Moscou. Le patriarcat aurait eu beaucoup trop ˆ perdre, sÕil sՎtait engagŽ dans une telle politique et aucun fait historique probant ne le confirme. Il faudra pour cela attendre la fin du XIXe sicle et le dŽbut du XXe sicle aprs la dŽb‰cle de 1918 de lÕEmpire Ottoman dans son alliance avec les deux empires germaniques et le rŽveil des nations europŽennes situŽes dans lÕex-Empire Ottoman, la Roumanie, la Serbie, la Grce, lÕAlbanie et la Bulgarie, cette dernire bien quÕalliŽe des Allemands.[43]  

Il est certain que la notion Ē dÕespions doubles Č[44], qui renseignaient le Grand Vizir, pouvait sÕappliquer ˆ lÕensemble des prŽlats grecs autorisŽs ˆ voyager en dehors de lÕEmpire Turc. Comment ne pas se souvenir, pour comprendre la situation, du statut de certains Žvques orthodoxes des pays de lÕEst au temps de la guerre froide. LÕhistorien N. F Kapterev donne comme argument pour prouver la russophilie de tous les prŽlats grecs, lÕexemple du  Patriarche DosithŽe de JŽrusalem qui, dans un des dipl™mes adressŽs au tsar de Moscou, Žcrivait ouvertement : Ē Dans Votre Puissance gardŽe par Dieu, nous avons le grade dÕun espion Č[45].  Quelle na•vetŽ de penser que cette lettre, qui pouvait tre lue par les espions turcs extrmement bien organisŽs, avait pu tre envoyŽe sans le consentement des autoritŽs ottomanes ? La rŽalitŽ est la mme qui a existŽ dans certains pays de lÕEurope de lÕEst ˆ lՎpoque du Ē rideau de fer Č et qui nÕa pas ŽtŽ inventŽe par les BolchŽviques. Au XVIIe sicle une Žpoque dans laquelle les personnes qui voyagent constituent un pourcentage trs faible de la population, chaque ƒtat demandait ˆ ses nobles, ˆ ses commerants, comme ˆ ses  religieux qui sŽjournaient dans un autre pays, de lui faire un rapport Žcrit sur tout ce quÕils avaient pu observer.

 Cependant il fallait que les choses se passent dans un seul sens. Les patriarches dÕAntioche et de JŽrusalem furent destituŽs aprs leurs sŽjours ˆ Moscou et en 1657 un avertissement sans appel Žtait donnŽ au patriarche russophile de Constantinople ParthŽnios III (1656-1657) qui fut pendu au motif dÕune intervention faite auprs de la Sublime Porte en faveur de la Russie. De tels ch‰timents sÕappliquaient, tout autant, aux pachas et aux fonctionnaires de lÕEmpire Turc. Nous constatons que les tensions et la mŽfiance rŽciproque, qui existent encore aujourdÕhui entre la Russie et la Turquie, remontent ˆ plusieurs sicles.  Pour ses liens secrets avec Moscou le Patriarche ParthŽnios fut pendu, et pour leur voyage ˆ Moscou, furent supprimŽes des Žparchies du Patriarche dÕAlexandrie Paissios, et du patriarche dÕAntioche, Makarios[46] Dans la deuxime moitiŽ du XVIIe sicle, de Moscou ˆ Constantinople, on ne permit aux ambassadeurs de se rŽunir avec les Patriarches quÕaprs seulement une dŽcision sur toutes les affaires politiques avec le vizir.

Ses deux successeurs en dehors mme de la doctrine ecclŽsiologique ont toujours affirmŽ que la MŽtropole de Kiev Žtait un exarchat autonome du patriarcat de Constantinople qui occupait le soixantime rang dans la hiŽrarchie des siges du patriarcat. Ils pouvaient craindre pour leurs vies sÕils vendaient, comme un vulgaire sac de pommes de terre, la prŽcieuse MŽtropole de Kiev ˆ la Russie. Souvenons-nous ici, que lÕactuelle CrimŽe Žtait partiellement avec les Tatares sous domination Turque et que lÕextension du pouvoir religieux de la Russie sur lÕUkraine qui affirmait son pouvoir politique constituait une menace pour lÕEmpire ottoman. Les Cosaques Ukrainiens Žtaient des alliŽs historiques rŽcents des tatars contre les armŽes polonaises, et leurs prŽsences dans une Ukraine devenue russe, frontalire de la CrimŽe inquiŽtait, on le comprend, le Grand Vizir.

Pourtant le Grand Vizir parut faire un geste en direction de Moscou, en autorisant lÕambassade russe, non pas dÕinterroger le nouveau patriarche de Constantinople, mais celui de JŽrusalem le patriarche DosithŽe II (1669-1707). Il faut noter que le Synode permanent de la Grande ƒglise rassemblait souvent ˆ Constantinople les trois autres patriarches orientaux qui y avaient leur rŽsidence et qui y sŽjournaient plus souvent que dans leur ville patriarcale.[47] Et quand Alekseev vint ˆ lui, Ē le Vizir exprima sa volontŽ la plus affirmŽe dÕaccomplir tous ses dŽsirs, et, entre autre, promit de convoquer DosithŽe, afin de lui ordonner de satisfaire la demande du gouvernement de Moscou en ce qui concerne la MŽtropolie de KievČ.[48] Il faut une grande na•vetŽ et peu de connaissance de lÕhistoire de lÕEmpire Ottoman pour prendre ˆ la lettre cette permission du Grand Vizir. La dissimulation dans la diplomatie turque nÕavait dՎquivalent que la dissimulation dans la diplomatie russe. Croire dÕemblŽe, comme le font les historiens russes aujourdÕhui, ˆ la sincŽritŽ du Grand Vizir, est stupŽfiant. La dŽlŽgation russe aurait dž se mŽfier, car cette permission du Grand Vizir avait ŽtŽ organisŽe par ce dernier, et des consignes avaient ŽtŽ obligatoirement donnŽes. La rencontre se fit donc ˆ Adrianopolis o sŽjournait Žgalement le Patriarche de JŽrusalem.

 

Nous ne devons pour autant pas douter de la sincŽritŽ du Patriarche de JŽrusalem, lorsque celui-ci  entra dans une grande colre dont on sÕen doute, lՎcho parvint aux oreilles du Grand Vizir. Le patriarche sՎcria que le passage de la MŽtropole de Kiev sous lÕomophore du Patriarcat de Moscou avait ŽtŽ Ē un rapt dÕune Žparchie Č. Le patriarche vertueux se scandalisa lorsque croyant obtenir un meilleur rŽsultat les ambassadeurs moscovites proposrent Ē une gŽnŽreuse aum™ne Č aux patriarcats de Constantinople, Antioche, Alexandrie et JŽrusalem, dont rappelons-le encore, les titulaires composaient le Synode Permanant du Patriarcat ĪcumŽnique, pour son aide dans cette affaire. Le patriarche se mit ˆ crier que cՎtait lˆ : Ē une tentative de simonie qui humilie lՃglise Orientale ! Č. Il continua : Ē Pour quelles raisons vous occupez-vous des diocses Žtrangers ? Avez-vous honte aux gens ? CÕest un pŽchŽ devant Dieu ! Proposer de lÕargent pour troubler l'esprit des gens et crŽer des dŽcrets qui vont ˆ lÕencontre de l'ƒglise et de Dieu. Votre messager nous dit quÕil nÕa pas apportŽ vos lettres, et quÕil lui a ŽtŽ ordonnŽ de nous donner des dons, que si  nous lui donnions la lettre quÕil dŽsire, et que si nous ne la lui donnions pas, il ne nous distribuera aucune sommeČ[49]

 

Le patriarche DosithŽe conclut en faisant remarquer bien justementque : Ē  Autrefois, il fallait recevoir la bŽnŽdiction de Constantinople, et puis aprs, annoncer le passage du  MŽtropolite de Kiev ˆ Moscou. Mais  on a envoyŽ demander une bŽnŽdiction, quÕon avait dŽjˆ ! C'est la division de l'ƒglise Orthodoxe !Č Nous ne saurions mieux dire.

 

Le Patriarche DosithŽe Žcrivit des lettres aux souverains de Moscou et au Patriarche Ioakim, dans lesquelles il dŽmontrait l'illŽgalitŽ canonique et l'inconvenance morale de l'affaire conue par eux. [50] NŽanmoins, dans lÕun de ses courriers aux souverains russes, le Patriarche DosithŽe Žcrivit que, bien que le mode d'action du Patriarche Ioakim avait sa totale dŽsapprobation, lui DosithŽe, Žtait satisfait que Kiev ežt enfin retrouvŽ un MŽtropolite ; que la chirotonie de cette nomination Žtait acceptable et, quÕil ne se souciait pas des autres dŽtails. [51]

Une contre vŽritŽ ŽtayŽe par des documents, forcŽment fabriquŽs par la chancellerie du tsar, fut rŽpandue pour justifier le rapt de la MŽtropole de Kiev. Tout comme pour lՃglise Romaine avec la Ē fausse donation de Constantin Č qui Žtait lÕĻuvre de la chancellerie du pape. DÕaprs ces faux, ˆ la suite de la rencontre d'Alekseev avec le Vizir, lÕambassadeur russe aurait revisiter le Patriarche DosithŽe et aurait trouvŽ en lui, un changement complet de position, (ce qui est contredit par ses courriers ultŽrieurs) : Ē Moi, aurait alors dit le Patriarche, jÕai trouvŽ dans les Saints Canons que tout Žvque peut librement se prŽoccuper du diocse dÕun autre Žvque (sic); je persuaderai le Patriarche Denys pour qu'il exŽcute la volontŽ impŽriale, et j'Žcrirai aux grands souverains et au Patriarche Ioakim pour obtenir sa bŽnŽdiction, tout spŽcialement, et pas celle de Denys. Č[52] Pour ce changement si essentiel ˆ cent quatre-vingt degrŽ de sa position, le Patriarche DosithŽe aurait reu de Nikita Alekseev la somme de 200 ducats or.[53] La phrase prtŽe au patriarche est marquŽe par une mŽconnaissance totale du droit canon et des rgles ĻcumŽniques qui affirment exactement le contraire : quÕaucun Žvque ni aucune ƒglise locale ne peut sÕemparer ou intervenir dans lՎparchie dÕun autre Žvque ou dÕune autre ƒglise locale[54]. Le pieux et savant patriarche DosithŽe nÕaurait jamais pu affirmer une telle contre vŽritŽ. Il est vrai cependant que le patriarche, sÕil nÕapprouva jamais la mŽthode employŽe pour sÕemparer du sige de Kiev, ce qui ressort des courriers ŽchangŽs avec le Tsar, ne sÕopposa pas ˆ la chirotonie de son nouveau titulaire quÕil reconnut comme MŽtropolie de Kiev.

 

Mais, dans le mme temps, le Patriarche DosithŽe refusait tout net de jouer le r™le d'intermŽdiaire dans les nŽgociations entre les ambassadeurs de Moscou et le Patriarche de Constantinople.[55]

 

LÕambassade de Moscou fut alors, selon les sources russes du patriarcat de Moscou, approchŽe par un Žmissaire dont nous  ne connaissons pas le nom qui se prŽsenta comme un collaborateur du patriarche de Constantinople, en proposant la vente (quel autre mot employer ?) de la MŽtropole de Kiev au patriarcat Russe. Les reprŽsentants de la Russie rŽpondirent, Ē DÕabord le tomos de congŽ canonique et ensuite vous aurez lÕargent !Č.

 

Voyant que leur affaire ne progressait toujours pas, la dŽlŽgation russe dŽcida de faire monter les enchres. Les souverains Russes, Sophie et Ivan et le nouveau patriarche avaient  donnŽ des consignes trs claires : des sommes astronomiques avaient ŽtŽ consignŽes pour la rŽalisation de cet achat prestigieux.

 

Ce nՎtait pas trente deniers mais beaucoup plus.

 

Le nouveau patriarche de Constantinople Denysios IV qui fut Žlu et dŽposŽ cinq fois dans sa vie, venait dՐtre intronisŽ patriarche pour la quatrime fois. RŽceptif aux demandes de la dŽlŽgation russe et aux roubles or promis, le patriarche Denysios II affirma quÕil allait convoquer le patriarche de JŽrusalem rŽcalcitrant et lui donner lÕordre dÕaccepter les conditions gŽnŽreuses proposŽes pour la vente de la MŽtropole de Kiev.

 

Le Patriarche Denys de Constantinople rŽdigea donc un tomos dans ce sens qui fut signŽ par lui-mme et vingt et un mŽtropolites en juin 1686. Mais il prŽcisa dans le tomos que le lien avec lՃglise mre de Constantinople nՎtait pas pour autant rompu, et que deux conditions devaient tre respectŽes pour quÕil soit valide. La premire cÕest que le patriarcat de Constantinople ne faisait que remettre au Patriarche de Moscou son droit de confirmer lՎlection du mŽtropolite de Kiev ; la seconde est que le patriarche de Constantinople devait toujours tre commŽmorŽ en premier dans la liturgie et les offices avant le patriarche de Moscou. Le patriarche Denys avait vendu la MŽtropole de  Kiev pour 200 Ducats or avec en plus  120 peaux de zibeline. La vente de la MŽtropole de Kiev Žtait un acte de simonie caractŽrisŽ qui faisait suite aux dŽsordres observŽs ˆ cette Žpoque dans la direction du patriarcat. Deux mois aprs cette dŽcision fut brutalement dŽclarŽe anticanonique par un nouveau Concile et le patriarche Denys dŽposŽ de son Žpiscopat et du tr™ne patriarcal au motif quÕil avait transmis anti-canoniquement la MŽtropole de Kiev au Patriarcat de Moscou. CÕest la position canonique qui est conservŽe jusquՈ aujourdÕhui par le Patriarcat ĪcumŽnique ˆ une nuance qui a son importance : la cession nÕest pas niŽe ; elle est dŽclarŽe dans le tomos de 1924 comme illŽgale car contraire aux canons. Enfin la Grande ƒglise rappelle que le nom du patriarche doit toujours tre commŽmorŽ avant celui de Moscou,  ce qui bien  entendu nÕest pas fait dans la mŽtropole autonome russe dÕUkraine.

 

Ajoutons ici que le fait quՈ lՎpoque les frontires canoniques de la mŽtropole de Kiev Žtaient situŽes dans un autre Žtat souverain, la Pologne, que celui de lÕempire russe. Ė tout moment de sa future histoire lՃtat polonais pouvait donc, avec le concours du primat de Kiev et des membres de lՎpiscopat de lՃglise ukrainienne situŽs en Pologne, demander au Patriarcat de Constantinople lÕautocŽphalie. Ce qui se fera une premire fois en 1924. CÕest le droit inaliŽnable de chaque Žtat de demander lÕautonomie ou lÕautocŽphalie pour son Žglise locale orthodoxe, quelque que fut la religion dominante du pays.

 

La mŽthode utilisŽe pour le rapt de la MŽtropole de Kiev, sa vente comme une propriŽtŽ foncire, la simonie caractŽrisŽe avec le concept mme dÕachat de cette mŽtropole qui comportait un reu Žcrit du patriarche Denysios conservŽ encore aujourdÕhui dans les archives du patriarcat de Moscou, prouve le caractre anti-canonique pour ne pas dire anti-ecclŽsiologique de ce rapt.

 

 Nous sommes ˆ des annŽes lumires dÕune action propre,  dÕune action irrŽprochable canoniquement, dÕune action bŽnie par Celui qui a dit Ē Nul ne peut servir deux ma”tres ˆ la fois, Dieu et lÕargent. Č[56]

 

Nous sommes devant une action dont la vŽnalitŽ rŽvle lÕimposture et la non canonicitŽ.

 

Dans les annŽes suivantes cette captation ne fut jamais reconnue par la Grande ƒglise, et cela aboutit au Tomos de 1924 accordant ˆ la partie situŽe en Pologne de lÕancienne MŽtropole de Kiev en Pologne lÕautocŽphalie ˆ la demande conjointe de lՎpiscopat Ukrainien de Pologne (mme si le nouveau MŽtropolite Denys Žtait russe) et du gouvernement polonais. Mais de cela nous avons Žcrit notre ouvrage complet sur son histoire dŽjˆ citŽ plus haut dans ces pages. La justification principale du Tomos de 1924 est le caractre illŽgal et anticanonique du rapt de 1686.

 

RŽsumons ˆ la phrase du Tomos de 1924 qui fait rŽfŽrence au caractre anticanonique du rapt de la mŽtropole de Kiev de 1686.

 

            Le Tomos de 1924 prŽcise en effet : Ē Car il est Žcrit que la premire sŽparation de notre Sige de la MŽtropole de Kiev et de la MŽtropole Orthodoxe de Lituanie et de Pologne, en a dŽpendu, ainsi que leur intŽgration au sein de l'ƒglise Moscovite ont ŽtŽ accomplies  contrairement au droit canon, comme aussi tout ce qui a ŽtŽ convenu en ce qui concerne la pleine autonomie de l'ƒglise de la MŽtropole de Kiev, qui, ˆ l'Žpoque, avait le titre Exarque du Sige ĻcumŽnique. Č Les prŽdŽcesseurs du patriarche BartholomŽeos faisaient ici rŽfŽrence quÕen accordant lÕautocŽphalie ˆ la dŽnommŽe Ē ƒglise Orthodoxe de Pologne Č, en rŽalitŽ cette autocŽphalie Žtait  accordŽe ˆ lՃglise Ukrainienne situŽe sur lÕancien territoire ˆ la fois national et historique de lÕUkraine, cÕest-ˆ-dire sur le territoire canonique de lÕancienne MŽtropole de Kiev sous le Saint Omophore de son ƒglise Mre le Patriarcat ĪcumŽnique. En prŽcisant ces deux points, le Patriarcat de Constantinople dŽmontrait ˆ lÕensemble des ƒglises locales autocŽphales orthodoxes quÕil agissait dans sa propre juridiction canonique et non sur la juridiction, prŽtendue ˆ cette Žpoque comme aujourdÕhui, sur ce territoire, du Patriarcat de Moscou.

 

            Nous le savons ce schisme initial, pas celui quÕinjustement le Patriarcat de Moscou nous impute aujourdÕhui, mais celui qui est ˆ la racine du schisme actuel, a ŽtŽ lÕĻuvre de la seule ƒglise russe. CÕest bien ce que le Tomos affirme lorsquÕ il relate clairement que lՃglise russe sÕest emparŽe de la MŽtropole de Kiev Ē contrairement au droit canon Č en 1686. La MŽtropole de Kiev qui, preuve de son autonomie dans le Patriarcat de Constantinople, avait conservŽ le charisme de produire elle-mme son saint Myron. Le Tomos fait rŽfŽrence tout aussi catŽgoriquement ˆ Ē la pleine autonomie de l'ƒglise de la MŽtropole de Kiev Č

 

Il est indubitablement question dans ce Tomos de lÕoctroi sur le territoire national Polonais dÕune premire autocŽphalie ukrainienne. Car le Tomos se rŽfre, pour accorder lÕautocŽphalie demandŽe par lՎpiscopat orthodoxe de Pologne, ˆ la MŽtropole de Kiev pour parler du territoire canonique de la nouvelle ƒglise situŽe dans les frontires de la Pologne.

 

Rappelons, toujours contre lÕavis du Patriarcat de Moscou, Sa SaintetŽ le Patriarche MŽlŽtios III MŽtaxakis en 1923  avec le Saint Synode de la Grande ƒglise, avait accordŽ ˆ lՃglise dÕEstonie lÕautonomie au nom du mme principe de lÕantŽrioritŽ de la juridiction de la Grande Eglise sur le territoire national estonien. Le Patriarcat de Moscou sÕy opposa en produisant le schisme qui dure toujours, dÕune seconde ƒglise autonome russe en Estonie. La prŽsence sur le mme territoire national de deux ƒglise autonomes, lÕune locale, estonienne et lÕautre, russe, pourrait servir de jurisprudence pour rŽsoudre une situation comparable de deux ƒglises en Ukraine, lÕune locale ukrainienne et lÕautre russe.

 

Cette situation est effectivement comparable ˆ celle dÕaujourdÕhui en Ukraine, sauf sur un point essentiel : celui  des enjeux gŽopolitiques et territoriaux qui ne sont pas les mmes. Nous pensons que cÕest le nombre de prs de 20 millions de croyants qui se revendiquent comme appartement au Patriarcat de Kiev qui renforce une opposition acharnŽe contre notre Eglise de la part du Patriarcat de Moscou, car lÕenjeu gŽopolitique et ˆ la clef, Žgalement un enjeu Žconomique et financier (perte de dons), ne sont pas ˆ une Žchelle comparable.

 


 

Ce qui rend la question de lÕachat de la MŽtropole de Kiev comme un acte particulirement cynique et incontestablement anti-canonique nÕest pas uniquement  le fait quÕil nÕexiste bien Žvidemment aucun prŽcŽdent canonique qui pourrait justifier cette mŽthode, ˆ lÕexception toutefois des sommes exigŽes et donc imposŽes par le Sultan, de la part de tout nouveau patriarche, ce qui explique, en partie seulement, les changements frŽquents de titulaires du prestigieux sige,  nombreux durant toute la pŽriode ottomane[57]. Non, ce qui rend la vente et lÕachat de la MŽtropole de Kiev illicite, cÕest que, aujourdÕhui encore, le patriarcat de Moscou se rŽfre cyniquement ˆ cette vente pour justifier sa juridiction. LÕun des meilleurs historiens russes[58] dont nous avons consultŽ une partie de sa documentation pour ce travail, nÕhŽsite pas ˆ raconter en dŽtail cette histoire comme preuve que la MŽtropole de Kiev appartient bien au Patriarcat de Moscou : Selon la dŽmonstration du professeur Wladimir Bourega, lÕachat de la MŽtropole de Kiev par le tsar pour la somme de deux cent ducats or et de cent vingt peaux de zibelines, confirmŽ par des documents historiques quÕil mentionne, est la cynisme preuve irrŽfutable que la MŽtropole de Kiev appartient ˆ la Russie et au Patriarcat de Moscou. Un tel cynisme de la Ē realpolitik Č toujours pratiquŽe par le patriarcat de Moscou ne peut plus de nos jours tre cautionnŽe sŽrieusement par le patriarcat de Constantinople ni par les autres ƒglises sĻurs autocŽphales et autonomes.

 

 La seule Ē jurisprudence Č que nous avons trouvŽe qui expliquerait cette vente, mais avec la plus mauvaise des justifications, se trouve en effet dans les ƒvangiles : cÕest celle de la vente du Christ par lÕAp™tre Juda pour trente deniers.[59] Mais Juda cessa dՐtre Ap™tre ds quÕil reut les trente deniers. On le voit, le fait que cet acte de simonie caractŽrisŽe soit invoquŽ comme le principal argument du patriarcat de Moscou sur sa Ē propriŽtŽ de la MŽtropole dÕUkraine Č en dehors du fait quÕil est sacrilge, le disqualifie.

 

Sur la captation elle-mme en dehors de la mŽthode, si la simonie est lÕachat par un homme auprs dÕautres Žvques pour recevoir lՎpiscopat selon le 29e Canon Apostolique, le 2e canon du IVe Concile ĪcumŽnique ChalcŽdoine(451), les 22e et 23e Canons du Quinesexte Concile Īcumnique In Trullo (Constantinople, 691), et le 29e Canon de Saint Basile, ces canons sՎtendent pour leur interprŽtation ˆ la vente dÕun diocse. Il devient Žvident que la pluspart des ƒglises orthodoxes locales seront aujourdÕhui scandalisŽes (car elles ignorent cette page sombre de lÕhistoire de lՃglise russe) dÕapprendre comment sÕest rŽalisŽ le transfert de la MŽtropole de Kiev, de lÕautoritŽ canonique du Patriarcat de Constantinople ˆ celle du Patriarcat de Moscou : exactement comme se vendent aujourdÕhui les bons joueurs dÕun club de football ˆ un autre, avec des sommes dÕargent astronomiques !

 

Sur la captation elle-mme en dehors de la mŽthode, nous observons que le Canon 2 du IIe Concile ĻcumŽnique de Constantinople I en 381, Žnonce clairement du bon ordre ˆ conserver dans chaque province ˆ la primautŽ qui revient au grand sige dÕAlexandrie, Antioche et Constantinople et quÕaucun Žvque Žtranger ne doit intervenir dans un autre ŽvchŽ que le sien. Le Canon 8 du IIIe Concile ĻcumŽnique dՃphse en 431, les Canons Apostoliques 34 et 35 confirment ces dispositions du Canon 2 du concile de Constantinople. Enfin le 17e Canon du Concile ĪcumŽnique de ChalcŽdoine en 451, assure de lÕinaliŽnabilitŽ de lՎparchie qui a ŽtŽ fondŽe depuis au moins trente ans, par une ƒglise : le Patriarcat de Constantinople avait depuis exactement 700 ans la juridiction sur la mŽtropole de Kiev.[60]  

                   

 

                   Une dernire autocŽphalie a ŽtŽ accordŽe par le patriarcat de Constantinople en 1924 ˆ lÕancienne mŽtropole autonome dÕUkraine dont la majoritŽ du territoire canonique (sauf Kiev et lÕEst de lÕUkraine alors situŽ en URSS) se situait dans le nouvel Žtat polonais aprs 1918. Cette autocŽphalie ne fut pas reconnue par le Patriarcat de Moscou qui avec une audace inou•e la reproclamait en 1948. CÕest ˆ cette premire autocŽphalie ukrainienne que se rŽfre aujourdÕhui le Ē Patriarcat de Kiev Č (trente millions de croyants) pour justifier son accession prochaine ˆ lÕautocŽphalie.

 

 

Conclusion.

 

Certaines des ƒglises des pays de lÕEst qui reprochent ˆ lՃglise dÕUkraine dՐtre schismatique ne peuvent le faire quÕen oubliant leur propre histoire, qui a ŽtŽ traversŽe par de longues pŽriodes de schisme comme le rappelle notre article.

 

Toutes les ƒglises orthodoxes locales qui ne sont pas les ƒglises apostoliques situŽes (sauf lՃglise grecque) dans les pays de  lÕEst, toutes  sans exception ont connu de longues pŽriodes de schisme pour le  mme motif de la volontŽ dÕaccŽder ˆ la vie plŽnire en tant quՃglise Orthodoxe locale et nationale. Des erreurs certes, nous ne le nions pas, ont existŽ au cours de cette longue histoire des deux c™tŽs ; mais la volontŽ pour une nation avec ses dirigeants de se diriger vers la plŽnitude de la vie ecclŽsiale selon le Canon Apostolique 34 est lŽgitime.

 

Reprocher comme le font aujourdÕhui certains prŽlats orthodoxes, lÕingŽrence de lՃtat dans la fondation dÕune ƒglise nationale, comme un pŽchŽ anti- ecclŽsiologique, provient dÕune trs grande ignorance. Deux faits contredisent cette affirmation : le premier est que la volontŽ du souverain dÕun nation pour lÕoctroi de lÕautocŽphalie est requise par la Tradition comme par lÕusage et constitue une jurisprudence autant canonique quÕecclŽsiologique : dans tous les exemples que nous avons donnŽs plus haut, nous avons constatŽ quÕau cours de tous les sicles prŽcŽdents, sans exception, les reprŽsentants de lՃtat devaient solliciter le patriarcat de Constantinople pour que lÕautocŽphalie puisse seulement tre examinŽe.

 

Le second est que jusquՈ une Žpoque rŽcente dans les nations chrŽtiennes lՃglise et lՃtat nՎtaient pas sŽparŽs. La non-participation de lՃtat que pr™nent ces thŽologiens et prŽlats nÕa jamais existŽ. Les autocŽphalies se sont, de ce fait, toujours rŽalisŽes avec le concours actif du Chef de lՃtat et du parlement de chacune de ces nations, comme nous en avons donnŽ de nombreux exemples plus haut dans cet article. Et mme dans lÕempire ottoman cette distinction nÕexistait pas : le patriarche de Constantinople occupait un trs haut rang parmi les grands officiers de lՎtat dans le cadre des millets. Il Žtait le chef du millet des Rum, cÕest-ˆ-dire Ē Romains Č, les anciens sujets de lÕempire romain dÕOrient.  Le patriarche Žtait lՎgal dÕun sultan ayant le rang de calife. Les exŽcutions de patriarches de Constantinople  ne furent jamais aux yeux du sultan dues au  fait de la religion chrŽtienne des titulaires exŽcutŽs. Elles Žtaient en tout point comparables ˆ celles qui frapprent ˆ toutes les Žpoques, tous les fonctionnaires de lÕempire, jusquÕau sommet de la hiŽrarchie civile impŽriale, califes, gŽnŽraux et grands vizirs.

 

 

Le 9 Septembre 2018  +MŽtropolite Michel Laroche

 



[1] Apoc. I, 17-18

[2] Apoc..I, 11

[3] Apoc. II, 1

[4] Co. II. 1

[5] Nous nՎvoquons pas dans cet article les autocŽphalies des ƒglises prŽchalcŽdoniennes qui ne sont pas Orthodoxes.

 

[6] Mt XXVIII,19.

[7] Mt VI,24.

[8] Nous suivons la traduction faite par Vlassios I, Phildas dans son ouvrage  Ē Droit Canon Č Une perspective orthodoxe. P.67-68. ƒd. Centre Orthodoxe du patriarcat ĻcumŽnique. ChambŽsy, Genve. Suisse 1998.

[9] En 2018.

[10] Empereur de 959 ˆ 963.

[11] Chrysobulle : provient du mot grec chrysos qui signifie : or. CÕest un dŽcret impŽrial (Bulle) frappŽ dÕun sceau en or.

 

[13] CÕest toujours la France qui en 1866, recommandera la dŽsignation, comme futur Roi de Roumanie, de Charles de Hohenzollern dont descend lÕactuel Roi Michel.

[14] AujourdÕhui la ville de Sibiu en Roumanie.

[15] Jules Laroche qui Žpousa la grand-mre de lÕauteur Pauline, nŽe et baptisŽe en 1874 ˆ Constantinople, descendante par sa mre dÕune trs ancienne famille grecque orthodoxe phanariote, les Lonvardo, despotes de lÕėle de Zentos. Le pre de Pauline Laroche, Alfred Caporal dÕun trs ancienne famille byzantine dÕorigine vŽnitienne dont le nom dÕorigine Žtait Chalavassi, fut lÕun des conseillers du Sultan Abdul Hamid. LÕun des grands oncles de lÕauteur, converti en secret ˆ lÕOrthodoxie, rentra dans lÕhistoire sous le nom de Yousouf Pacha, le dernier Gouverneur GŽnŽral dans lÕEmpire Turc, du Liban, de la TransJordanie, de la Syrie et de lÕIrak (lÕancienne MŽsopotamie). Par un concours de lÕhistoire, lÕune des sĻurs de la grand-mre de lÕauteur Žpousa elle aussi un diplomate franais, Albert de France, ˆ qui Yousouf Pacha remis son palais et ses pouvoirs au Liban.

[16] Je le cite : Ē Une des questions qui provoqurent le plus dÕopposition de la dŽlŽgation italienne fut celle de la dŽlimitation de la Transylvanie. Elle voulait laisser ˆ la Hongrie les grandes villes qui se trouvent ˆ lÕextrŽmitŽ occidentale de cette province. Leur existence sÕexplique par la gŽographie. La Transylvanie est traversŽe par des vallŽes qui descendent des Carpates, et au dŽbouchŽ desquelles seulement ont pu trouver place des agglomŽrations dont lÕimportance Žconomique est liŽe ˆ lÕarrire-pays. Les dŽtacher de celui-ci, Õežt ŽtŽ ruiner la rŽgion. JÕemportai la dŽcision en faisant valoir quÕen outre, dans ces villes,  les Hongrois Žtaient lՎlŽment immigrŽ, alors que dans les campagnes avoisinantes les paysans, race peu vagabonde et par consŽquent autochtone, Žtaient Roumains. JÕavais ŽtŽ appuyŽ par les AmŽricains, et surtout par les Britanniques, ˆ qui je devais le rappeler plus tard lors du Partage de la Haute SilŽsie ČJules Laroche, Au Quai dÕOrsay avec Briand et PoincarŽ 1913-1926, Paris, Hachette, 1957, p. 73. Ouvrage couronnŽ par lÕAcadŽmie franaise.

[17] Statut du patriarcat Serbe. Par I. Ivanovitch. Revue des Žtudes byzantines. Paris. 1922. P. 186-202. ,

[18]Nous disposons dÕun exemple rŽcent de la comprŽhension que nous pouvons avoir sur ce quÕest un Exarchat autonome du Patriarcat de Constantinople dans le statut canonique de son Exarchat russe qui a son sige ˆ Paris : Ē Le Tomos de 1999 nŽgociŽ par lÕArchevque Serge et le SecrŽtaire GŽnŽral  de lÕArchevchŽ le Baron Basile de Tienahausen, prŽcise bien la continuitŽ avec celui de 1931: Ē Cet ArchevchŽ (É) constituŽ en Exarchat Patriarcal, en accord avec les dŽcisions du Patriarcat ĪcumŽnique du 13 fŽvrier 1931 Č et rien ne vient modifier ce qu'affirmait le Tomos de 1931: Ē Dans ce but, par arrtŽ synodal, nous avons dŽcidŽ que toutes les paroisses orthodoxes russes en Europe, tout en conservant sans changement ni diminution lÕindŽpendance quÕelles avaient jusquÕici en tant quÕorganisation russe particulire et administrant librement leurs affaires, soient considŽrŽes dorŽnavant comme formant provisoirement, sur le territoire de lÕEurope, un exarchat Č.

 

[19] In  Ē Les voies de la thŽologie russe Č par Georges Florovsky. P. 55  Ed ; LÕAge dÕHomme. Paris 2001.

[20] Le patriarche Filaret est une personnalitŽ extraordinaire : Il Žtait le pre du tsar Michel Romanov qui lui confŽra le rang impŽrial, que seul le souverain portait jusque-lˆ de Ē Grand Souverain Č. LÕautoritŽ du patriarche fut ˆ son apogŽe durant son pontificat et cÕest lui qui en rŽalitŽ gouvernait lÕEmpire Russe.

[21] In  Ē Les voies de la thŽologie russe Č par Georges Florovsky. P. 55  Ed ; LÕAge dÕHomme. Paris 2001.

[22] In  Ē Les voies de la thŽologie russe Č par Georges Florovsky. P. 54  Ed ; LÕAge dÕHomme. Paris 2001.

[23] Ibidem. P. 54

[24] Ibidem P.56

[25]  In Ē Histoire de lÕUkraine Č par le Professeur  Arkady Joukovsky. P 39  Ed. du Dauphim Paris 1994.

[26] In  Ē Les voies de la thŽologie russe Č par Georges Florovsky. P. 64   Ed ; LÕAge dÕHomme. Paris 2001.

[27] In  Ē Les voies de la thŽologie russe Č par Georges Florovsky. P. 65  Ed ; LÕAge dÕHomme. Paris 2001.

[28] Ē Petite Russie Č nom que le Russes donnent parfois ˆ lÕUkraine.

[29] Polons'ka-Vasilenko N. LÕHistoire de lÕUkraine en 2 vol. Vol. 2. De la moitiŽ du XVII sicle jusqu'ˆ 1923, 1992. p 194. ET : Grouchevs'ky M.S. LÕAccord de Pereyaslav de lÕUkraine avec Moscou en 1654. Articles et textes /Grouchevs'ky M.S. Grouchevs'ky M.S. Qui sont les Ukrainiens, que veulent-ils. Kiev, 1991. p. 60-69. Polons'ka-Vasilenko N Ibid. vol. 2. p. 39-40.

[30] Ibidems. S 174-175.

[31] Polons'ka-Vasilenko N Ibid. Vol. 2. p 196.

[32] Ibid. 179.

[33] Ē Stavropigiaque Č De _______, stavros en grec : Croix. Indique un monastre qui bien que situŽ dans lՎparchie dÕun  Žvque ne relve pas canoniquement de celui-ci, mais du patriarche de Constantinople qui symboliquement y a plantŽ sa croix, signe de sa juridiction. Le patriarche dÕune Eglise locale peut lui aussi plantŽ sa croix dans un monastre et le faire dŽpendre directement de lui. Ce privilge est Žtendu pour des mŽtokias situŽes en dehors du Mont Athos et dŽpendant canoniquement dÕun des douze  monastres du Mont Athos,  et qui Žchappent  elles aussi ˆ la juridiction de lՎvque diocŽsain.

[34] S. Ternovsky.  Ē LՎtude sur la soumission la MŽtropolie de Kiev au Patriarcat de Moscou Č. Kiev, 1872. p. 89.

[35] Ibid. 91-92.

[36] Voir note N” 16.

[37] Ibid. 182. Polons'ka-Vasilenko N Ibid. 196. ________  l'ƒglise Russe occidentale dans un dernier tiers de XVII s. [Dans le livre : Macaire (Boulgakov), le MŽtropolite de Moscou et de Kolomna. L'histoire de l'ƒglise Russe. Le livre septime. Moscou, 1996. p 536. 

[37] Les Archives de la Russie du sud-ouest publiŽes par la commission temporaire pour l'analyse d'anciens actes (ensuite Ń _RSO). La premire partie. Vol V. Actes se rapportant ˆ l'affaire sur la soumission de la MŽtropolie de Kiev au Patriarcat de Moscou (1620-1694). Kiev, 1872. p. 42. 

 

[39] Adrianapolis ________¹____ , aujourdÕhui Ē Edirne Č citŽ dÕorigine antique connue Žgalement sous le nom dÕAndrinople, la citŽ est limitrophe de la Bulgarie et de la Grce. Andrinople fut la capitale de lÕEmpire Ottoman jusquՈ la prise de Constantinople en 1453 ; Cette ville demeurait importante le pacha gouverneur de lÕimportante province frontalire y rŽsidait. A cette Žpoque le Grand Vizir y avait Žgalement  une rŽsidence, ainsi que certains membres du Synode Permanent.

[40] S. Ternovsky.  Ē LՎtude sur la soumission la MŽtropolie de Kiev au Patriarcat de Moscou Č. p. 134. Kiev, 1872.

[41] Ethnarque, en grec : _____ ,   ethnos, racine  du mot franais : Ethnie.  

[42] Lire sur ce sujet notre ouvrage qui y est consacrŽ : Ē La PapautŽ Orthodoxe Č Editions PrŽsence. Paris 2004.

[43] Lire sur ce sujet notre ouvrage qui y est consacrŽ : Ē La PapautŽ Orthodoxe Č Editions PrŽsence. Paris 2004.

[44] En franais : Agent double.

[45] Le Caractre des relations de la Russie vers l'Est orthodoxe ˆ XVI et XVII sicles. prof. Sergiev Possad, 1914. S 299.

[46] Prof. N. F Kapterev, Ē Le Caractre des relations de la Russie vers l'Est orthodoxe ˆ XVI et XVII sicles Č. P. S. 307-308. Sergiev Possad, 1914.

[47] Lire sur ce sujet notre ouvrage qui y est consacrŽ : Ē La PapautŽ Orthodoxe Č Editions PrŽsence. Paris 2002.

[48] Ternovsky in Ē  Chimov Č,. - _oscou, 2003. p. 141.

[49] Ternovsky in Ē  Chimov Č,. - _oscou, 2003.p. 144-145

[50] Lettres publiŽes en intŽgralitŽ  : _RSO. Part 1. Vol. V. p. 142-158.s

[51] Ibid. p. 153

[52] Soloviev S.M. Ibid. Vol. VII. p. 378.

[53] Soloviev S.M. Ibid. Vol. VII. p. 378.

[54] Le Canon 2 du IIme Concile ĻcumŽnique de Constantinople I en 381 , Žnonce clairement du bon ordre ˆ conserver dans chaque province la primautŽ qui revient au grand sige dÕAlexandrie, Antioche et Constantinople et quÕaucun Žvque Žtranger ne doit intervenir dans un autre ŽvchŽ que le sien. Le Canon 8 du IIIme Concile ĻcumŽnique  dÕEphse en 431, les canons apostoliques 34 et 35 confirment ces dispositions du Canon 2 du concile de Constantinople.

 

[56] Mt VI, 24

[57] Lire ˆ ce sujet notre ouvrage qui y est consacrŽ. Nous faisons remarquer ici que le patriarche de Constantinople avait dans lÕEmpire Ottoman une position officielle qui le plaait au rang de pacha ; et que les pachas, comme les grands vizirs, Žtaient dŽposŽs et remplacŽs, puis ˆ nouveau en fonction, au grŽ de la volontŽ du sultan et quÕils nՎchappaient pas au ch‰timent suprme, dŽcapitation ou Žtranglement avec un lacet de soie : Ē La PapautŽ Orthodoxe Č Editions PrŽsence. Paris 2004.

[58] Vladimir Bourega docteur en histoire et en thŽologie, professeur et vice-recteur chargŽ de la recherche de l'AcadŽmie thŽologique et sŽminaire de Kiev.

[59] In Ē  Revue dՎtudes comparatives Est-Ouest, 2004 Vol. 35, N” 4 Ē Religion (s)  et identitŽ (s) en Ukraine : Ē existe-t-il une identitŽ des  confins Čpar Nataly Boyko P.43-44 et Ē LÕadjonction de la MŽtropolie de Kiev au Patriarcat de Moscou : Comment cela s'est dŽroulŽ. Č Par Wladimir Bourega in Site de lÕAcadŽmie de ThŽologie du Patriarcat  de Moscou ˆ Kiev.

[60] LÕorigine dans le droit du Code NapolŽon repris par notre Code Civil en France, de la pŽriode trentenaire qui est observŽe pour quÕun bien soit dŽclarŽ, sans autre document ou titre de propriŽtŽ, sans contestation possible, comme appartenant ˆ celui qui lÕoccupe, provient de cette disposition canonique.